Ce que ces élections cantonales vont révéler

Batailles strictement locales de responsables sans visage ? Ces élections, qui ne semblent guère avoir intéressé les Français, recèlent pourtant de vrais enjeux pour 2012 : les dynamiques d'alliance à droite comme à gauche, mais aussi la majorité au Sénat, et l'avenir de la réforme territoriale.
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Chacun, lundi 21 mars, scrutera les résultats du premier tour des élections cantonales de la veille pour déceler les dynamiques du grand scrutin : la présidentielle de 2012. Le score de François Hollande en Corrèze sera minutieusement soupesé, comme mesure de sa légitimité à prétendre aux plus hautes fonctions de l'Etat. Et les résultats dans les Hauts-de-Seine diront si le clan sarkozyste autour d'Isabelle Balkany parviendra à faire barrage au président du conseil général sortant, Patrick Devedjian, pour faire place nette à Jean Sarkozy en 2012 ou 2014. Mais au-delà de la pipolisation des élections, que pourra-t-on bien faire dire à une consultation portant sur la moitié des cantons, pour l'élection de conseillers généraux anonymes qui ne seront en place que pour trois ans - contre six auparavant - et qui risque fort de ne susciter qu'une très faible participation des inscrits, notamment parce que, cette fois, elle n'est couplée à aucune autre élection ?

Certes, toute consultation nationale est toujours plus éloquente qu'un sondage vite bricolé de 1.000 personnes sur un événement qui ne se déroule pas avant quatorze mois. Mais, estime le politologue de Rennes, chercheur au CNRS, Romain Pasquier, "comme c'est d'abord la participation qui fait l'élection, il paraît difficile de lui faire dire quoi que ce soit sur 2012, scrutin le plus incarné et bâti sur le clivage le plus politique qui soit". D'autant que, "comme toutes les élections intermédiaires en période d'impopularité de l'exécutif, ajoute le politologue de Grenoble, Pierre Bréchon, cette élection fera office de vote sanction que l'on ne retrouvera pas forcément à l'élection présidentielle".

Alors, des élections insignifiantes pour un "mandat au rabais" ? Pas sûr. "S'il s'agit avant tout de microbatailles locales, le nombre de départements qui basculeront à gauche dira si sa mainmise sur les collectivités locales en France se confirme", dit encore Romain Pasquier. A chaque scrutin local depuis 1994, la gauche semble en effet se spécialiser toujours plus dans l'action publique de terrain : elle dirige aujourd'hui 21 régions sur 22, la plupart des grandes villes de France, et 58 départements sur 101. La droite va-t-elle se trouver durablement exclue des mandats locaux, ceux-là mêmes qui permettent d'offrir des postes aux militants les plus méritants de l'appareil politique ?

Mais ces élections livreront peut-être aussi quelques enseignements pour 2012 : elles donneront un coup de projecteur sur les dynamiques d'alliance ou de rivalité susceptibles de structurer durablement les deux camps. Car à droite comme à gauche, les partis de gouvernement se trouvent aujourd'hui fortement challengés par des mouvements minoritaires : même si les cantonales sont traditionnellement moins favorables à l'extrême droite que les présidentielles, dans les départements du Pas-de-Calais, du Vaucluse, dans les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes, les scores du FN, qui aujourd'hui n'a pas de siège de conseiller général, seront regardés de très près. A gauche, le PS surveillera les résultats du Front de gauche, mais surtout d'Europe Ecologie-les Verts. Car si les écologistes confirmaient leurs résultats des européennes de 2009 comme des régionales de 2010, et si de surcroît, ils bénéficiaient d'un puissant effet Fukushima alors qu'ils sont les seuls à porter haut et fort les interrogations sur l'avenir du nucléaire, ils gagneraient à ces élections un réel pouvoir de nuisance qu'ils sauraient monnayer chèrement pour prix de leur ralliement en 2012.

Car, dans la foulée de la présidentielle, se dérouleront l'année prochaine les élections législatives. "Aussi, les scores des cantonales serviront de base aux partis pour la négociation des investitures avant même la présidentielle", dit la politologue du Cevipof, Elisabeth Dupoirier.

Les enjeux nationaux sont donc loin d'être absents. D'autant que derrière ce scrutin, se cachent deux batailles politiques majeures : alors qu'en septembre 2011, 165 sièges de sénateurs, soit la moitié de la Haute Assemblée, doivent être renouvelés, l'afflux d'un grand nombre de grands électeurs de gauche pourrait d'abord faire basculer, pour la première fois depuis la Révolution française, le Sénat à gauche. Ce qui créerait une dynamique extrêmement favorable au PS pour 2012. Mais cela reste encore très hypothétique, car, estime Romain Pasquier, "l'importance des cantons ruraux et le grand nombre de non-inscrits parmi les grands électeurs laisseront au président du Sénat une vraie marge de manoeuvre pour conserver la majorité".

Autre enjeu de taille : "si le taux de participation à ces élections se révélait très faible, par exemple en dessous de 50%, dit encore Romain Pasquier, cela apporterait la démonstration du caractère bien peu démocratique du département, et donnerait, à rebours, sa pleine justification à la réforme territoriale, dont la mesure la plus emblématique a été le remplacement des conseillers généraux et régionaux par les conseillers territoriaux." Ainsi, qui pourrait encore revenir sur cette réforme ?

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