Marine Le Pen écrit à La Tribune... en réponse à Pierre Lequiller

Par Marine Le Pen, présidente du Front national  |   |  860  mots
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Par Marine Le Pen, présidente du Front national.

Madame le directeur de la publication.

Mise en cause dans une tribune du député UMP Pierre Lequiller sous le titre "Pourquoi le Front national leurre les Français sur l'euro", publiée le 20 mai dernier, je vous prie de bien vouloir faire paraître en même place et dans les mêmes caractères que l'article incriminé, et ce, en vertu de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, le droit de réponse suivant.

"La tribune du député UMP Pierre Lequiller, "Pourquoi le Front national leurre les Français sur l'euro" me permet de répondre à tous les poncifs de la pensée unique qu'elle concentre, et de préciser mon projet monétaire. Explosion du chômage, envolée de la dette et des taux d'intérêt, hyperinflation : quand il s'agit de s'opposer à une idée qui fait trembler le système, M. Lequiller ne lésine pas dans la manipulation la plus grossière. Il a juste oublié d'ajouter à sa liste la survenue d'un cataclysme nucléaire ou une chute de météorite... S'il avait une once d'honnêteté intellectuelle, M. Lequiller aurait précisé que les "analystes" qu'il prend comme caution se résument à une note produite en décembre 2010 par la banque ING, qui a intérêt au statu quo ; il aurait aussi lu les études des nombreux économistes qui invitent à une réflexion sur la monnaie unique.

"Négliger les arguments et rester sur le terrain de la peur, c'est toujours la technique du camp de la pensée unique que M. Lequiller incarne à merveille ; on se souvient du référendum de 2005, quand on terrorisait les Français pour qu'ils votent "raisonnable", c'est-à-dire pour continuer dans l'échec.

"Le débat que j'ai initié sur l'avenir de la monnaie unique est légitime. Il devient urgent. La situation dramatique de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande, de l'Espagne et de l'Italie qui commence à vaciller, doit amener les responsables politiques de bonne foi à s'interroger sur le bien-fondé d'un euro érigé en dogme indépassable. Si ces pays-là, et bientôt la France, sont dans une situation économique aussi désastreuse, si le déversement de milliards par l'UE et le FMI et les effroyables sacrifices imposés aux peuples depuis des mois n'y changent rien, il est temps de commencer à réfléchir. Ce n'est pas parce que ces pays ont quitté l'euro ou qu'ils envisagent de le faire qu'ils tombent chaque jour un peu plus bas, mais c'est justement parce qu'ils y restent, et que le seul objectif est de sauver l'euro, "à tout prix" selon les mots de Nicolas Sarkozy. Ce "prix", c'est celui du saccage social, de la dette qui explose, de la ruine des PME, de la croissance en berne et de l'écrasement des plus faibles !

"Faut-il refuser le débat, et comme nous le propose l'UMPS, continuer d'enregistrer chaque année les pires performances économiques du monde ? Faut-il attendre que la France elle aussi tombe comme un vulgaire domino, après avoir jeté des dizaines de milliards d'euros dans le trou de la dette pour rien ? Je refuse cette sombre perspective pour la France et notre peuple. Le sens des responsabilités et le courage politique imposent de dire que la sortie de l'euro doit être anticipée et non subie. A cette fin, le Front national a auditionné divers économistes et préparé un plan précis d'établissement de la souveraineté monétaire.

"La dévaluation compétitive sera une chance pour la France et son industrie. Faire croire aux Français que la sortie de l'euro se traduira par une explosion des prix est un mensonge, démonté par nombre d'économistes, tels Jean-Jacques Rosa ou Alain Cotta. Jacques Sapir a récemment publié une étude complète sur le sujet, précisant qu'une dévaluation de 25% n'entraînerait pas plus de 2% d'inflation. Pendant des décennies avant l'euro, la France dévaluait régulièrement le franc, au bénéfice de sa croissance et de l'emploi.

"Soyons honnêtes aussi sur la dette : la dévaluation alourdirait de 13 points de PIB notre dette extérieure exprimée en euros (20% de hausse due à la dévaluation, appliqués aux 65% de la dette détenue par les non-résidents), soit bien moins que ce que tous les plans de "sauvetage" des pays de la zone euro coûteront à notre nation. Notre projet prévoit en outre de compenser intégralement ce relèvement de la dette par un prélèvement spécifique sur les institutions financières détentrices d'avoirs extérieurs libellés en euros, dont la valeur en monnaie nationale s'appréciera mécaniquement avec la dévaluation.

"La liberté monétaire pour oxygéner l'économie, nos finances et l'emploi, voilà notre ambition. La sortie intelligente de l'euro, dans la concertation et selon un calendrier raisonnable, est un projet d'espérance pour les Français, n'en déplaise à la Caste vautrée dans son dogmatisme archaïque."

Je vous prie d'agréer, madame le directeur de la publication, l'expression de ma considération distinguée.