Et si le Sénat passait à gauche...

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  637  mots
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Le 25 septembre, la moitié des sénateurs seront réélus. Pour la première fois, un changement de majorité est possible. Dans une telle hypothèse, le travail parlementaire serait ralenti sans être bloqué.

Dimanche 25 septembre, Gérard Larcher, actuel président UMP du Sénat, aura au moins un motif de satisfaction : la Haute Assemblée sera sous le feu de l'actualité, une fois n'est pas coutume pour cette maison si feutrée. Un événement inédit pourrait s'y produire depuis la fondation de la Vème République en 1958 : la majorité pourrait passer à gauche. Un sacré coup de semonce pour l'actuel locataire de l'Elysée à huit mois de la prochaine élection présidentielle. La condition pour qu'un tel évènement se produise ? Il faudrait que l'actuelle opposition obtienne un gain d'au moins 22 sièges.

Gérard Larcher - dont le bilan positif de sa présidence est saluée par de nombreux sénateurs -, qui connaît fort bien son petit monde sénatorial, estime lui que la majorité actuelle devrait garder une avance d'au moins sept sièges, malgré l'émergence de listes dissidentes. Mais comment en est-on arrivé là, alors qu'il y a dix ans, le Premier ministre socialiste Lionel Jospin jugeait "jamais possible" une alternance au Sénat ? Mais voilà. Depuis, la gauche a considérablement progressé aux diverses élections locales, gérant désormais vingt régions sur vingt-deux, 60% des départements et 1.500 communes de plus de 3.500 habitants (contre 1.400 pour la droite). Or, ce sont les élus de ces collectivités qui élisent les sénateurs.

Mathématiquement, la quête du Graal devient à la portée de la gauche. Reste que l'élection sénatoriale est aussi le résultat d'une mystérieuse alchimie au niveau local où les logiques partisanes ne sont pas toujours respectées. Surtout que 40% des grands électeurs (essentiellement des conseillers municipaux) se considèrent comme apolitiques et surtout sensibles à la personnalité du candidat. "Il est exact que la confiance entre les grands électeurs et le candidat s'avère capitale, précise Alain Vasselle, sénateur UMP de l'Oise, ce qui devrait permettre à l'actuelle majorité d'être reconduite. C'est une élection moins politique que les législatives".

Le dernier mot

Au-delà du retentissant signal, quel serait l'impact d'une majorité de gauche au Sénat ? La Constitution de la Vème République permettrait de toute façon à la majorité présidentielle de garder le dernier mot dans cette forme inédite de cohabitation. Des textes majeurs, tels le projet de loi de finances ou celui de financement de la Sécurité sociale ne seront pas recalés. A l'issue des navettes parlementaires et d'une commission mixte paritaire (députés-sénateurs), c'est de toute façon le projet voté par l'Assemblée nationale qui l'emporte. "Certes, explique Christian Cambon, sénateur UMP du Val-de-Marne, mais il ne sera plus question de faire de réforme constitutionnelle, du type règle d'or budgétaire, en l'absence de majorité possible des trois cinquièmes. Et les travaux législatifs seront rallongés faute de vote conforme avec celui des députés comme nous y sommes parvenus la semaine dernière sur le collectif budgétaire".

Reste la question de la présidence du Sénat qui sera tranchée le 1er octobre. Elle n'est pas qu'anecdotique, le président de la Haute Assemblée jouissant d'un pouvoir de nomination dans diverses institutions comme le Conseil constitutionnel. Et, surtout, le président du Sénat, deuxième personnage de l'Etat est susceptible de devenir président de la république par intérim en cas de décès ou d'incapacité du chef de l'Etat. Ainsi, "chaque fois que le président du Sénat [de gauche] lui serrera la main, Nicolas Sarkozy aura l'impression qu'il lui tâte le pouls" (*), ironise un ministre.

(*) Anecdote signalée dans un excellent ouvrage "La Bataille du Sénat", de Françoise Cariès et Suzette Bloch ; Editions Robert Laffont ; 207 pages ; prix : 19 euros.