PRIMAIRE SOCIALISTE Cinq héritiers de courants historiques du PS

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Ségolène Royal, l'écolo-socialo-gaullienne

Sur le plan économique, la présidente de la région Poitou-Charentes est certes une keynésienne, partisane d'une relance par la consommation grâce à une politique volontariste de revalorisation des bas salaires. Pour autant, elle emprunte aussi au social-libéralisme en prônant une France d'entrepreneurs. Conseillère à l'Élysée au temps de François Mitterrand, elle a hérité de l'ancien chef de l'État son sens de l'opportunisme et, surtout, un réel flair politique. C'est ainsi qu'elle a déboulé dans la primaire socialiste de 2006 et emporté le morceau à la barbe de deux éléphants, DSK et Laurent Fabius... tel Mitterrand arrachant une victoire inattendue au congrès d'Épinay en 1971. Ségolène Royal est aussi la candidate qui a le plus coloré en vert son discours : sortie du nucléaire, défense de l'éolien, développement de l'économie verte font partie de ses credo. Particularité de la seule femme a avoir atteint le deuxième tour d'une élection présidentielle en France : elle sait aussi prendre des accents gaulliens en cherchant à se situer au-dessus des partis. Elle fût ainsi la première au PS à briser un tabou en appelant à une alliance avec le Modem de François Bayrou. Royal se déclare aussi ouverte à un rapprochement avec les autres centristes et les gaullistes sociaux. Cependant, après avoir voulu (ou dû) mener la campagne de 2007 indépendamment du PS, elle est ensuite rentrée dans le rang, briguant même le poste de premier secrétaire... qu'elle rata de peu. Une sorte d'ovni idéologique.

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François Hollande, le deloro-mitterrandien

Le député de la Corrèze a longtemps mis en avant sa filiation idéologique avec Jacques Delors. Certes, les deux hommes partagent la même passion pour les finances et l'économie. Certes, François Hollande fut, de 1993 à 1997, président du club « Témoins » fondé par... Jacques Delors. Il n'en reste pas moins que Jacques Delors a depuis clairement pris position en faveur de sa fille. Mais il est vrai que Martine Aubry et François Hollande partagent beaucoup de points communs. Si bien que, pour beaucoup d'électeurs, c'est « blanc bonnet et bonnet blanc », la différence se faisant sur leur personnalité respective. Comme sa rivale, François Hollande a été profondément marqué par François Mitterrand, allant même jusqu'à adopter la gestuelle de l'ancien président. Symboliquement, d'ailleurs, il s'est rendu il y a peu à Liévin, dans le Pas-de-Calais, là où François Mitterrand avait tenu l'un de ses derniers discours devant « le peuple de gauche » en 1994. Sur le plan économique et social, François Hollande milite comme la Maire de Lille pour une grande réforme fiscale et pour la priorité donnée à la jeunesse. Mais, lui, c'est plutôt un « contrat de génération » qu'il préconise, associant les salariés âgés. Toujours comme Martine Aubry, il porte haut l'idée européenne. En 2005, il s'engagea franchement dans le camp du « oui » à la Constitution européenne et se retrouva, de ce fait, en porte-à-faux avec les Français qui avaient voté majoritairement « non ». Plus récemment, en 2010, il a qualifié « d'illusion » le retour au critère maastrichien d'un déficit limité à 3 % du PIB en 2013... Il défend à présent cette position.

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Martine Aubry, la mitterrando-delorienne

