Allemagne : pourquoi les négociations pour former une coalition bloquent encore

CDU, CSU et SPD peinent à se mettre d'accord pour former un gouvernement. Le vote des militants sociaux-démocrates début décembre sera décisif.
Angela Merkel veut éviter de nouvelles élections. Devra-t-elle céder aux renvendications de la SPD ?

Voici bientôt deux mois que l'Allemagne - la première puissance économique et politique du continent européen - n'a pas de gouvernement. Depuis huit semaines, CDU, CSU et SPD discutent pour tenter de trouver un terrain d'entente gouvernemental. Mais cette « grande coalition » peine à naître et, décidément, Angela Merkel doit bien regretter ces quelques dizaines de milliers de suffrages qui lui ont manqué pour glaner les cinq voix nécessaires à la constitution d'une majorité absolue.

Ce sur quoi l'on a avancé

Certes, sur certains points, les négociations semblent avoir avancé. Sur les sujets « secondaires », ceux sur lesquelles les électeurs et les militants n'attendent guère les deux partis, l'accord a été facilement trouvé dans le sens d'un statu quo : politique étrangère, Europe, quota sur les femmes administratrices. Mais sur quelques points très sensibles, la situation reste tendue.

Ce qui bloque (1) : les investissements publics

D'abord, la question du financement des dépenses d'infrastructures. SPD, CDU et CSU sont tous d'accord pour investir quatre milliards d'euros supplémentaires chaque année pour remettre à niveau les infrastructures du pays. Mais comment trouver cet argent ?

La proposition initiale du SPD  - augmenter les impôts pour les plus riches - a été rejetée par les Conservateurs. Les sociaux-démocrates, qui entendent utiliser cette concession pour imposer le salaire minimum, n'ont pas insisté. Et ont proposé une extension de l'actuel péage pour les poids lourds. Mais la CSU et la CDU y voient un handicap pour la compétitivité allemande.

La CSU tient à son projet de vignette pour les automobilistes étrangers. Difficile dans l'espace Schengen, mais le parti bavarois propose de mettre en place une vignette pour tous qui serait fiscalement compensée pour les Allemands… Une proposition rejetée par la CDU qui pourrait rallier tout le monde en proposant de se servir dans les recettes fiscales existantes…

Ce qui bloque (2) : la santé

Deuxième point, la santé. Chacun est certes d'accord pour « améliorer le système de santé », mais là encore, les discussions butent sur le financement. Le SPD voudrait réunifier les taux de cotisations des employeurs avec ceux des employés. Actuellement, les salariés payent 8,2 % de leur salaire brut pour l'assurance santé, les employeurs 7,3 %. Mais la CDU et la CSU refusent, encore à cause de la compétitivité. Pour le SPD, il est difficile de reculer sur ce point, car c'est un des points forts de son programme.

Ce qui bloque (3) : la retraite

Troisième point, la retraite. La CDU et la CSU voudraient une retraite pour les mères restées à la maison pour élever leurs enfants. Le SPD souhaiterait permettre un départ à la retraite dès 63 ans après 45 ans de cotisations, sans toucher au principe de la montée progressive à 65 ans pour l'âge minimal de départ à la retraite en 2030. Les deux mesures sont coûteuses, mais un compromis semble possible.

Ce qui bloque (4) : la double nationalité

Quatrième point : la double nationalité. Le SPD veut élargir les conditions d'obtention de cette double nationalité. Aujourd'hui, les enfants nés de parents étrangers peuvent acquérir la double nationalité. Mais pour beaucoup, et notamment les Germano-turcs, il faut cependant choisir une des deux nationalités avant 23 ans. La CDU et la CSU ne veulent pas en entendre parler. On voit mal néanmoins les discussions échouer sur ce plan.

Ce qui bloque (5) : le salaire minimum

Enfin, le salaire minimum. Le SPD a insisté pour faire de son projet de salaire minimum unique à 8,50 euros un point non négociable pour entrer dans une « grande coalition. » La CDU semble en avoir accepté le principe, mais voudrait que le montant du salaire minimum fût fixé par une commission formée de syndicalistes, de chefs d'entreprises et d'experts et non par la loi.

Une commission travaille sur ce seul sujet qui apparaît comme la clé du reste des négociations. Selon son degré de satisfaction sur ce point, la SPD pourra lâcher plus ou moins de lest par ailleurs.

L'épée de Damoclès du vote des militants SPD

Le temps presse. Les négociations doivent s'achever avant la fin du mois. Le contrat de coalition doit en effet être soumis à la validation des militants sociaux-démocrates. Un vote qu'Angela Merkel craint particulièrement, car lors du congrès du week-end dernier à Leipzig, la base de le SPD n'a pas caché son mécontentement de devoir jouer les « supplétifs » de la CDU…

Du coup, la chancelière pourrait être tentée de faire beaucoup de concessions aux sociaux-démocrates. Un scénario qui fait déjà beaucoup grincer de dents dans son propre parti où l'on trouve que l'on fait trop de place aux exigences du SPD. Et qui pourrait déclencher la fureur des Bavarois. Du coup, ces derniers sont tentés de durcir le ton dans les négociations, ce qui les complique singulièrement.

La menace d'un nouveau vote

Sauf que si la base sociale-démocrate dit « niet » à la grande coalition, Angela Merkel se retrouvera sans vraie solution de rechange. Les Verts ont déjà dit non et il n'est pas certain qu'ils puissent revenir sur leur décision. Un gouvernement minoritaire est impossible face à une gauche majoritaire au Bundestag (mais incapable de s'entendre pour former un gouvernement).

Resteraient alors de nouvelles élections. Le scénario du pire. Car il est alors peu probable que l'arithmétique politique allemande en soit facilitée. Le parti anti-euro, voire les Libéraux peuvent revenir au Bundestag. La CDU/CSU ne serait pas certaine de disposer d'une majorité absolue, même si elle ferait alors campagne sur cette nécessité. Et l'on risque de revenir au point de départ.

 

 

Commentaires 7
à écrit le 20/11/2013 à 17:13
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Compte tenu des demandes de Bruxelles vis-à-vis de l'excédent commercial germanique, il est bien évident que cette alliance va aboutir rapidement, quitte à devoir réduire la compétitivité surtout face aux autres européens.

le 20/11/2013 à 21:08
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Il n'y a que dans la tête d'un français qu'une telle idée puisse germer ... La France étant le seul pays au bord du gouffre capable de se faire harakiri pour en aider d'autres ... Pas les allemands, et aussi tous les pays du Nord de l'UE ... Les alle...

à écrit le 20/11/2013 à 17:13
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Compte tenu des demandes de Bruxelles vis-à-vis de l'excédent commercial germanique, il est bien évident que cette alliance va aboutir rapidement, quitte à devoir réduire la compétitivité surtout face aux autres européens.

à écrit le 20/11/2013 à 14:10
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Ce qui bloque: 50 milliards de dépenses supplémentaires! Dans l'absence d'avoir effectuer de véritables réformes pour améliorer la compétitivité de l'économie allemande, les investissements des entreprises sont au plus bas (non pas aussi bas qu'en Fr...

à écrit le 20/11/2013 à 12:44
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Parce que ça permet aux allemands de négocier en plusieurs phases. Le fameux argument que nous sortent américains et chinois pour ne pas respecter dans les faits les traités qu'ils signent, quand notre belle bureaucratie européenne nous impose à nous...

à écrit le 20/11/2013 à 10:02
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Commentaire : Que tous ceux qui pensent que Merkel est la plus grande hypocrite (ce qui peut se dire également faux cul) de l'Histoire lève la main.

le 20/11/2013 à 11:05
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