L'euro sous pression à la veille de la réunion de la BCE

L'euro a poursuivi sa lente glissade, mercredi, pour tomber brièvement sous le seuil de 0,85 dollar peu avant 15 heures, avant de se redresser timidiment. Vers 19 heures, l'euro s'échangeait 0,8524 dollar. En baisse constante depuis lundi, la monnaie unique a totalement effacé ses gains de la semaine dernière. Elle est aujourd'hui à 1% environ de son plus bas niveau de l'année (0,8412 dollar), atteint le 11 juin.L'hostilité des cambistes à l'égard de l'euro se renforce à moins de vingt-quatre heures de la réunion de la Banque centrale européenne (BCE). Car l'institution est probablement aujourd'hui dans la situation la plus inconfortable de sa jeune histoire. Le dilemme peut se résumer ainsi pour les banquiers centraux: faut-il suivre les nombreux appels lancés, notamment d'Allemagne, en faveur de la baisse des taux malgré la persistance d'une inflation élevée dans la zone euro ou reporter à une date ultérieure un assouplissement monétaire pourtant souhaitable pour atténuer les effets du ralentissement économique ?A l'heure actuelle, le majorité des économistes estime que la Banque centrale européenne devrait décider demain de maintenir le statu quo monétaire. Ainsi 32 des 37 économistes interrogés en fin de semaine dernière dans le cadre du panel AFP/AFX prévoient-ils que la BCE laissera inchangé son principal taux directeur à 4,50%. Les derniers propos du président de la Banque centrale européenne, Wim Duisenberg, rappelant cet après-midi que "la tâche principale" de la BCE est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro" a dû les conforter dans leurs pronostics. Il est vrai que la marge de manoeuvre de l'institut de Francfort s'est considérablement réduite depuis la publication de chiffres d'inflation dans la zone euro en mai. La hausse des prix a atteint 3,4% sur un an, un record depuis 1993, désormais bien loin du seuil de tolérance de la BCE (2%). Plus inquiétant encore peut-être, l'inflation sous-jacente, c'est à dire hors produits volatils comme l'énergie ou l'alimentation, s'est inscrite également en hausse de 2,1% en mai contre 1,9% en avril. Dans ce contexte, la BCE va devoir agir avec doigté pour empêcher la zone euro de tomber dans la "stagflation". En effet, alors même que les prix s'envolent, les économies européennes ralentissent fortement sous l'effet conjugué des difficultés américaines et japonaises. Les prévisions de croissance de la zone euro établies par la BCE elle-même ont été revues à la baisse. Alors qu'en décembre dernier, les experts de la Banque centrale européenne tablaient sur une croissance du PIB des Douze pour 2001 comprise entre 2,6 et 3,6%, dans leur rapport de juin ils ont ramené cette fourchette à 2,2-2,8%.L'Allemagne, première puissance économique de la zone, semble, parmi les Douze, le pays le plus affecté par l'atterissage brutal de l'économie américaine. Hier, le ministre de l'Economie Werner Müller a jeté un pavé dans la mare en reconnaissant que la croissance pourrait être nulle outre-Rhin au deuxième trimestre et que l'objectif officiel d'une croissance de 2,0% pour l'année pourrait ne pas être atteint. Ces déclarations n'ont pas plu au ministre allemand des Finances, Hans Eichel. Un porte-parole du ministère a indiqué qu'il fallait s'en tenir aux prévisions officielles et ne pas "rejoindre les rangs des éco-pessimistes". Cette cacophonie démontre, s'il en est besoin, l'extrême incertitude qui prévaut en ce moment en Allemagne. Ce matin, l'institut économique DIW a estimé que le pays pourrait même connaître une récession. Sur quoi un autre institut, IWH, a révisé en baisse sa prévision de croissance pour l'Allemagne, à 1,7%. L'Allemagne n'est pas la seule en Europe a faire les frais du retournement conjoncturel mondial : la France a dû ramener ses prévisions de croissance à 2,7% pour 2001 contre 3,1% initialement. En Espagne, le PIB au premier trimestre affiche un net ralentissement par rapport au dernier trimestre de 2000. Quant à l'Italie, troisième économie de la zone euro, si elle a relevé son estimation de croissance au premier trimestre (+2,4%), elle présente néanmoins des symptômes inquiétants pour l'avenir (voir article ci-contre).Dans ce contexte morose, certains économistes n'hésitent pas à pousser la BCE à baisser ses taux dès demain. C'est le cas de Marc Touati de Natexis Banques Populaires. Pour lui, "la Banque centrale europénne ne doit pas sur-réagir et prendre ombrage des chiffres de l'inflation en mai pour arrêter d'assouplir sa politique monétaire. D'ailleurs, cette dernière ne doit pas être basée sur l'observation du passé mais, au contraire, sur le futur. Aussi, la BCE doit rester sereine et communiquer sur l'évolution à venir des prix. Elle pourra ainsi diminuer son taux refi de 25 centimes dès le 21 juin, de manière à redonner confiance dans la croissance eurolandaise et, ce faisant, susciter une appréciation progressive de l'euro, qui permettra, in fine, de réduire l'inflation importée".Anne Eveno
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