Daniel Cohn-Bendit : "Aux européennes, les Verts devraient faire au moins 10% en France"

Daniel Cohn-Bendit, député européen, est la tête de liste des écologistes en Ile-de-France. Il juge que François Bayrou fait fausse route en appelant uniquement au vote sanction contre Nicolas Sarkozy.

Aux dernières européennes de 2004, les Verts avaient obtenu 7,5% des voix. Quel est votre objectif pour le 7 juin ?

Au niveau national, on devrait faire au moins 10%. Mais je pense qu'on sera nettement au-dessus en Ile-de-France.

Et donc au-dessus du MoDem ?

C'est ce que j'espère. Par son positionnement pro-européen, le Modem aurait dû mener campagne autour des enjeux de ces élections. Mais François Bayrou a choisi un autre axe : il prône le vote sanction contre Sarkozy. Quelle erreur! Ce n'est pas avec cet argument qu'il donnera envie à ses électeurs de se rendre aux urnes.

Justement, à en croire les sondages, le plus grand risque, c'est l'abstention: comment, au c?ur de cette crise économique, peut-on mobiliser l'électorat autrement qu'en critiquant le pouvoir en place ?

Avec des propositions concrètes. Notre contrat écologique pour  l'Europe en compte 27. Nous proposons notamment l'organisation d'un  Bruxelles de l'emploi dont l 'objectif est de relancer l'économie par sa reconversion écologique. Prenons l'exemple de la filière automobile. Que chaque pays s'engage pour le sauvetage de son industrie nationale, cela n'a aucun sens. Si on veut maintenir une industrie automobile européenne, il faut mener une politique industrielle de transformation écologique de cette filière au niveau européen. Réunissons les constructeurs, les syndicats, les grandes organisations de défense de l'environnement pour qu'ils s'engagent ensemble à mener les grandes transformations nécessaires, pour décider des investissements qui permettront la production de voitures plus propres. Nous devons tout remettre à plat pour réinventer de nouvelles formes de mobilité durable : trouver des solutions pour que le fret de marchandises recoure de moins en moins aux poids lourds et privilégier voies navigables et train.

La mobilité durable implique des remises en cause de pans entiers de notre économie et donc plus de destructions que des créations d'emplois...

Non, nous estimons qu'en investissons 200 milliards d'euros par an,  soit 1000 milliards sur cinq ans, nous créerons, en Europe, dix millions d'emplois nouveaux. Ne serait-ce qu'en profitant de la réforme de la PAC pour réinvestir dans l'agriculture durable et écologique, on peut créer dans ce secteur de 1,5 à 2 millions d'emplois dans toute l'Europe. Dans l'économie de l'habitat durable, le potentiel est de 1 à 1, 5 millions d'emplois. Si, par ailleurs, d'autres emplois sont amenés à disparaître, je pense que le solde sera supérieur à 7 millions. Et pour les 2 ou 3 millions de personnes qui perdront leur emploi, nous proposons de mettre en place un bouclier social européen. Ces salariés bénéficieront d'un revenu de transformation afin qu'ils puissent se former à un nouveau métier

Qui paiera ?

Nous proposons qu'il y ait un co-financement européen. Plus largement, sur les 200 milliards d'investissements annuels, 10% viendront financer ce bouclier social 10% iront dans la recherche et encore 10% dans la formation. 1000 milliards d'euros en cinq ans, cela équivaut, à un effort par habitant à peu près équivalent au plan de relance d'Obama.

Au sujet de la protection de l'environnement, les verts, le MoDem, le PS et l'UMP proposent que les produits importés en Europe soient  soumis aux mêmes règles que ceux qui y sont fabriqués. Si tout le monde est d'accord, pourquoi le Parlement européen ne s'est pas saisi du sujet plus tôt ?

Tout simplement parce que la commission ne l'a pas proposé. Le parlement européen n'a aucun pouvoir d'initiative directe. Et Barroso est contre cette mesure. On nous répète que c'est du protectionnisme..  Mais nous demandons simplement que le respect des conventions de base  de l'Organisation internationale du travail (sur la liberté syndicale,  le non-travail des enfants, le non-travail forcé, etc.) et environnementaux (les conventions internationales sur la biodiversité et l'accord international sur le changement climatique qui sera négocié en décembre 2009) rentrent dans le cadre de l'OMC. ...

Ce n'est pas le cas ?

