Grèce : les défis qui attendent encore Alexis Tsipras

L'accord du 20 février n'a pas tout réglé : liquidité, mécontentement politique, économie et dettes restent des sujets très délicats à traiter pour Alexis Tsipras.
Alexis Tsipras va encore devoir passer bien des obstacles...

Malgré les apparences, l'accord du 20 février dernier entre l'Eurogroupe et la Grèce est loin d'achever la tâche du nouveau premier ministre hellénique, Alexis Tsipras. Ce dernier va devoir, dans les jours qui viennent, faire face à de nombreux défis. Tour d'horizon.

 Obtenir le feu vert du parlement grec

L'accord avec les Européens n'a pas fait que des heureux au sein de Syriza. Rien de moins normal : il contraint la Grèce a accepter le contrôle des « institutions » et les critères fixés en 2012. Il signe aussi un échec sur le plan de la politique européenne de la part du premier ministre : il n'est manifestement pas parvenu à « changer l'Europe » et à négocier un vaste plan d'investissement européen pour la Grèce qui était un des piliers du programme économique du parti défini à Thessalonique en septembre dernier.

Les dents grincent donc logiquement à Syriza. Les excuses publiques au peuple grec du héros de la résistance Manolis Glezos dimanche dernier ont renforcé cette résistance de la gauche du parti. Même le ministre de la Reconstruction productive, de l'Energie et de l'Environnement, leader traditionnel de cette aile gauche, Panagiotis Lafazanis, a fait part de sa mauvaise humeur. Ceci se traduira-t-il par un éclatement de l'unité de Syriza ? Mercredi, à l'issue d'une réunion de onze heures, un vote du groupe parlementaire a eu lieu au cours duquel trente députés ont refusé de voter ou ont voté contre l'accord. C'est sans doute peu sur 149, mais cela est suffisant pour mettre en danger la majorité au gouvernement, ses alliés des Grecs Indépendants (Anel) n'ayant que 13 élus.

Alexis Tsipras se montre en tout cas prudent. Pour l'instant, officiellement, Maximou (le Matignon grec) affirme attendre la fin du processus de validation parlementaire du financement grec avant de décider si et comment il demande la validation du parlement. Le temps de calmer le jeu et de resserrer les rangs. Il est vrai que le premier ministre peut toujours mettre en avant ce qui a été arraché aux Européens (un plan de réformes qui reprend des points importants du programme de Thessalonique, un retour de l'initiative du côté grec, le caractère ouvert de l'accord, etc.). Par ailleurs, on voit mal les parlementaires Syriza risquer de renverser le premier gouvernement de leur parti aussi rapidement et prendre le risque d'une scission ou d'un retour au pouvoir des partis traditionnels. Sans doute donc y aura-t-il des grognements, mais Alexis Tsipras devrait pouvoir effacer cette difficulté. Pour l'instant, car beaucoup d'élus attendront de voir quelle politique sera concrètement menée.

Eviter la faillite

Contrairement à ce que l'on croit souvent, l'accord du 20 février ne règle pas le problème de liquidité de l'Etat grec. La somme qui reste disponible au sein du Fonds européen de Stabilité financière (FESF) est de 7,2 milliards d'euros. Mais l'argent ne sera débloqué que plus tard, lorsque les « institutions » auront constaté et validé le cours des réformes prix par le gouvernement grec. Or, la situation financière de l'Etat grec est préoccupante. En janvier, il a manqué un milliard dans les caisses de l'Etat. Moins que l'évasion fiscale souvent avancée, c'est aussi et surtout la dégradation de la conjoncture qui est en cause. Au quatrième trimestre, le PIB s'est contracté de 0,4 %...

Or, des échéances importantes arrivent. Le 6 mars, Athènes devra rembourser 1,6 milliard d'euros, le 13 mars 1,9 milliard d'euros, le 16, 600 millions d'euros (au FMI), le 20 encore 1,9 milliards d'euros. En tout donc, sur le seul mois de mars, la Grèce va devoir rembourser 6 milliards d'euros, dont 1,5 milliard d'euros au FMI et 4,5 milliards d'euros de bons à court terme. Impossible de faire face. Pour y parvenir, le gouvernement Tsipras va devoir compter sur les bonnes volontés. L'idée principale sera de demander à la BCE de relever le montant des bons à court terme que l'Etat grec est autorisé, dans le cadre du mémorandum. Il est aujourd'hui à 15 milliards d'euros, ce qui est insuffisant au regard des besoins. Ces bons venant à échéance dans quelques mois, pourront être remboursés avec l'argent du FESF. Mais la BCE sera-t-elle d'accord ? Rien n'est moins sûr car Mario Draghi a fait part d'une vision critique de l'accord du 20 février. Surtout, Francfort pourrait craindre que les banques grecques rachètent ces bons avec la liquidité du programme ELA, ce qui deviendrait du financement de l'Etat par la BCE. La BCE ne pouvant réellement couper le robinet de l'ELA aux banques grecques, elle pourrait refuser le relèvement du plafond d'émission de la Grèce. Mais elle prendrait le risque d'un défaut d'Athènes. Mais ce projet devra aussi prendre en compte les besoins des banques grecques qui ont dû faire face à un retrait des dépôts.

