
C'est une bien sévère défaite qu'a dû encaisser ce dimanche la CDU, le parti de la chancelière allemande Angela Merkel dans la première des deux élections régionales au programme en 2015, celle de Hambourg (l'autre scrutin est prévu en mai à Brème). Les Chrétiens-démocrates ont ainsi encaissé un recul de six points au regard de la précédente élection de 2011, n'enregistrant que 15,9 % des suffrages exprimés. C'est le plus faible score enregistré par ce parti dans une élection hambourgeoise depuis le premier scrutin, en 1946 !
La figure d'Olaf Scholz
L'écart avec les Sociaux-démocrates de la SPD est considérable. Le parti du ministre président sortant Olaf Scholz a obtenu 45,7 %, soit près de 30 points de plus, même s'il encaisse aussi un recul de 2,7 points par rapport à 2011. Certes, depuis la démission voici quatre ans de l'ancien bourgmestre (maire) CDU de Hambourg, le charismatique Ole von Beust, la ville hanséatique a retrouvé sa couleur politique habituelle, très à gauche. Il faut également rappeler que les Hambourgeois sont traditionnellement très attachés à leur maire et Olaf Scholz est très populaire dans une ville portuaire qui profite beaucoup de la force exportatrice du pays et qui est considérée comme la plus dynamique d'Allemagne. Il n'empêche, l'ampleur de la chute est clairement un avertissement sévère pour la CDU.
Le spectre AfD se précise
D'autant que, pour la première fois, il semble qu'il y ait eu un transfert direct de voix entre la CDU et le parti eurosceptique Alternative für Deutschland (AfD). Malgré de fortes dissensions internes, ce parti a en effet réussi à entrer, pour la première fois, dans un parlement régional à l'ouest du pays. En 2013, il avait échoué en Hesse, le Land de Francfort. Son score, 6,1 %, est plutôt supérieur à ce que lui prédisaient les sondages et correspond en grande partie aux pertes de la CDU. C'est donc un vrai succès pour le chef d'AfD, Bernd Lücke, dans la ville où il est professeur à l'université. Pour Angela Merkel, même si l'élément local joue évidemment fortement, c'est un avertissement sans frais : une partie de son électorat est prête à rejoindre AfD. Ce résultat pourrait donc l'amener à ne pas prêter le flanc aux critiques d'AfD en cédant du terrain dans les négociations avec la Grèce. Il pourrait amener la chancelière à laisser carte blanche à son ministre des Finances Wolfgang Schäuble, partisan de la méthode dure avec Athènes.
Défaite pour la grande coalition
Mais ce scrutin hambourgeois est en réalité un coup de semonce pour la « grande coalition » entre SPD et CDU qui règne à Berlin. Le score important de la SPD ne doit pas dissimuler deux faits. D'abord, les deux partis au pouvoir à Berlin sont les seuls à reculer. Tous les autres progressent. Même le parti libéral FDP, moribond ailleurs, est parvenu à progresser légèrement et à se maintenir au parlement régional. Ensuite, le succès d'Olaf Scholz est aussi un coup de semonce pour le vice-chancelier et ministre de l'Economie Sigmar Gabriel. Ce dernier a montré, depuis quelques mois, une tendance à s'aligner sur les positions économiques de la chancelière. Or, le maire de Hambourg est son rival à peine dissimulé pour la tête du parti et la candidature à la chancellerie en 2016. Comme le souligne le directeur de la rédaction du Handelsblatt ce lundi matin dans son Morning Briefing, « les heures de Sigmar Gabriel sont désormais comptées. »
Désaveu pour la SPD
Cette élection hambourgeoise est donc aussi un désaveu de la SPD fédérale et de son alliance avec la CDU/CSU à Berlin. La progression de Die Linke, le parti de gauche, de 2,1 points à 8,5 %, fait rare dans un Land de l'ouest, est donc aussi un désaveu pour les Sociaux-démocrates, tout comme la hausse d'un point enregistré par les Verts (+ 1 point à 12,2 %). La SPD a certes obtenu quelques réformes depuis 2013, principalement la possibilité pour certains de prendre la retraite à 63 ans et le salaire minimum. Mais le prix à payer par ailleurs - et notamment en termes de politique européenne - semble avoir déplu à une partie de l'électorat. Si SIgmar Gabriel prend cet avertissement au sérieux, l'équation grecque pour Angela Merkel sera encore plus délicate : si elle durcit sa position pour satisfaire son aile droite, elle risque de s'aliéner son allié SPD. Mais il n'est pas sûr que le vice-chancelier, très proche de sa chancelière, s'essaie à la résistance sur la question européenne.
Stabilité des lignes au niveau fédéral
Reste que Hambourg n'est pas l'Allemagne. Les derniers sondages au niveau fédéral montrent une relative stabilité des positions politiques : CDU et CSU sont aux alentours de 41 % (contre 42 % aux élections de 2013), SPD à 25 % comme en 2013. Les Verts progressent à 12 % (8,4 % en 2013), Die Linke étant donnée entre 8 et 9 % (8,6 % en 2013). Le seul fait nouveau réside dans l'ancrage d'AfD dans le paysage politique et sa très probable entrée au Bundestag. Malgré cette stabilité, la situation est complexe pour Angela Merkel. Si AfD entre au Bundestag, la CDU ne peut plus espérer obtenir la majorité absolue qu'elle a ratée de peu en 2013. Elle est donc condamnée à s'allier avec la gauche, Verts ou SPD, ce qui risque de déplaire aux conservateurs de son camp qui seront donc tentés de rejoindre AfD. Au reste, quoi qu'il arrive, elle reste sous la menace d'une « alliance des gauches » comme on l'a vu se former en Thuringe récemment. Même si cette alliance n'est pas certaine d'être majoritaire en 2017 lors des prochaines élections fédérales, ce sera un débat inévitable au sein de la SPD.
Angela Merkel, seule
Enfin, dernière leçon de ce scrutin : Angela Merkel semble irremplaçable pour la droite allemande. Depuis des années, la CDU encaisse des défaites dans les Länder. Sur 15 Länder où elle concourt (le seizième est le fief de la CSU, la Bavière), la CDU n'en gouverne plus que quatre et tous en alliance avec la SPD (Saxe, Saxe-Anhalt et Sarre) ou avec les Verts (Hesse). La CDU a perdu toutes les grandes villes du pays. Son succès au niveau fédéral tient donc plus que jamais à la figure de « Mutti » (« maman »). Aucune figure ne semble en mesure de venir prendre le relais. Voici pourquoi la chancelière devrait - malgré sa promesse de 2013 de raccrocher - être en 2017 candidate à sa propre succession. Autrement, ceux qui votent SPD dans les élections régionales et CDU au niveau fédéral pourraient décider d'accorder leurs violons, surtout si un Olaf Scholz décide d'entrer en piste...
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