Non, par exemple, il n'y a pas de liberté syndicale en Chine. Pourtant, on a vu avec la directive Reach, que 'Union européenne pouvait imposer que des produits qui rentrent sur le territoire de l'Union soit soumis aux mêmes règles que celles qu'elle impose aux entreprises présentes sur son territoire. Pourquoi ce qui vaut pour ce secteur de l'industrie ne vaudrait pas par exemple pour l'agro-alimentaire ? Cela ne veut pas dire que nous confondons respect du consommateur et protectionnisme. Nous voulons aussi arrêter les subventions sur produits agricoles. Tant qu' au Burkina Faso un poulet surgelé importé sera moins cher qu'une volaille nourrie sur place, on ne permettra pas l'émergence de filière locale. L'ouverture des marchés, que défend l'OMC, est aussi contraignante pour nous.

José Manuel Barroso n'est pas votre candidat pour la présidence de la Commission. Qui verriez-vous à sa place ?

Le mode de désignation du président de la commission est complexe. Si l'on ne veut pas d'un candidat, il faut le bloquer comme Blair l'a  fait il y a cinq ans avec Guy Verhofstadt. Voilà pourquoi personne ne se mouillera tant que Barroso occupe le poste. Mais on connaît les candidats. A gauche, il y a Poul Nyrup Rasmussen et Joshka Fischer. Et c'est bien sûr ce dernier que je soutiendrai.

Les critères de Maastricht ont été provisoirement mis de côté. Dans son discours de Nîmes, mardi dernier, Nicolas Sarkozy a revendiqué la priorité donnée à l'investissement au détriment de la maîtrise des déficits. A-t-il eu raison ?

Je ne lui dis pas bravo. Il faut être sérieux avec les critères de Maastricht. Rappelons d'abord qu'ils étaient nécessaires pour faire  émerger L'euro. Il fallait que les Allemands qui mettaient le deustchemark dans le pot de l'euro soient rassurés. Mais ces critères ont été définis en une nuit. Sur les déficits, certains disaient 2%, d'autres 4%. Au dernier moment on a décidé 3%, car cela satisfaisait tout le monde. Mais les critères de Maastricht ce n'est pas la théorie de la relativité. Aujourd'hui on doit relancer l'économie ou comme nous le disons procéder à sa transformation écologique. Or tous les Etats sont endettés, et l'Europe du fait des traités ne peut pas s'endetter. En attendant de changer les traités, nous appelons toutes les banques centrales nationales à se coordonner pour qu'au même moment, elles lancent un emprunt national de même niveau, au prorata de leur PIB, et à un taux identique. Ces emprunts seront ensuite coordonnés et sécurisés par la BCE. La Banque Européenne d'investissement aura alors les moyens de relancer l'économie à travers des investissements qui assureront la transition vers un modèle de croissance durable. Investir dans la construction de bâtiments durables et dans la rénovation écologique de l'habitat ancien va, par exemple, générer des économies d'énergie, qui permettront indirectement de réduire notre dette. Car, oui, après avoir relancé l'économie, il faudra évidemment s'attaquer à l'endettement public.

Et comment ferez-vous pour convaincre les 27 membres de l'Union ?

Dans trois ou quatre mois, avec l'amplification de la crise, tout le monde va se tourner vers Europe. Ce sera le bon moment pour proposer une solution qui permette d'en sortir ensemble. Le chacun pour soi, c'est aberrant. Regardez les Irlandais : ils se croyaient les champions du monde avec leur politique fiscale qui leur a permis d'attirer beaucoup d'entreprises. Mais ils s'aperçoivent aujourd'hui qu'ils ont déplumé le budget de l'Etat.

La crise peut-elle favoriser l'émergence d'un embryon de politique fiscale européenne ?

Pour ce qui concerne la fiscalité sur les entreprises, cela mettra du temps car on ne peut pas négliger les besoins spécifiques des pays de l'Est, mais la convergence doit être notre but. En gardant à l'esprit que la défiscalisation à outrance, on le constate aujourd'hui, cela ne marche pas. Mais la première priorité, tant au niveau européen que national, c'est d'inventer une nouvelle fiscalité. Plutôt que d'augmenter la TVA qui est asociale ou de ponctionner les revenus du travail, nous souhaitons d'abord fiscaliser la circulation d'argent en créant une taxe Tobin intérieure : pour toute transaction financière - depuis le retrait d'argent au distributeur jusqu'au méga transferts internationaux des entreprises, en passant par l'argent que la grande distribution fait travailler en jouant sur les délais de paiement de ses fournisseurs - un prélèvement de 0,001% serait opéré et reversé au budget des Etats. C'est simple à mettre en ?uvre et cela ne pose aucun problème technique. Pour doter le budget européen de moyens supplémentaires, nous proposons aussi de créer une taxe sur les communications téléphoniques qui équivaudrait à 0,1% du coût de chaque appel. Elle rapporterait 50% du budget actuel de l'Union. Enfin, le 3e pilier, c'est la fiscalité écologique. Notre objectif final étant de réduire la pression fiscale sur les salaires et la consommation.

