Les experts du dossier Yahoo ! jugent "insurmontable" le problème du filtrage

Efficace, mais partiellement seulement. La solution proposée à la justice par les experts désignés en août sur le dossier des ventes aux enchères d'objets nazis proposés par le site américain de Yahoo! n'accomplira aucun miracle. Composé de l'Américain Vinton Cerf, du Français François Wallon et du Britannique Ben Laurie, ce collège d'experts a proposé lundi au Tribunal de Paris une solution de filtrage en fonction de la nationalité des internautes et des mots-clés qu'ils utilisent. Mais les trois hommes doutent eux-mêmes de l'efficacité de ces mesures.Ces dernières consistent à ne pas traiter les demandes des internautes français, dont la nationalité serait automatiquement révélée par leur ordinateur (soit 70% des visiteurs environ) et dont la recherche serait orientée vers des objets nazis, et à mettre en place pour les autres (soit 30%) un système de déclaration volontaire de nationalité et de filtrage des recherches par mots-clés. Mais si M. Wallon reconnaît une efficacité à ce dernier système, puisque les internautes niant leur nationalité française pourraient être repérés, M. Cerf n'est pas de cet avis puisqu'il estime qu'"un internaute peut mentir sur sa nationalité". Concernant en revanche les "autres sites", tous les sites privés à caractère révisionniste par exemple, les experts se sont montrés d'accord pour juger la tâche "insurmontable", comme l'a dit M. Wallon. Les experts ont également expliqué que si un blocage par des mots-clés, seul envisageable, était facile à mettre en place, il était difficile à entretenir puisque les intéressés pourraient, par des questions détournées et des périphrases, contourner l'obstacle. Me Christophe Pecnard, avocat de Yahoo, a de plus fait observer que le filtrage par mots-clés n'était pas parfait puisque le blocage du mot "nazi", par exemple, interdit l'accès aux sites anti-nazis. Vinton Cerf a enfin objecté que l'instauration de systèmes de blocage sur Internet "qui compte 100 millions de sites aujourd'hui et en comptera un milliard dans cinq ans" pourrait aboutir à "bloquer tout le système". Le rapport des experts n'apporte donc aucune réponse catégorique à la question du juge qui rendra cependant une décision le 20 novembre. Il avait été demandé le 11 août par M. Jean-Jacques Gomez, premier vice-président du Tribunal de grande instance de Paris, qui cherchait une solution technique propre à empêcher les internautes français d'accéder aux ventes d'objets nazis. Auparavant, le 22 mai 2000, le magistrat saisi par la LICRA, le MRAP et l'Union des étudiants juifs de France, avait condamné Yahoo! à "dissuader" et "rendre impossible" l'accès du site incriminé aux internautes français. "Nous avons mis en place des avertissements, Yahoo!-France a témoigné de sa volonté de tenir compte des observations et injonctions faites", a plaidé Me Isabelle Camus, avocat de Yahoo!. Le substitut Pierre Dillange s'est pour sa part interrogé sur l'efficacité des injonctions qu'un juge français pourrait donner à une société américaine pour un site qui n'est pas prioritairement destiné aux Français et n'est pas illégal aux Etats-Unis. "Il faut trouver des moyens susceptibles d'exécution", a-t-il dit en déclarant que s'il était "inadmissible que la société Yahoo puisse être le support de ce genre de choses", il s'agissait de "la rançon de la liberté de circulation des idées par delà les frontières".
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