L'industrie du disque obtient l'interruption des activités de Napster

Les "majors" américaines du disque ont remporté une première victoire mercredi contre leur bête noire, la société Napster. Dès l'ouverture du procès de cette dernière, un juge de San Francisco a ordonné en référé que la start-up, qui diffuse un logiciel permettant aux internautes d'échanger facilement et surtout gratuitement des fichiers musicaux, interrompe ses activités jusqu'à ce qu'un jugement soit rendu sur le fond. Cette injonction doit entrer en vigueur vendredi à minuit, heure de Californie. Napster, qui ne diffuse pas elle-même de musique, compte cependant quelque 20 millions d'utilisateurs dans le monde entier moins d'un an après sa création, ce qui lui a valu de cristalliser sur elle tout le débat sur les droits d'auteur et l'internet ces derniers mois à travers ses démêlés avec l'industrie du disque. Le juge Marilyn Hall Patel a estimé que les maisons de disques et artistes représentés dans la plainte avaient des chances d'obtenir gain de cause lorsque l'affaire sera examinée sur le fond, d'où son ordonnance de référé. Elle a néanmoins ordonné aux groupes d'édition musicale réunis dans la plainte de déposer une caution de cinq millions de dollars, destinée à compenser Napster pour ses pertes de revenus si jamais le site l'emporte au procès. "Nous sommes satisfaits de cette décision et espérons qu'elle va servir d'exemple", a déclaré un représentant des artistes, Carey Ramos. "Nous ne voulons pas faire taire Napster ou étouffer une nouvelle technologie. Nous voulons juste des règles qui soient respectées", a-t-il ajouté. Les avocats de Napster - parmi lesquelles David Boies, représentant du département de la Justice dans le procès contre Microsoft - ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel de la décision du juge, dans l'espoir d'éviter d'avoir à s'y plier vendredi.Créé à l'été 1999, Napster met à la disposition de ses utilisateurs un logiciel qui permet d'envoyer et de recevoir de la musique, comprimée au préalable au format MP3. Ces fichiers sont échangés via des serveurs de Napster. Les internautes peuvent se procurer gratuitement par ce biais de la musique qu'ils devaient autrement acheter. L'Association américaine de l'industrie de l'enregistrement (RIAA), qui représente tous les grands groupes d'édition musicale, de Warner Music à Universal Music en passant par BMG, EMI et Sony Music, avait déposé plainte contre Napster en décembre pour violation des droits d'auteur. Deux éditeurs, Warner et EMI, avaient en revanche abouti début juin à un accord amiable sur les droits d'auteur avec MP3.com. Mercredi, l'avocat de la RIAA, Russell Frackman, a affirmé devant le juge que 12 à 30 millions de chansons étaient téléchargées chaque jour grâce à la technologie Napster. D'ici six mois, le temps que le procès ait lieu, 3,6 milliards de chansons auraient été téléchargées, a-t-il prédit. Pour sa défense, Napster a invoqué le parallèle avec les fabricants de magnétoscopes, qui permettent de copier des films sans être pour autant accusés de violation du copyright. Ses avocats ont tenté en vain de convaincre le juge que seule la technologie MP3 permet d'envoyer facilement de la musique d'un ordinateur à l'autre et que Napster ne pouvait pas être blamé pour cela. Mais si l'avenir de Napster semble aujourd'hui compromis, du moins à court terme, la société a déjà fait école. D'autres logiciels, comme Gnutella, créé par des salariés d'AOL, se profilent déjà qui permettent d'échanger des fichiers de musique sans passer par un serveur central et qui risquent bien d'être intouchables. Les industriels sont d'ailleurs parfaitement conscients qu'une victoire dans le procès de Napster ne mettrait pas fin à leurs ennuis. La semaine dernière, la RIAA et la MPAA, l'association américaine du cinéma, ont porté plainte contre les concepteurs d'un troisième logiciel, Scour, qui permet d'échanger de la musique mais aussi des films. Scour compte parmi ses dirigeants Michael Ovitz, ancien président de Walt Disney.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.