Elle est tombée dans la politique toute petite. Fille de Jacques Delors, la maire de Lille voyait défiler chez elle tous les représentants de la « gauche chrétienne » ainsi que les héritiers du mendésisme et de grands leaders syndicaux, tel Edmond Maire. Si Jacques Delors, plutôt classé à la droite du parti, a su en son temps réconcilier les chrétiens avec la gauche, Martine Aubry, elle, s'est rapidement positionnée au centre du PS, réussissant à faire le lien entre l'aile gauche (représentée par Henri Emmanuelli) et l'aile droite (Dominique Strauss-Kahn). Dans la lignée de François Mitterrand et de Lionel Jospin, elle n'a rien contre l'intervention étatique pour réguler l'activité économique. Par exemple, elle a défendu « les 35 heures » en 1998, une idée dont la paternité revient à ... DSK. Dans le même ordre d'idées, en 2011, elle continue de promouvoir la création de 300.000 emplois d'avenir, considérant, en bonne keynésienne, comme absolument pas « ringard » que l'État utilise une mesure contracyclique et temporaire pour faire baisser le chômage des jeunes. Elle tient également de son père un fort engagement européen et prône une plus forte intégration. Elle est la seule parmi les candidats (avec le radical Jean-Michel Baylet) à avoir une expérience réelle de la vie en entreprise, ayant été directeur générale adjointe de Pechiney du temps de la présidence de Jean Gandois. Depuis, elle ne supporte pas qu'on lui reproche - après la question des 35 heures - sa méconnaissance de l'économie réelle.

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Manuel Valls, le social-libéral

Il se présente comme l'homme de « la troisième voie », celle théorisée en son temps par l'économiste tchèque Ota Sik qui tente de trouver un chemin entre le socialisme et le libéralisme. Ce qui situe le député de l'Essonne nettement à la droite du Parti socialiste - parti qu'il n'a pas quitté en 2007, résistant ainsi à des tentatives de débauchage émanant de l'Élysée, à la différence de Jean-Marie Bockel, un autre « blairiste » du PS. L'inspiration de Manuel Valls, il faut donc la chercher du côté de l'Anglais Tony Blair, mais aussi de l'Américain Bill Clinton ou de l'Allemand Gerhard Schröder. Si Dominique Strauss-Kahn avait été en situation, le maire d'Évry reconnaît d'ailleurs qu'il ne se serait pas présenté, tant, pour lui, l'ancien patron du FMI incarnait ce socialisme responsable ouvert à la mondialisation qu'il appelle de ses voeux. Petit-fils d'un républicain espagnol très choqué par les luttes violentes que se sont livrés communistes staliniens, anarchistes et trotskistes durant la guerre civile espagnole, Manuel Valls n'a jamais été tenté par la « gauche de la gauche ». Rocardien, puis responsable de la communication du Premier ministre Lionel Jospin, il est toujours apparu comme modéré, prônant « l'autoréalisation individuelle ». Étonnamment, il fût tenté de voter « non » au référendum sur l'Europe en 2005 avant de se rallier au « oui ». Il milite maintenant pour davantage de fédéralisme, acceptant même un contrôle de la Commission européenne sur les budgets nationaux. ?

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Arnaud Montebourg, à gauche toute !

Apôtre de la « démondalisation », il se situe durant cette primaire ostensiblement à la gauche du PS. C'est sa fierté. Arnaud Montebourg aime dire qu'il est le candidat socialiste le mieux à même de maintenir des liens privilégiés avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. En 2005, il faisait d'ailleurs partie, avec le même Mélenchon, mais aussi avec Laurent Fabius et Henri Emmanuelli, des leaders socialistes engagés dans le camp du « non » au référendum européen. Même s'il se fera discret durant la campagne. Politiquement, le député de Saône-et-Loire emprunte beaucoup à François Mitterrand, notamment dans sa condamnation des institutions de la Ve République. Mitterrand, en son temps, avait écrit « Le coup d'état permanent », Montebourg, lui, a rédigé en 2005 une « Constitution pour la VIe République» où le président de la République serait réduit à un rôle d'arbitrage. Jean Poperen, ancien leader (décédé) de la gauche du PS, et Jean-Pierre Chevènement ont inspiré aussi le candidat. Il prône en effet un démantèlement des agences de notation privées et un retour en force de l'État, avec, notamment, la présence de « commissaires du gouvernement » dans les conseils d'administration des banques, et milite pour un retour à un volontarisme industriel diligenté par l'État. On sent chez lui une volonté de faire renaître de ses cendres l'idée de planification.

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