La "glorieuse mission" du "soft power" chinois

Par Alexandre Kateb, économiste et directeur du cabinet Compétence Finance. Il est l'auteur de "Les nouvelles puissances mondiales. Pourquoi les BRIC changent le monde" (Ellipses, 2011)
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En 1990, le politologue américain Joseph Nye forgeait le concept de "soft power" pour entériner la disparition de la menace soviétique et la mutation du leadership américain de la coercition à l'influence. Ce concept a été sérieusement écorné par l'engagement massif des États-Unis en Irak et en Afghanistan, à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Mais le Printemps arabe de 2011 l'a remis au goût du jour, et c'est désormais à la Chine d'afficher ses ambitions en la matière. Après tout, ce n'est qu'un retour aux sources, Sun Tzu ne disait-il pas que "l'excellence suprême consist(ait) à gagner une bataille sans combattre" ? Abondant dans ce sens, le président Hu Jintao a déploré dans un récent discours, publié en janvier dans le mensuel du parti communiste (PCC), que "l'influence internationale de la culture chinoise ne correspond(ait) pas au statut international de la Chine". Il également soutenu qu'il fallait "résister aux forces internationales hostiles qui tentent d'occidentaliser la culture chinoise et exporter celle-ci".

Derrière cette rhétorique guerrière, l'enjeu est double. D'un point de vue stratégique, l'accroissement du soft power chinois, à travers la diffusion de la culture chinoise, permet de compenser le handicap de l'Empire du Milieu par rapport aux États-Unis, qui sont déterminés à conserver le leadership en matière de hard power, comme l'a récemment rappelé le président Obama, dans le droit fil de la doctrine de son prédécesseur, Georges W. Bush. Ensuite, d'un point de vue économique, l'industrie culturelle est pour la Chine un terrain idéal pour marquer son "ascension pacifique". Et les initiatives ne manquent pas dans ce domaine. Ainsi, le conglomérat public Shanghai Media Group a annoncé, en novembre 2011, la création d'une joint-venture avec le studio Dreamworks pour produire, en Chine, des blockbusters destinés aux marchés chinois et international. De son côté, le jeu vidéo "glorious mission", sorti en mai 2011, met en scène des combats très réalistes entre l'Armée de Libération Populaire et... l'armée américaine ! Gageons donc que la bataille du soft power ne fait que commencer en Chine, et qu'elle sera très présente dans les esprits en cette année de transition.

Commentaires 2
à écrit le 18/01/2012 à 14:49
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Mettez vous a la place des pays non-alignés; préférez vous faire affaire avec ceux qui débarquent chez vous avec des porte-avions, croiseurs, hélicoptères de combat, etc. ou bien avec des marchands sans malice?

le 29/03/2012 à 11:45
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"sans malice" c'est beau la naïveté !

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