Avec la crise, les Français pointent du doigt les rémunérations des grands patrons. Etes-vous également choqué ?

D'abord je constate qu'on vit très mal les salaires de ces managers, mais qu'on ne dit rien sur ceux des vedettes du football, du cinéma, de la chanson ou de la télé. Alors que tout cela témoigne de la même folie. Notre société a perdu le sens de la valeur réelle des choses. Quelle logique y-t- il à payer un manager d'entreprise 500 fois plus qu'une infirmière? Dans notre programme, nous préconisons une très forte augmentation, par palier, de la fiscalité pour les revenus qui dépassent le seuil de 40 fois le salaire mininum. C'est le seul moyen de s'en sortir.

Les meilleurs managers risquent d'aller travailler ailleurs...

Qu'ils aillent ailleurs. Ils ont foutu les banques dans le rouge, ils ont mis en l'air les grandes entreprises de l'automobile. En quoi sont ils si extraordinaires ? Aujourd'hui plus personne n'est responsable de la crise. Que s'est-il donc passé ? Dieu a eu mal à la tête et tout le monde est devenu dingue... On trouvera d'autres managers, plus jeunes. J'en ai assez d'entendre brandir en permanence la menace de l'évasion des cerveaux, comme celle des capitaux. Eva Joly (numéro 2 sur la liste d'Europe Ecologie en Ile de France, ndlr) propose une solution simple et efficace pour régler le problème des paradis fiscaux : instituons la double transparence. Si toutes les banques sont obligées de déclarer tous les mouvements de capitaux, les sommes qui sont crédités sur les comptes de leurs clients comme celles qui sont débitées, l'évasion fiscale n'est plus possible et, en plus, on pourra s'attaquer au blanchiment de l'argent de la drogue et de la corruption. Personne n'a abordé ce sujet au G20.

Nicolas Sarkozy a redit la semaine dernière son hostilité à l'entrée de la Turquie dans l'Union. Partagez-vous son point de vue ?

Comme Angela Merkel, Sarkozy propose un partenariat privilégié. Ce n'est pas la bonne façon de répondre à la demande de la Turquie. En réalité, tant qu'on aura pas une vraie constitution on ne pourra pas plus intégrer ce pays que l'Ukraine. On a raté le coche lors de la réunification européenne. Avec le traité constitutionnel, on s'est tiré une balle dans le pied. Une constitution n'a pas à comprendre de volet économique. Ce sont les Britanniques et les commissaires qui nous l'ont imposé. Mais tout ça c'est le passé. En tout cas, tant que le fonctionnement institutionnel de l'Europe n'aura pas évolué, il ne sert à rien de parler de l'intégration de la Turquie. En revanche, ne serait-ce que par respect envers tous ceux qui, en Turquie, se battent au nom de l'Europe, pour la reconnaissance du génocide arménien, pour le respect des minorités kurde, etc. on ne peut pas rejeter de façon définitive l'idée de l'intégration qui, je le rappelle, est une promesse du chancelier Adenauer. Dans la lutte qu'on doit mener contre le terrorisme totalitaire des intégristes musulmans, il importe plus que tout de montrer qu'on ne se bat pas contre l'Islam. Or dire non aux Turcs, c'est dire non à l'Islam. De toute façon, avec ou sans la Turquie, la question de l'Islam européen se pose déjà. N'oublions pas que l'Union compte plus de citoyens européens musulmans que de Néerlandais. Laissons les négociations avec la Turquie se poursuivre. Il y en a pour une dizaine d'années. D'ailleurs si Sarkozy évoque ce sujet, c'est pour des raisons électoralistes. Cela lui permet de donner des signaux à l'extrême droite. On a pas à dire oui ou non aujourd'hui.

Mais, vous, qu'en pensez-vous ?

