Les Etats-Unis sur le fil du rasoir

"Trou d'air", "ralentissement", "récession": ces expressions sont utilisées à tour de rôle pour décrire les difficultés traversées depuis quelques mois par les Etats-Unis. Demain, avec la publication du PIB américain pour le premier trimestre 2001, on devrait y voir un peu plus clair. En moyenne, les analystes réunis au sein du consensus Reuters anticipent une progression de 1,1% en rythme annualisé. Ce taux de croissance du PIB, s'il était confirmé, serait en tout cas supérieur aux anticipations catastrophistes du début de l'année. Rappelons pour mémoire les déclarations alarmistes du président de la Réserve Fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan, pour qui la croissance américaine était proche de zéro au moment où la Fed enclenchait son mouvement de baisse des taux d'intérêt.Néanmoins, il n'y a pas de quoi fanfaronner. Comme le relève Valérie Plagnol, chef stratégiste au CIC, "la situation est fragile. Manifestement, on a eu à la fin du premier trimestre un ralentissement moins brutal que celui observé à la fin du quatrième trimestre 2000. On ne peut pas pour autant dire que le plus dur est passé. L'investissement des entreprises devrait poursuivre sa contraction dans les mois qui viennent et tous les ajustements de stocks n'ont pas eu lieu". L'économie américaine n'aurait donc pas touché le fond et les chiffres publiés demain devraient montrer que seule la très bonne résistance de la consommation des ménages a permis à la croissance américaine de ne pas sombrer au premier trimestre. Mais les consommateurs pourront-ils jouer encore longtemps ce rôle moteur? C'est la question-clé pour le trimestre en cours et plus largement pour l'ensemble de l'année. Jean-Paul Betbèze, chef économiste au Crédit Lyonnais, estime lui aussi que "les Etats-Unis ne sont pas sortis du trou". Selon lui, "le second semestre sera problématique dans la mesure où l'on assiste actuellement à une course poursuite entre ajustements économiques et comportements des Américains". