Bons baisers de Nizhny Tagil...

Par François Roche  |   |  437  mots
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Par François Roche, conseiller éditorial de La Tribune

Nizhny Tagil, ville de l'Oural, à 16 kilomètres à l'est de la frontière théorique qui sépare l'Europe de l'Asie (cf le général de Gaulle), fondée en 1696 sur une veine de minerai de fer, devenue célèbre en 1863 pour avoir donné naissance à la première locomotive à vapeur russe, fabriquée par Cherepanov père et fils, dont la statue de bronze trône encore au centre de la ville. Nizhny Tagil est connue dans toute la Russie pour abriter le combinat UralVagonZavod, premier fabricant de chars d'assaut du monde, inauguré le 11 octobre 1936 et baptisée du nom de Felix Dzerzhinsky, premier patron du NKVD, avant de devenir pendant la guerre "l'Usine de Tank de l'Oural Staline n°183", légendaire manufacturier du char T34 qui joua un rôle décisif dans la victoire des armées soviétiques sur les nazis.

En 2011, UralVagonZavod fabrique toujours des chars d'assaut et des wagons de chemin de fer. Son produit vedette est le char T90. Quelque 175 exemplaires ont été produits en 2008, dont 60 pour l'Inde, 53 pour l'Algérie et 60 pour le ministère russe de la défense. En décembre, les ouvriers d'UralVagonZavod étaient les vedettes de la première chaîne de télévision russe : alignés dans leur combinaison de travail orange et marron, ils participaient à la grande émission annuelle durant laquelle Vladimir Poutine répond aux questions « spontanées » des citoyens russes, dans tout le pays. Et les ouvriers de Nizhny Tagil n'y vont pas par quatre chemins : « Vladimir Vladimirovitch, dit l'un d'eux, nous sommes prêts à monter à Moscou pour empêcher les manifestations, mais débarrasse-nous du ministre de la Défense et du chef d'état-major... » Il faut dire que ce dernier s'est illustré en indiquant que le T90 était un nid de problèmes et que l'armée n'en achèterait plus de sitôt. Vladimir Vladimirovitch a promis qu'il allait regarder tout cela en détail. Et il serait bien inspiré de le faire. Ses électeurs sont ceux de Nizhny Tagil plus que les cols blancs et les nouveaux riches de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Et cette Russie là s'estime mal aimée du pouvoir central, au point d'en appeler directement au « chef » à Moscou. Le patron des chemins de fer russe, Vladimir Iakunin, natif de Péter, comme Poutine, ancien du KGB, comme Poutine, fait vivre l'usine presque à lui seul par ses commandes de wagons. Il faut dire que le président du conseil d'administration d'UralVagonZavod, est un ami, Vladimir Shkolov, ancien collègue de travail de Vladimir Poutine au KGB de Dresde dans les années 80...