Les patrons allemands peu enthousiastes pour sanctionner la Russie

Les milieux économiques allemands refusent l'éventualité d'une guerre économique avec la Russie. Une position qui pourrait influer sur la diplomatie outre Rhin.
Vladimir Poutine et Angela Merkel, dirigeants de pays aux intérêts économiques communs...

Les patrons allemands sonnent l'alarme sur d'éventuelles sanctions économiques à l'égard de la Russie. Mercredi, le président de la fédération allemande des exportateurs, la BDA, a convoqué à Berlin une réunion d'urgence une conférence de presse pour faire passer un message clair : « l'essentiel et la principale cible à atteindre, c'est gagner du temps et ne pas lancer d'emblée les missiles des sanctions. »

Les milieux économiques appellent à la retenue

Depuis quelques jours, tout ce que l'Allemagne compte de chefs d'entreprise et de dirigeants de lobbies patronaux appellent à ne pas se lancer dans une guerre commerciale avec la Russie. Le président de la fédération des banques privées, la BdB, Jürgen Fitschen, un des deux dirigeants de la Deutsche Bank, a appelé à « éviter absolument de relancer la guerre froide. » Le lobby de la chimie, le VCI a également appelé au calme.

Le discours pro-russe du Handelsblatt

Ce jeudi matin, le quotidien Handelsblatt, voix du patronat allemand, s'est lancé en une dans un plaidoyer poignant en faveur de Vladimir Poutine, s'indignant des comparaisons faites entre le président russe et Hitler ou Staline, reprenant les arguments du Kremlin sur la Crimée et rejetant toute accusation d'expansionnisme de la Russie. Le directeur de la rédaction du Handelsblatt lui-même, Gabor Steingart, a pris la plume pour dénoncer la politique de « pitbull » de l'Occident et appeler à changer la Russie grâce au renforcement des liens économiques. « Les relations économiques peuvent jouer un rôle stabilisateur, précisément en ce moment », explique l'éditorial du Handelsblatt avant de décrire les entreprises occidentales comme les vecteurs « de la multiplication du bien-être avec des avantages communs ici et en Russie. »

Faire revenir Angela Merkel à la modération

Derrière ce discours soudainement pro-Russe, se dissimule évidemment la volonté du patronat allemand de faire revenir le gouvernement d'Angela Merkel à une position plus modérée sur la crise ukrainienne. Il est vrai que Berlin, qui a soutenu sans condition le boxeur germano-ukrainien Vitali Klitschko et Ioulia Timoschenko a été en première ligne à Kiev et peut apparaître en Russie comme un des principaux adversaires du pays.

L'arme du gaz

Pourquoi une telle crainte des milieux économiques allemandes ? La première raison, on s'en doute, c'est le coût énergétique d'une guerre commerciale avec la Russie. Cette dernière fournit en effet 38 % du gaz consommé outre-Rhin. Un lien encore renforcé depuis l'ouverture, grâce au lobby intensif de l'ancien chancelier Gerhard Schröder, du gazoduc de la Baltique. Alors que la république fédérale négocie un très difficile tournant énergétique et que les milieux économiques s'inquiètent déjà du renchérissement du prix de l'énergie, tout renchérissement du gaz russe serait très difficilement supportable pour l'industrie allemande. Or, l'industrie reste le fer de lance de la croissance et de l'économie allemande.

Certes, la Russie est aussi dépendante que l'Allemagne l'est de la Russie sur ce sujet puisque la république fédérale est le premier client de son industrie gazière. Mais en cas de hausse des prix du gaz russe, l'Allemagne n'aura guère d'autre choix que de payer. Kirsten Westphal, experte à la Fondation Economie et Politique (SWP) de Berlin, cité par le Handelsblatt, affirme qu'il « n'existe aucune alternative réelle aux livraisons russes pour l'Allemagne. » Selon elle, le passage au gaz naturel liquide (LNG) ne permettrait pas d'amortir le choc.

Un client essentiel pour l'Allemagne

Le gaz représente 30 des 40 milliards d'euros d'importations de l'Allemagne depuis la Russie et explique a lui seul le déficit commercial de la première économie européenne envers la Fédération dirigée par Vladimir Poutine. Mais ce déficit tend à se réduire en raison de la progression des exportations allemandes. En 2013, il était de 4,3 milliards d'euros, un plus-bas depuis 2007. Et si l'an passé, le ralentissement économique général a ralenti les exportations allemandes, elles demeuraient à 36,1 milliards d'euros supérieures de 8,9 % au niveau de 2008 et de 75 % à celui de 2009. Autrement dit, la Russie n'est pas seulement un fournisseur pour l'Allemagne, c'est aussi un client important, le 11ème, qui a contribué significativement à la croissance du commerce extérieur allemand depuis 2009.