Le gouvernement grec ne peut guère compter sur le versement des 1,9 milliard d'euros d'intérêts obtenu sur la dette grecque par la BCE. Mais cette somme est, elle aussi, soumise à l'accord des institutions et à la réalisation préalable de réformes. Son versement ne peut donc pas être immédiat. Restera la possibilité de demander au FMI un moratoire sur les remboursements. Mais, outre qu'il ne s'agit là que de 1,5 milliard d'euros, Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, s'est elle aussi montré critique vis-à-vis de l'accord. Bref, l'une des principales tâches du gouvernement Tsipras va être d'éviter la faillite, malgré l'accord du 20 février qui, de ce point de vue, n'a rien réglé. Jeudi 26 février, le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, s'est dit persuadé que la BCE allait « aide la Grèce à éviter le défaut. » Il a notamment proposé que la BCE verse directement les intérêts qu'elle a touchés au FMI. Mais Mario Draghi ne semble pas décider à se laisser dicter sa conduite.

Quelle politique économique ?

Une fois ces obstacles franchis, Alexis Tsipras devra trouver une voie pour tenir les engagements économiques, au moins ceux compris dans le cadre de la liste de réformes validée par l'Eurogroupe. Mais le gouvernement sera en permanence sur une ligne de crête. S'il met trop l'accent sur « ses réformes », il s'expose à un refus de la nouvelle troïka et donc à devoir capituler - cette fois ouvertement - pour obtenir l'argent. S'il se montre trop bon élève en repoussant à plus tard notamment le traitement de « l'urgence humanitaire » pour « réformer » les retraites et le droit du travail en priorité, alors il s'expose à une révolte dans son camp. Globalement, le gouvernement va devoir convaincre rapidement la population et ses créanciers de sa capacité à faire rentrer plus d'impôts dans les caisses de l'Etat.

Le plus difficile sera en tout cas de parvenir, dans ce cadre étroit, à redresser l'économie grecque. L'interprétation selon laquelle c'est uniquement la perspective d'une arrivée de Syriza au pouvoir qui a plombé l'économie fin 2014 et début 2015 ne tient pas. Sans doute y a-t-il eu des effets liés à l'incertitude politique, mais les statistiques ont commencé à se dégrader dès le mois de septembre et d'octobre. La chute de 0,4 % du PIB au dernier trimestre 2014 ne peut uniquement s'expliquer que par l'effet Syriza. Enfin, la baisse des prix reste préoccupante (-2,8 % en janvier) et obère une grande partie de la capacité future d'investissement. En réalité, la croissance du pays reste sans aucun ressort en dehors du tourisme. L'austérité n'a laissé qu'un champ de ruines et il y a un besoin massif et urgent de relancer cette économie par l'investissement. Or, le programme de la troïka ne laisse guère de marge de manœuvre de ce point de vue, son caractère temporaire n'est pas fait pour rassurer des investisseurs qui ne pensent guère à la Grèce et Syriza n'est pas parvenue à convaincre l'Europe de faire de la relance. Bref, Alexis Tsipras semble démuni pour réellement agir sur la croissance.

Que faire en juin ?

Cet accord du 20 février n'est, comme l'a dit ce vendredi 27 février, Yanis Varoufakis, « qu'une feuille de vigne. » C'est un moyen d'apaiser les inquiétudes. Mais nul ne sait réellement comment la Grèce pourra payer les échéances après juin, lorsque la prolongation de l'actuel financement sera achevée. Sur les seuls mois de juillet et août, 10,9 milliards d'euros doivent être payés par Athènes. C'est plus que ce qu'il reste dans le FESF. Autrement dit, il faudra préparer un troisième plan de sauvetage du pays. Une option qui était déjà évoquée à l'époque de l'ancien premier ministre Antonis Samaras. Mais est-ce acceptable pour Alexis Tsipras et Syriza ? Rien n'est moins sûr. Sauf que cette fois, la BCE attend 6,7 milliards d'euros. Autrement dit, un défaut sur la BCE pourrait entraîner une coupure par cette dernière de l'ELA et un inévitable Grexit.

Le gouvernement grec va donc tenter d'ouvrir une négociation sur la restructuration de la dette. Si la BCE accepte de renouveler sa dette, si le FMI accepte un nouvel échéancier, alors le pays pourra passer l'été tranquillement. Mais pourquoi la BCE et le FMI accepteraient-ils d'agir ? Contre quelles contreparties ? On risque de se retrouver avec une conditionnalité qui n'a rien à envier à un troisième plan d'aide. C'est donc un véritable casse-tête pour Alexis Tsipras. Reste une option : préparer le pays au Grexit cet été. Mais il sera difficile de le faire sans refaire appel au peuple qui n'a pas donné à Syriza un tel mandat. Et il n'est pas sûr que les Grecs acceptent de prendre le risque du Grexit. Là aussi, en tout cas, le gouvernement grec semble dans une position délicate.

Commentaires 3
à écrit le 03/03/2015 à 23:22
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Que Tsipras embauche une dizaine de trader qui mettrons sa dette sur le marché (style Subrime, demandez à Goldam Sach ils savent faire) et hop plus de dettes.....

à écrit le 03/03/2015 à 8:11
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ce qui l'attend, c'est de nettoyer ses ecuries d'augias, et vu comme c'est parti, insultes comprises, je ne donne pas cher de la peau de son pays...la montre tourne..

le 03/03/2015 à 10:20
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Fort en gueule pour tout dénoncer, faible en bras pour tout réformer...

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