Merkozy, le retour ?

Nicolas Sarkozy semble vouloir reprendre sa politique de coopération avec Angela Merkel de 2010-2012. Crédible ? Pas si sûr.
Nicolas Sarkozy a proposé de relancer "son" couple avec Angela Merkel

Lors de son interview de dimanche soir, Nicolas Sarkozy a cherché à se présenter comme l'homme de la réconciliation et du rapprochement avec l'Allemagne. « Avec l'Allemagne, nous devons avancer ensemble. Nous devons réfléchir sur la politique économique en Europe. » Certes, tout ceci - comme le reste d- demeure bien flou. Mais une chose est certaine : l'axe de la politique européenne de l'ancien président de la République devrait être de faire renaître ce que l'on a appelé « Merkozy », cette fusion entre les deux dirigeants français et allemands qui, a conduit le politique européenne pendant dix-huit mois, entre octobre 2010 et mars 2012.

Un Sarkozy jadis très anti-Merkel

Qu'était-ce que Merkozy ?  Pour bien le comprendre, il faut revenir en arrière. Pendant les trois premières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les relations avec Berlin ont été plus que tendues. En 2007, le mandat du président fraîchement élu commença par une passe d'armes avec le gouvernement allemand (voir Repère). Dès lors, la méfiance est de mise, le couple franco-allemand est à l'arrêt et l'incompréhension générale. Pendant trois ans, en privé, on s'échange des politesses. A l'Elysée, on parle alors de « la boche » ou de « la grosse » ; à la chancellerie, on se gausse de ce « De Funès » grimé en président. En politique, même fossé. A Berlin, on se concentre sur les déficits, qu'on laisse filer à Paris. Face à la crise déclenchée par la faillite de Lehman Brothers, Nicolas Sarkozy veut une réponse keynésienne forte et coordonnée. Angela Merkel traîne des pieds et finit par adopter un plan de relance très centré sur les besoins de l'économie allemande. En octobre 2009, lorsque la crise grecque survient, la même incompréhension revient. Malgré les efforts du président français, Angela Merkel temporise pour aider insuffisamment Athènes, elle est obsédée par les élections régionales du 9 mai 2010 en Rhénanie du Nord Westphalie. Nicolas Sarkozy subit là une humiliation cuisante. La plupart de ses propositions ont été rejetée par une chancelière renforcée par la force de l'Allemagne sur les marchés.

Le tournant de Deauville

Cet échec a-t-il déterminé Nicolas Sarkozy a changé de stratégie ? C'est possible. Nicolas Sarkozy aura alors été convaincu qu'il ne parviendrait pas à faire céder Berlin et qu'il ne pouvait donc jouer que la coopération. La crise a aussi fait craindre pour le taux français. Il fallait donc plutôt être « du côté du manche » pour éviter les coups. La crise irlandaise d'octobre a resserré les liens entre les deux dirigeants en instaurant une solidarité de fait pour sauver les banques françaises et allemandes. A la fin du mois, la fameuse « promenade » sur la plage de Deauville scelle cette nouvelle alliance, ce « couple étrange » comme le dira alors le New York Times.

Le marché de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel

Nicolas Sarkozy passe alors un marché avec la chancelière. Le président français arrache à la chancelière sa participation au « sauvetage » de l'euro et un gouvernement économique européen, qu'il a toujours défendu. Mais Angela Merkel va poser ses conditions, et notamment le contenu de ce gouvernement. En réalité, pour apparaître comme l'allié le plus proche de Berlin, Paris a rendu les armes. Priorité est désormais donnée aux priorités allemandes : la consolidation budgétaire et l'amélioration de la compétitivité externe. Nicolas Sarkozy a abandonné toutes ces idées du printemps 2010, notamment les euro-obligations dont l'Allemagne ne veut pas pour éviter la « socialisation des dettes » et « l'union des transferts. »

La fiction Merkozy

Derrière Merkozy se cache donc une fiction, un jeu de dupes. La réalité, c'est qu'Angela Merkel utilise son « cher Nicolas » comme une preuve que l'Allemagne ne redessine pas seule et dans son propre intérêt la zone euro. Du reste, Merkozy dicte alors sa loi à tous ceux qui veulent éviter le sabre de l'austérité. L'exemple le plus frappant de cette union, c'est l'éviction de George Panadréou, le premier ministre grec qui, en novembre 2011, veut soumettre le mémorandum à référendum. Nicolas Sarkozy mène la charge contre le Grec et obtient, avec la chancelière, sa démission, l'annulation du référendum et la nomination d'un gouvernement technocratique dirigé par l'ancien de la BCE, Lukas Papadémos. Même en politique intérieure française, Merkozy prend la réalité d'Angela Merkel : les impôts sont augmentés, la TVA sociale votée...

Bilan calamiteux

Le bilan de « Merkozy » est calamiteux. Cette politique a sapé durablement la confiance des agents économiques dans toute l'Europe et a ruiné une grande partie des économies périphériques en faisant de la politique budgétaire le seul critère de réussite et la seule priorité. La zone euro est entrée en récession au troisième trimestre 2011 pour n'en sortir qu'au deuxième trimestre 2013. Et depuis, elle est dans une quasi-stagnation, à la merci d'une déflation rampante. Mais c'est cette face que Nicolas Sarkozy a choisi de mettre en avant dimanche soir. Sans doute pour mieux se différencier de l'actuelle majorité.