La croissance impressionnante des exportations allemandes vers la Russie

Pour certaines entreprises comme Adidas, la Russie pèse pour près de 8 % de son chiffre d'affaires. Entre 2010 et 2012, les exportations de machines-outils vers la Russie sont passées de 5,6 milliards d'euros à 8,5 milliards d'euros, soit une hausse de 85 %. La croissance des livraisons d'automobiles est encore plus remarquable : elles sont passées de 4,7 à 8,8 milliards d'euros, soit une progression de 87,2 %. 6.000 entreprises allemandes sont présentes en Russie et y ont investi 20 milliards d'euros. On voit mal l'Allemagne renoncer à un tel marché. D'autant que la croissance des exportations demeure, malgré tous les discours, le seul vrai moteur de la croissance allemande et des rentrées fiscales du pays. Or, Berlin a toutes les raisons du monde de ne prendre aucun risque sur le plan économique : ses ambitions budgétaires, son exposition au risque des autres pays de la zone euro, le vieillissement de la population lui interdisent toute prise de risque.

Les Allemands contre des sanctions économiques

C'est cela que les milieux économiques ont rappelé à Angela Merkel. Un sondage publié par le Handelsblatt révélait par ailleurs combien la population allemande restait attachée au maintien de bonnes relations avec la Russie : 69 % des Allemands interrogés jugent les sanctions économiques non efficaces. La chancelière n'est pas femme à tenir tête à son opinion publique, ni aux milieux économiques, lorsque règne un tel unanimiste. Il y a donc fort à parier que Berlin devrait tout faire pour entrer dans le cycle des sanctions commerciales.

Devant le Bundestag ce jeudi, Angela Merkel a certes évoqué des sanctions en cas de rattachement de la Crimée à la Russie. Le vice-chancelier Sigmar Gabriel a cependant reconnu que l'Allemagne ferait tout pour éviter de nouveaux trains de sanctions. Malgré le risque démesuré pour l'Allemagne, des sanctions ne sont cependant pas à exclure si les événements s'emballent, notamment si la Russie intervient militairement en Ukraine orientale. 1914 a montré que les liens économiques ne suffisaient aps toujours à maintenir la paix. Mais alors, l'Allemagne pourrait bien être le principal perdant d'un conflit économique russo-occidental.

 

 

 

Commentaires 37
à écrit le 21/03/2014 à 19:51
Signaler
Retablire nos frontieres. retrouver une monnaie (le franc) et une autonomie politique et economique et ne rendre de compte a personne si on veut faire du commerce avec l'Iran ont fait du commerce avec l 'Iran ce n'est pas a l'allemagne ou aux amer...

à écrit le 15/03/2014 à 18:33
Signaler
Les patrons allemands travailleraient même avec le diable s'il le fallait. L'argent est leur religion.

à écrit le 14/03/2014 à 19:28
Signaler
Comment toute l'Europe s'est faite couillonner pour les allemands qui l'ont construite que pour en profiter niveau fric !

à écrit le 14/03/2014 à 13:39
Signaler
Historiquement les allemands connaissent bien le chemin aller pour la Russie ... et aussi le chemin retour.

le 14/03/2014 à 13:46
Signaler
Nous on connaît le chemin de la traîtrise et de la collaboration avec l'ennemi ...

à écrit le 14/03/2014 à 12:33
Signaler
Le modèle allemand c'est celui qui a la forme d'un portefeuille. Point.

à écrit le 14/03/2014 à 9:41
Signaler
Il y a un nom pour cela, petite b...

à écrit le 14/03/2014 à 9:18
Signaler
5,6 milliards d'euros à 8,5 milliards d'euros, soit une hausse de 85 % ???? vous manipulez bien les chiffres, Je dirais plutôt un 51%

à écrit le 14/03/2014 à 8:34
Signaler
Poutine doit être vert de peur avec les menaces de Fafa et Fanfan.Mort de rire.

à écrit le 14/03/2014 à 8:09
Signaler
Poutine le mechant, Obama le bon....et Hollande le simplet....merci aux media pour cette analyse geopolitique....les allemands ont un peu de bon sens ...

à écrit le 14/03/2014 à 7:50
Signaler
Ah ces vieilles connivences ...Quant à ceux qui ne comprennent pas que l'Ours Russe a besoin d'un glacis de 3000 Km devant Moscou pour se protéger qu'ils relisent l'Histoire. Quant à ceux qui évoquent la guerre aux frontières orientales de l'Europe...

à écrit le 14/03/2014 à 7:42
Signaler
Bravo aux Allemands qui ne se laisse pas embarquer dans une déstabilisation orchestrée par "nous" ! La preuve le pantin mis à la place est déjà en train de signer les papiers vite fait pour l'Europe, Poutine à très bien compris la combine Euro/US. I...

le 14/03/2014 à 9:42
Signaler
Quelle ignorance !

à écrit le 13/03/2014 à 23:11
Signaler
Israël occupe des teritoire palestinien pourquoi la communauté international ne dit rien hein mes copains ?

le 14/03/2014 à 7:22
Signaler
Qui est sur représenté dans les instances internationales ? Les inuits ?

