Une figure de l'opposition radicale russe va sièger chez Aeroflot

Candidat du milliardaire actionnaire de la compagnie aérienne, l'avocat et blogueur Alexeï Navalny va mettre en pratique son idée de la gouvernance d'entreprise en siégeant au conseil des directeurs où il a été élu. Curieusement, le Kremlin, actionnaire à 51% d'Aeroflot, n'a pas bloqué son élection.
Alexeï Navalny, le blogueur vedette de l'opposition à Vladimir Poutine /Copyright AFP

En Russie, les temps ont, semble-t-il, changé. Il y a quatre ans, le célèbre champion d'échecs devenu opposant Gary Kasparov déclarait qu'il ne touchait pas aux plateaux repas d'Aeroflot, de crainte d'être empoisonné. Désormais, un de ses compères de l'opposition anti-Poutine siège au conseil des directeurs de la première compagnie aérienne russe. Il a été élu lundi après avoir été nominé pour représenter le banquier Alexandre Lebedev, qui détient 15% d'Aeroflot.

Ce dernier est un cas quasi unique dans le milieu des affaires russes, qui depuis l'arrestation de Mikhaïl Khodorkovski, se garde d'entretenir quelque rapport que ce soit avec l'opposition. Alexandre Lebedev n'hésite pas, lui, à critiquer le gouvernement, et est co-propriétaire avec Mikhaïl Gorbatchev du journal d'opposition Novaïa Gazeta.

Un choix qui n'a rien de fantaisiste

Son choix de faire élire Alexeï Navalny peut sembler risqué d'un point de vue politique, mais il n'a rien de fantaisiste. Avant de devenir l'orateur préféré des dizaines de milliers de manifestants anti-Poutine défilant depuis décembre dernier, Alexeï Navalny était connu depuis 2007 comme un ardent avocat des droits des actionnaires minoritaires. Il explique que son engagement politique est en grande partie la conséquence du combat infructueux qu'il mène avec la direction de grands groupes russes (VTB, Rosneft, Transneft) cotés en bourse et contrôlés par l'Etat mais gérés selon lui de manière opaque qui bafoue les droits des actionnaires minoritaires. L'impossibilité d'obtenir une plus grande transparence des comptes de ces entreprises pilotées par des proches du président Vladimir Poutine a poussé cet avocat de formation à élargir son activité à la création du site rospil.ru (sorte de Wikileaks dédié à la lutte anticorruption) puis à l'activisme politique proprement dit.

Transparence maximale

Alexeï Navalny compte utiliser son siège chez Aeroflot pour promouvoir son « programme de gestion d'entreprise » consistant à une transparence maximale, basée entre autres sur la révélation, via des sources anonymes, de tout type de prévarication. Il espère aussi renforcer le rôle des directeurs indépendants au siège de grandes compagnies, qui font le plus souvent figure de potiches. Les marchés ont réagit avec un léger optimisme à cette annonce. En l'absence d'autres nouvelles venant de la compagnie, le titre Aeroflot a gagné 0,7% sur l'index Micex de Moscou.

Nombreux sont ceux qui ont été surpris de voir le Kremlin, qui considère Aeroflot comme un actif stratégique, siéger aux côtés d'un opposant virulent. D'un autre côté, les flux financiers d'Aeroflot sont cent fois moindres que ceux de groupes pétroliers/gaziers comme Rosneft et Gazprom. Le Kremlin a en quelque sorte jeté un os pour occuper Navalny, qui est par ailleurs harcelé quotidiennement par la police pour son activité politique.

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