François Hollande, un anti-Sarkozy pour Angela Merkel ?

Y a-t-il eu, du reste, pour Angela Merkel, une véritable rupture avec l'élection de François Hollande ? Certes, le discours est officiellement différent. Il n'y a pas de « Merkollande », parce que France et Allemagne ne coopère plus guère ensemble à des projets nouveaux. François Hollande et Angela Merkel ne parlent pas le même langage et ne s'adressent chacun qu'à leur opinion publique. On a l'impression d'être revenu en 2007-2008. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Derrière les discours, le nouveau président s'est montré fort coulant à l'égard de la chancelière.

L'Elysée soucieuse de plaire à Berlin

Dès juin 2012, le nouvel hôte de l'Elysée décide d'enterrer les euro-bonds, vrai hommage-lige rendu à la chancelière. Lors du sommet européen, il refuse de rallier l'axe italo-espagnol pour demander un « bouclier anti-spread. » Et surtout, il consent à ratifier le pacte budgétaire, le grand-œuvre de Merkozy, moyennant un plat de lentilles, un pacte de croissance fantomatique... Depuis, François Hollande n'a jamais bloqué la volonté allemande. Sur Chypre, sur le budget européen, sur la question du calcul des déficits, il n'a jamais tenté de bloquer le choix allemand. Mieux même, le président français ne cesse de vouloir donner des gages de bonne volonté à Angela Merkel : il a repris, lors de la conférence de presse du 14 janvier 2014, le thème de l'harmonisation sociale et fiscale entre la France et l'Allemagne chère à Nicolas Sarkozy. Il a limogé Arnaud Montebourg en raison de son discours trop direct envers Berlin. Il a pour ambition de convaincre Berlin de la volonté de réformes de la France.

Angela Merkel a peu besoin de Paris désormais

Angela Merkel a d'autant moins de raison de regretter Merkozy, que, désormais, la structure institutionnelle européenne est en place et nécessite moins d'efforts « coordonnées » pour réorganiser la zone euro. En maintenant, grâce au semestre européen, la France sous pression pour sa politique budgétaire, l'Allemagne s'assure qu'elle ne sera pas tentée de s'opposer à elle. Par ailleurs, Angela Merkel a d'autres alliés désormais, notamment Madrid, pour faire contrepoids à Paris. Enfin, Nicolas Sarkozy était-il un allié sûr ? C'est loin d'être certain. En mars 2012 pour les besoins de la campagne électorale, il avait sacrifié Merkozy en réclamant un nouveau statut pour la BCE.

Merkozy n'a donc jamais été qu'une parenthèse dans le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Une parenthèse liée aux circonstances. Et il n'est pas certain que cette direction bicéphale puisse renaître alors qu'Angela Merkel a pris l'habitude de gouverner seule l'Europe.

Commentaires 11
à écrit le 02/10/2014 à 13:03
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Merkel pratiquement la meme formation que Poutine ! ; Sarkosy un faible devant les femmes.

à écrit le 24/09/2014 à 16:01
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sarkosy n'est qu'illusion et a l'art de transformer ses défaites en victoires..... son alliance avec Merkel.... plus exactement sa soumission à Merkel a été une catastrophe absolue..... une vraie carpette qui lui a permis de bluffer son monde, mai...

le 26/09/2014 à 10:20
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"sarkosy n'est qu'illusion et a l'art de transformer ses défaites en victoires….." Sarkozy est un Français à part entière, de quoi s'étonner ?

à écrit le 24/09/2014 à 14:24
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L'Allemagne compromet la stabilité en Europe, renforcé par une gauche déliquescente qui a renoncé à être "de gauche" et une droite déchirée, vérolée par les affaires et la bataille des chefs. Si l'Allemagne cherchait une solution pour sortir de l'Eur...

le 24/09/2014 à 14:50
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Où avez-vous LU que le FN voulait sortir de l'euro et de l'Europe. Pas de trace de cette volonté par écrit. Juste des insinuations par ci, par là, et leur contraire le lendemain. D'ailleurs vous le contaterez bien vite si ce parti venait à passer.

à écrit le 24/09/2014 à 14:02
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Bravo Margaret Merkel :! Quelle inflexibilité ! Vous règnez sur un tas de ruine mais le principal c'est que l'Europe soit allemande ! Aujourd'hui une très grande partie de l'intelligentia française vous glorifie. Mais demain, après les prochaines éle...

à écrit le 24/09/2014 à 13:54
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Dans la mesure où nous vivons dans la société du spectacle et de l’argent roi, il est tout à fait envisageable que Sarkozy soit élu en 2017. Ce n’est pas l’intelligence qui mène le monde, mais la force brute. Et comme les gens sont facilement manipu...

le 24/09/2014 à 14:46
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Je partage votre analyse et fais le même constat que vous pour ce qui est de l'intelligence collective. Cependant, Se changer soi est déjà pas si mal avant de vouloir que la planète entière change. Donc je pense qu'il ne faut pas desespérer. En tout ...

le 24/09/2014 à 16:44
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"Un ouvrage très édifiant, à lire "sans modération" ! "L'Humanité disparaitra, bon débarras !" Y Paccalet

le 24/09/2014 à 17:30
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Dedieu, dedieu ! vous me faites peur, vous deux ! :-))

à écrit le 24/09/2014 à 13:46
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AH OUAAAIIIS, VIVEMENT !!!!

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