à écrit le 13/03/2014 à 22:24
Signaler
Le positionnement du patronnat allemand est décalé car c'est une guerre qui se prépare, des photos sur réseaux sociaux aux différents médias et même confirmation de Poutine on peut suivre les positionnements et déplacements de blindés russes etc. a q...

le 14/03/2014 à 9:43
Signaler
Personne ne veut la guerre Poutine sait très bien que les européens n'oseront rien de bien méchant.

le 14/03/2014 à 13:14
Signaler
D'un autre coté Kiev est 300 kms de la Russie, difficile d'imaginer que les forces Russes soient à 3 jours de Kiev. Donc? Ah s'il y a des photos sur réseaux sociaux, là c'est très inquiétant en effet.

à écrit le 13/03/2014 à 22:06
Signaler
« l'Allemagne pourrait bien être le principal perdant d'un conflit économique russo-occidental » Raison pour laquelle le tandem Obama et Hollande va mettre une forte pression pour que des sanctions soient prisent contre la Russie en cas d'annexion de...

le 13/03/2014 à 22:19
Signaler
Absurde comme raisonnement vus les échanges franco-allemands.

le 14/03/2014 à 11:37
Signaler
Jos , bon raisonnement mais les patrons allemands l ont déjà appréhendé.

à écrit le 13/03/2014 à 21:56
Signaler
De quoi on se mêle, pas un blairo bobo Franchouillard pour le Tibet alors qu'on laisse les citoyens Ukrainiens décider tout seul et que Fabius ferme sa grande .... ! Non mais sérieusement il y a encore quelqu'un pour s'imaginer que la France représe...

le 13/03/2014 à 22:06
Signaler
Non propagandiste poutinien, nous ne laisserons pas ton maître Staline nous envahir sans que çà lui coûte économiquement et militairement car après l'Ukraine il se sentira encore plus sûr d'aller dans les pays baltes etc.

le 13/03/2014 à 22:28
Signaler
@Réaliste L'Ukraine n'est pas un territoire français et les français ne sont pas favorables à l'annexion à crédit de l'Ukraine à la France pour la somme de 11 milliards d'euros...

le 14/03/2014 à 7:27
Signaler
Quand on est pas à la remorque de la bande à Grobama et les 40 voleurs, on est pas forcément pro russe et pro Poutine ... Là où les sbires US passent, les nations et peuples trépassent : Irak, Afghanistan, Yougoslavie, Libye, Somalie... Mais vous ête...

à écrit le 13/03/2014 à 21:51
Signaler
Les Russes sont de grands amateurs de belles berlines allemandes. Il faut voir les rues de Moscou, c'est impressionnant. En cas de sanctions économiques, les allemands devront vendre leurs belles berlines aux chômeurs français par exemple.

le 13/03/2014 à 22:07
Signaler
Une guerre est imminente alors vous êtes déplacé avec vos berlines.

le 14/03/2014 à 4:18
Signaler
@Ben non . Vous en connaissez beaucoup des gugus français ou autre qui sont prêts à se faire trouer la paillasse pour Sébastopol ? Vous peut-être mais pas moi....

à écrit le 13/03/2014 à 21:09
Signaler
Les chantres du "modèle allemand" sont désormais bien silencieux...

à écrit le 13/03/2014 à 19:23
Signaler
Oui et pour l' Iran les entreprises Françaises ont fait comment ?

le 13/03/2014 à 21:04
Signaler
???? l'Iran aurait annexe un autre pays?

à écrit le 13/03/2014 à 18:36
Signaler
L'OTAN paye son attitude au Kosovo, province Serbe annexée par les réfugiés albanais.

le 13/03/2014 à 21:35
Signaler
kosovo annexee par le serbe avant la guerre,jamais province serbe,maitenant kosovo idependant

le 14/03/2014 à 10:06
Signaler
contre la volonté de l'ONU la France a bien annexé Mayotte.....Relire l'histoire et se taire svp.Les menaces de Hollande-Fabius sont l'expression de la farce actuelle qui est en train de vivre la France.....Pitoyable

à écrit le 13/03/2014 à 18:10
Signaler
On en est plus seulement aux sanctions économiques, Poutine place massivement des troupes et équipements précis à moins de 3 heures de Kiev. Informez-vous correctement et ouvrez-donc les yeux sinon vous allez êtres surpris. L'Ukraine est contournée a...

le 13/03/2014 à 19:25
Signaler
Une grande énergie pour relayer les informations pro-OTAN, 15-20 posts par jours, avec toujours une référence à Staline ou a Hitler (voir le nombre de posts avec "3 heures de Kiev" aujourd'hui). On vous paye bien?

le 13/03/2014 à 20:29
Signaler
@Militaire: on suppose que tu t'es autant inquiété quand les Américains ont envahi l'Irak sous un faux prétexte :-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.