François Hollande (PS) : "La vérité, c'est qu'il y aura des hausses d'impôts"

Par Propos recueillis par Ivan Best, Hélène Fontanaud et François Lenglet  |   |  838  mots
L'ex-Premier secrétaire du parti socialiste donne son analyse de la situation économique et politique face à la récession, à quelques semaines des élections européennes. Il préconise de taxer les plus aisés.

La Tribune : Le gouvernement exclut toute augmentation d'impôts, c'est un engagement crédible à vos yeux ?

François Hollande : La France va connaître en 2010 le plus haut niveau de déficits publics de son histoire, près de 9% selon l'OCDE. Quant à l'endettement public, il est maintenant prévu qu'il atteigne 100% de la richesse nationale à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Dans le même temps, le président déclare qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts. C'est à la fois un mensonge et une illusion. Un mensonge puisque la seule maîtrise de la dépense, aussi sévère soit-elle, ne peut réduire le déficit public que d'un point de PIB par an. C'est Eric Woerth, le ministre des Comptes publics, qui en fait lui-même l'aveu. Il faudrait alors huit à dix ans pour le faire disparaître, ce qui constituerait un manquement à nos engagements européens. Et c'est une illusion car il y aura mécaniquement des hausses de prélèvements. En effet, le déficit cumulé de la Sécurité sociale dépasse désormais le plafond prévu par la loi. Ce qui entraîne ipso facto une hausse de la CRDS, sauf à renvoyer sur la dette de l'Etat la dette sociale, ce qui ne serait rien d'autre qu'un subterfuge et une fuite en avant irresponsable. La vérité, c'est qu'il y aura bien des augmentations de prélèvements sur tous les Français par la voie de la fiscalité indirecte, par le relèvement des cotisations sociales et par la progression de la fiscalité locale. C'est-à-dire par les impôts les plus injustes.

Comment faut-il s'y prendre ?

Surtout ne pas laisser gonfler exagérément l'endettement public, c'est un transfert de charges vers les générations futures. Aussi faut-il relever la fiscalité sur les revenus les plus élevés par une hausse du taux marginal de l'impôt. C'est ce que font tous les grands pays dans cette période. Le débat fiscal sera au c?ur de la délibération politique pour sortir de la crise et lors de l'élection présidentielle de 2012. Je rappelle que le programme de Nicolas Sarkozy en 2007 n'était qu'un programme fiscal. La gauche ne peut pas réduire ses ambitions à ce seul domaine mais doit le mener avec le souci de la justice sociale et de la compétitivité économique, c'est-à-dire dans la confrontation avec la droite.

Ce taux marginal, on le relève à quel niveau ?

A 45%, conjugué avec la suppression du bouclier fiscal et la réduction du nombre de niches fiscales. Enfin, il y a des catégories de revenus qu'il faudra soumettre aux cotisations sociales : stock-options, intéressement, participation, etc...

A partir de quel revenu paierait-on ce taux marginal de 45% ? 200.000 euros comme le suggérait Pierre Méhaignerie ?

Pourquoi pas ? Je me réjouis d'ailleurs que Pierre Méhaignerie en arrive à cette proposition. Je sais que le débat traverse aussi la majorité, Gilles Carrez dans vos colonnes a lui-même évoqué la nécessité de ce relèvement. La défense coûte que coûte du bouclier fiscal est en effet devenue une cause impossible. Mais il faut avoir le souci de l'exhaustivité des revenus : un effet de seuil n'a de sens que s'il y a peu de fuites dans le calcul de l'impôt.

Donc pas de baisse d'impôts dans les années qui viennent ?

Toute baisse des prélèvements obligatoires dans les prochaines années me paraît être une ineptie économique et financière, puisqu'elle ne peut être financée qu'à crédit. L'urgence, c'est la maîtrise de l'endettement, car jamais la formule "les déficits d'aujourd'hui sont les impôts de demain" n'a eu autant de pertinence.

Votre projet, c'est donc au total plus d'impôts ?

Non. Si je dis qu'une baisse des prélèvements n'est ni possible ni souhaitable, je récuse leur hausse au moment où les ménages comme les entreprises traversent une période exceptionnellement difficile. Comme président du conseil général de la Corrèze, j'ai refusé toute augmentation de la pression fiscale. Il faut donc raisonner à prélèvements obligatoires constants, ce qui conduit à être responsable sur la maîtrise de la dépense, courageux sur un certain nombre de réajustements, et clair sur l'objectif de la redistribution fiscale. Si certains, notamment les classes moyennes, paient moins, d'autres doivent contribuer davantage.

Une réforme fiscale toucherait aussi la fiscalité des entreprises ?

Oui. Il faut baisser l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices réinvestis et en revanche le relever sur les bénéfices distribués. On aura à la fois un effet de redistribution des revenus en faveur du travail plutôt que du capital et une incitation puissante à l'investissement. La France doit être une zone de fiscalité basse pour l'innovation et la technologie. Le problème majeur de l'économie française, c'est sa sous-compétitivité.