Le premier rêve européen fut le rêve du Rhin, le deuxième, le rêve de l'Oder et le que troisième sera le rêve du Bosphore. Et quand il se réalisera, Sarkozy ne sera plus président de la république, mais PDG d'Areva et ravi de vendre des centaines de centrales nucléaires à la Turquie.

Commentaires 18
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Ca fait du bien de lire un article (une interview) politique qui traite rellemment du sujet (ici, l'Europe) et ne releve pas du Sarkozy-bashing. Merci Daniel Cohn-Bendit, vous elevez le niveau du debat en France !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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pourqoi dany le rouge se presente en france et non en allemagne ???????????????????

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A chaque élection européenne, COHN BENDIT mise sur les nostalgiques de 68 pour voter et l'élire au parlement européen (les allemands ne s'intéressent guère à lui). Pendant 5 ans nous ne l'entendrons plus du tout en France. Au moins, le MODEM est en F...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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@sevebe : parce que, comme tout citoyen de l'union européenne, il a le droit de se présenter là où il le souhaite ! Et il a choisi de se présenter en France, comme en 1999, afin de faire augmenter le score des Verts français.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les Verts sont depuis longtemps partisans de réelles éléctions européennes, où les listes seraient composé de candidats de plusieurs pays. Lire à longueur de commentaires que Dany serait plus allemand que français est non seulement hors sujet, mais c...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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D. Cohn-Bendit a du toupet de se présenter en défenseur de la reconnaissance du génocide arménien. Au PArlement européen, sous sa houlette, le groupe des Verts s'est fait le défenseur INCONDITIONNEL de la Turquie en Europe: exit Chypre, les kurdes, l...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Perso je suis contre l'entrée de l'UE dans la turquie, et j aimerais que des que possible on arrete les negociations qui nous apportent que des grosses factures rien de plus, on est la 14e economie du monde, dans dix ou quinze ans je pense que on ser...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Mouai sauf que daniel cohn machin affirme des choses que les historiens non pas encore validé ... genocide pour lui et d'autres guerres pour nous, c'est comme si on disait genocide algeriens qui est le cas pour moi. Les kurdes et problemes machin, y...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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"Tous ces soit-disant écolos ne parlent jamais du seul problème qui menace la planète : la surpopulation. Comment faire vivre les 1O milliards de terriens prévus aux alentours de 2O5O, sans avoir recours à l'extension des surfaces cultivées, l'apport...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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moi, la politic c'est du blabla! le roi ou l'empereur avec ses courtisans, les lobbys, industries forcement de masse, banquiers, faiseur d'argents en tous genres..lol! Et le peuple, une bande d'esclave sacrifier sur l'autel du productivisme. Consomme...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Mais qui es tu toi pour jugé l'histoire ! c toi ki decide si y'a un genocide ou pas ? c à cause des gens comme toi que les turcs et armeniens n'arrivent pas à faire la paix, laisse les tranquil ! et occupe toi des genocides que toi et ton peuple on f...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Donnez-moi une seule bonne action des verts à BRUXELLE !!!!!! on sait que les haricots poussent verticalement !!!!!

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il faut vraiment avoir fumé, pour voter pour un Mec qui se vante de toucher les enfants que de charlatan a eu du succès grace a des fumeur d'herbe

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ce type est dangeureux .il se pretant écolo ,c est du pipo .c est un bobo integriste et un ex rouge .il est tout simplement opportuniste et chasse aux verts pour exister avec en france la complicité de bougrain ,hulot,arthus et consort (y compris bor...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tout ce que l'on a toujours voulu savoir, sans jamais oser le demander, sur le PROGRAMME ECONOMIQUE de François BAYROU : Beaucoup s'interrogent sur l'absence de programme économique dans l'ouvrage récent de F. Bayrou "Abus de pouvoir". On trouve la ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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réponse à sevebe: à ma connaissance, la France et l'Allemagne sont toutes deux en Europe. Je ne vois pas pourquoi un franco-allemand n'aurait pas le droit de se présenter dans l'une comme dans l'autre...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Pour "Tête de turc" La reconnaissance du génocide arménien pour des citoyens ayant des grands parents qui ont vécu ce drame, suivent de très prés ces élections. Le premier Génocide du 20ième siècle qui a fait 1,5 Millions de morts n'est toujours pas ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La reconnaissance du génocide arménien pour des citoyens ayant des grands parents qui ont vécu ce drame, suivent de très prés ces élections. Le premier Génocide du 20ième siècle qui a fait 1,5 Millions de morts n'est toujours pas reconnu publiquement...

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