Comme la Fed, la BCE pourrait publier ses fameuses minutes

L'économiste en chef de l'institution de Francfort évoque la possible publication des comptes rendus du conseil des gouverneurs. Ce serait un nouveau changement majeur qui trouve son origine dans l'opposition avec la Bundesbank.
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Voici une proposition qui va faire du bruit. Le chef économiste de la BCE, le Belge Peter Praet, a reconnu ce vendredi dans l'édition du quotidien allemand Handelsblatt, que les spéculations autour de la position de tel ou tel membre du conseil des gouverneurs « lui font penser qu'il faudra publier « tôt ou tard » les minutes - autrement dit la retranscription - des réunions de ce conseil. « Nous en discutons intensément », a conclut Peter Praet.

Politique de communication de la BCE

La BCE a longtemps été très fière de sa politique de communication et de sa conférence de presse mensuelle qui, deux fois, par an, quitte Bruxelles pour une capitale d'un pays de l'union économique et monétaire. A ceci s'ajoute des interventions des membres du Conseil des gouverneurs et du directoire dans différentes manifestations. Interventions qui permettent souvent de chauffer le froid et le chaud sur le marché. Ainsi, après les propos très accommodant de Jörg Asmussen, membre du directoire, mercredi, son collègue Benoît Coeuré s'est montré plus « faucon » jeudi.

La BCE doit parler seule pour 17

Mais ce que le BCE s'est jusqu'ici encore toujours refusé à faire, c'est de publier les minutes, autrement dit la retranscription, du conseil des gouverneurs qui précède la décision de politique monétaire et la conférence de presse chaque premier jeudi du mois. On comprend la motivation de la BCE qui doit prendre une décision dans l'intérêt de l'ensemble de la zone euro, alors que le conseil des gouverneurs est composé des 17 gouverneurs des banques centrales nationales et des 6 membres du directoire. Inévitablement, des considérations nationales doivent émerger.

Unité précaire

L'unité de la BCE étant assez précaire, elle n'entendait pas la mettre en péril en affichant publiquement les divergences internes au conseil. On peut le comprendre : lorsque la Fed publie ses minutes, les objections du gouverneur de la Fed de Dallas ne sont pas interprétées comme un reflet des intérêts du Texas, ni comme l'imminence de la sortie de cet Etat de l'Union. Dans le cadre de l'Eurosystème, c'est évidemment différent, car toute objection provenant d'un gouverneur serait interprété dans un sens « national » et saperait l'unité de ce système.

Pression sur les gouverneurs

Pour autant, la publication des minutes de la BCE permettrait d'imposer sur les gouverneurs une pression qui le contraindrait, pour ne pas nuire à la crédibilité de la BCE, à mesurer leur opposition et donc à la restreindre aux cas les plus essentiels. Le directoire de la BCE peut donc espérer que cette pression réduise l'opposition au sein du conseil. Dans le viseur, il y a évidemment la Bundesbank et son président Jens Weidmann, qui ne cache pas son opposition à la politique de Mario Draghi. Or, le gouvernement allemand tend plutôt à soutenir la BCE que la Bundesbank.

Piège pour Jens Weidmann

Dans ces conditions afficher publiquement dans le cadre d'une réunion du conseil des gouverneurs son opposition serait pour Jens Weidmann ouvrir un front contre son propre gouvernement. Ce n'est pas impossible, l'histoire de la Bundesbank en est pleine. Mais, évidemment, en assumer la responsabilité est plus lourd en cas de publications des minutes. Car ce serait se placer dans l'opposition et saper la confiance des marchés envers l'Eurosystème qui ne manquerait pas de spéculer sur la signification à long terme de cette opposition allemande. Autrement dit, les minutes pourraient in fine, sauver une unité qu'elles devaient mettre en péril.
 

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