Demain en Tunisie, il y aura la mer à boire...

Par Stéphanie Wenger, à Tunis  |   |  540  mots
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Appuyée par des bailleurs de fonds internationaux, la Société nationale des eaux (Sonede) se tourne vers le dessalement d'eau de mer pour diversifier des ressources hydriques proches de l'épuisement.

Côté pile, la Tunisie aurait plutôt de quoi pavoiser : avec un approvisionnement qui avoisine les 100 % en milieu urbain et les 93 % en milieu rural, le réseau d'eau potable est l'un des plus larges et efficaces de la région. « De plus, s'enorgueillit Hedi Belhaj, le PDG de la Sonede (Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux), elle est l'une des moins chères du monde à satisfaire les critères de l'OMS [Organisation mondiale de la santé, ndlr]. »

Côté face pourtant, la réalité est plus sombre : dans certaines régions, beaucoup de foyers ne sont pas raccordés, des écoles ne sont pas connectées. Selon certaines estimations, ce seraient même 30 % des 10 millions de Tunisiens qui ne pourraient compter sur un accès « permanent et sécurisé » à l'eau.

Pis, les ressources naturelles sont dangereusement en train de s'épuiser. « En 2030, avec l'accroissement démographique, on ne pourra fournir que 360 m3 par habitant et par an. Selon l'OMS, le seuil de pauvreté est de 700 m3, aujourd'hui nous sommes déjà en dessous, remarque Hedi Belhaj. Heureusement, la Tunisie a 1 400 kilomètres de côtes ! »

Un coût gobal de 300 millions d'euros

La Méditerranée à la rescousse ? Le dessalement d'eau de mer est en tout cas le pari que veut tenter la Sonede. « Le transfert [des ressources hydriques d'une région à une autre] est coûteux et les ouvrages sont saturés. De plus, depuis la révolution, les habitants réclament le droit d'utiliser l'eau là où elle est produite, explique le PDG de la Sonede. Mieux vaut investir dans le dessalement ! »

Pour l'instant, ce sont surtout les eaux de surface du Nord qui alimentent l'ensemble du pays. Pour les traiter, la Tunisie compte quatre usines de traitement d'eau saumâtre. Mais rendre potable l'eau de la Méditerranée, qui affiche un taux de salinité de près de 40 g par litre, requiert une tout autre technologie. Le plan de construction d'usines de dessalement était déjà dans les cartons avant la révolution. Le Princesse Holding de Sakhr el-Materi, le gendre du président Ben Ali, avait même mis sur pied un BOT (build, operate and transfer), un type de contrat « tout inclus », de la conception à la construction en passant par l'exploitation, la maintenance et le montage financier. Cela a donc dû être remis à plat.

Quatre stations de dessalement d'eau de mer pour un coût global de 300 millions d'euros sont programmées. La première, sur l'île de Djerba, pourrait être opérationnelle dès 2016. L'appel d'offres a été lancé et six sociétés ont passé la phase des préqualifications, dont deux françaises, Degrémont (Suez) et OTV (filiale de Veolia). Les autres sociétés sont espagnoles. « Le financement est assuré par KfW, la banque allemande de développement, qui prête 60 millions d'euros, et l'Agence française de développement [AFD], 7 millions », précise Abderraouf Nouicer, responsable du dossier à la Sonede.

Sfax, la deuxième ville du pays, est l'une de celles dont l'approvisionnement en eau est le plus critique : elle est à l'extrémité du réseau de transfert. Une station de dessalement y est prévue, avec une capacité de 200 000 m3 par jour.