Le décret sur le dégroupage entre discrétement en vigueur

Par latribune.fr  |   |  644  mots
Publié à la mi-septembre au Journal officiel, le décret sur le dégroupage, autrement dit l'ouverture à la concurrence du réseau local de France Télécom, entre en vigueur lundi, 1er janvier. Très attendu par les opérateurs privés, limités pour l'instant aux communications mobiles, longue distance et internationales, le texte, qui a aussi fait l'objet de tractations politiques au sein de la gauche plurielle, ne débouchera pourtant dans l'immédiat sur aucun changement concret pour l'utilisateur. Les promesses du dégroupage sont pourtant claires : en abolissant le monopole sur "le dernier kilomètre", autrement dit la partie du réseau aboutissant à la prise de téléphone du consommateur privé, le texte doit déboucher sur une baisse des tarifs des communications locales, dernier bastion monopolistique de France Télécom, mais surtout sur le développement de l'Internet à haut débit. Le dégroupage permet en effet aux opérateurs alternatifs et aux fournisseurs d'accès de bâtir des offres commerciales viables pour la norme ADSL. Mais France Télécom, aux dires de ses concurrents comme de l'ART, l'arbitre du secteur, continue de traîner les pieds pour permettre l'application du décret. D'abord en refusant de fournir tous les renseignements indispensables à ses concurrents pour se greffer sur les 12.000 centraux de répartition de son trafic local, ensuite en établissant un catalogue de tarifs d'accès au réseau jugés exorbitants et anti-concurrentiels par les opérateurs privés. Pour "brancher" ses concurrents, France Télécom veut leur faire payer un droit d'accès à ses équipements de 1.067 francs par ligne. Ce prix se double d'un abonnement mensuel de 17,07 euros pour chaque ligne combinée voix/Internet (contre 12,99 euros facturés par Deutsche Telekom en Allemagne et 13,6 euros par BT au Royaume-Uni) et de 9,14 euros pour celles partagées, sur lesquelles un opérateur privé fournira l'accès Internet tandis que France Télécom continuera à assurer la téléphonie. Fin novembre, les opérateurs privés avaient déjà dénoncé la grille de tarifs de gros présentée par l'opérateur public pour l'accès à ses équipements et craignent de ne pouvoir proposer rapidement d'offres attractives aux consommateurs, sauf à vendre ces prestations à perte. Les deux principales associations d'opérateurs privés ont saisi il y a quelques semaines l'Autorité de régulation des télécoms. Il y a dix jours, cette dernière a mis en demeure France Télécom de de délivrer les informations sur son réseau, qu'il aurait dû transmettre depuis le 1er octobre. Le non respect d'une injonction du régulateur peut entraîner des sanctions pour le contrevenant, avec des amendes allant jusqu'à 5% du chiffre d'affaires.Mais cette victoire administrative ne permettra pas de rattraper le retard pris par la mise en place commerciale. Même si les principaux opérateurs privés menacent France Télécom de nouvelles actions en justice. "Si nous n'avions pas une offre raisonnable dans les premiers jours de 2001, il y aurait malheureusement des suites juridiques", affirment Philippe Germond, PDG de Cegetel. "Il faut que nous nous associons entre opérateurs pour une éventuelle action sur les prix", renchérit Jean-Louis Constanza, patron de Tele2 France. Les opérateurs privés ne prévoient donc pas de lancer leurs offres avant le printemps. Dans une récente décision interdisant à France Télécom de commercialiser des forfaits combinant communications locales et nationales, le Conseil de la concurrence avait pris acte de ce retard, estimant que, "si le dégroupage de la boucle locale était prévu en principe pour le 1er janvier 2001, il ne sera effectif que postérieurement à cette date". Selon l'ART, le marché de l'accès à Internet via le téléphone, estimé à 4 milliards de francs cette année, devrait atteindre 6 milliards en 2003.