La BCE, combien de divisions ?

Avant la décision très attendue ce jeudi de la BCE, La Tribune propose une revue de détail des moyens dont dispose Mario Draghi pour combattre le risque déflationniste.
Mario Draghi a touours indiqué que "son artillerie" était prête en cas de déflation.

La décision du conseil des gouverneurs de la BCE ce jeudi est fort attendue, car la situation demeure très délicate en zone euro. Devant l'étendue des problèmes et des contradictions (que l'on retrouvera résumée ici), la BCE dispose de plusieurs types d'armes - pour reprendre le vocabulaire guerrier de Mario Draghi.

  1. L'arme blanche : la baisse des taux de 15 points de base

C'est l'hypothèse la plus souvent avancée par les économistes. La BCE pourrait ramener son taux de refinancement principal à 0,1 % contre 0,25 % aujourd'hui. Ce serait une façon de pratiquer une politique de taux zéro sans le dire officiellement. L'efficacité de cette mesure est cependant très incertaine, puisque les deux dernières baisses des taux n'ont pas réellement eu d'effet sur la tendance à la désinflation de l'économie européenne. Les banques n'ont pas un problème de coût de leur refinancement, mais plutôt un problème de demande de crédit et de qualité de leur bilan. Néanmoins, une baisse des taux peut avoir un effet positif sur l'euro et montrer aux investisseurs que la BCE est bel et bien prête à agir en cas d'affaiblissement de l'inflation. Le tout, sans trop fâcher une Buba pour qui un taux de 0,25 % ou de 0,1 % ne change fondamentalement rien.

  1. L'arme de poing : réduire les réserves obligatoires

La BCE peut décider de réduire les réserves obligatoires requises pour les banques actives dans la zone euro, autrement dit la partie des dépôts et des instruments financiers à court terme (moins de deux ans) que les banques doivent déposer à la BCE. En décembre 2011, ce taux a déjà été abaissé de 2 % à 1 %. Si elles étaient abaissées à 0,5 %, ceci pourrait libérer 50 milliards d'euros. Sera-ce suffisant ?

  1. Le « canon de 75 » : la fin de la stérilisation des achats de titres

On y réfléchit de plus en plus : la BCE pourrait cesser de « stériliser » son programme de rachat de titres (Securities Market Programme ou SMP). En clair, il s'agirait de cesser de racheter les montants que la BCE a mis sur le marché jusqu'en septembre 2012 pour racheter des obligations d'Etat. Il s'agirait donc de lancer la presse à billet en créant de la monnaie, ou plutôt en augmentant la liquidité disponible des montants pas encore stérilisés (actuellement 170 milliards d'euros). Le bilan de la BCE gonflerait et, en théorie, la masse monétaire également. L'idée serait alors de rassurer les banques sur l'offre de liquidité et de les inciter à prêter davantage. La Bundesbank a montré quelques signes positifs en faveur de cette option, ce qui a ouvert la voie à bien des rumeurs. Mais l'efficacité de cette création monétaire a posteriori est loin d'être certaine.

  1. L'artillerie lourde : un nouveau LTRO

Pour donner de la visibilité aux banques, la BCE pourrait lancer un nouveau programme de refinancement à long terme à taux fixe ou à taux maximum. Ceci permettrait aux banques de disposer d'un matelas de liquidité suffisamment sûr pour qu'elles prêtent à nouveau aux entreprises. Fin 2011, début 2012, la BCE avait mis en place un LTRO de 3 ans qui avait permis de distribuer près de 1.000 milliards d'euros dont 590 demeurent encore à rembourser. Cette fois, on évoque plutôt une période de remboursement de 12 ou 18 mois. Une partie du conseil des gouverneurs hésite cependant encore à relancer cette option qui est un pari sur l'avenir, car les banques doivent rembourser ces prêts. Il y a donc un risque important sur le bilan de la BCE.

  1. La « Grosse Bertha » : un taux de dépôt négatif

« Techniquement prêts. » C'est ce qu'a toujours dit Mario Draghi concernant la mise en place d'un taux de dépôt négatif. Actuellement, ce taux de dépôt est à 0 % et les dépôts auprès de la BCE s'élève à 56 milliards d'euros. En imposant un taux négatif à ces dépôts, on incite les banques à ne rien déposer à la BCE et à placer ces sommes sur le marché interbancaire, donc on donne plus de sécurité au système financier pour prêter à l'économie. L'ennui, c'est que l'on ne maîtrise pas vraiment cet instrument, utilisé un temps au Danemark dans un autre contexte. Il pourrait avoir des effets pervers et incontrôlable ou n'être que fort peu efficace, comme la Grosse Bertha qui bombardait à l'aveugle Paris en 1918 et qui n'a pas servi à grand-chose. Mario Draghi préfèrerait sans doute qu'elle demeure à l'état de menace suffisamment impressionnante…

  1. L'arme nucléaire : un Quantitative Easing à l'européenne

Pour stopper la déflation, rien ne vaut la planche à billet pourrait-on penser. la BCE pourrait donc se lancer dans un programme de rachats d'actifs massifs, à l'image de ce que la Fed a fait et qu'elle est en train de ralentir. Le rachat, notamment, de prêts aux PME titrisés a été évoqué. Il permettrait à la fois de fournir une liquidité abondante et d'inciter les banques à prêter à des conditions facilitées à l'économie. Le danger, c'est à la fois l'opposition radicale de l'Allemagne à cette politique ultra-expansionniste et la difficulté d'en sortir. On l'a vu avec la Fed. Sans doute la BCE n'aura-t-elle recours à cette arme suprême qu'en tout dernier recours.

                                           

 

Commentaires 3
à écrit le 06/02/2014 à 18:23
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Quand on mets en place des politiques d'austérité,le pendant à terme faute de remettre le système dans la bonne direction ,c'est la déflation,partant du principe que toutes les politiques coercitives à base de fiscalités hors normes tuent la consomm...

à écrit le 06/02/2014 à 17:15
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Quand la situation est désespérée, il existe aussi une autre arme pour soigner la finance ultra-libérale, c'est l'euthanasie :)

à écrit le 06/02/2014 à 6:47
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je ne suis pas toujours d'accord avec les points de vue de l'auteur de l'article , mais je trouve celui ci bien construit .

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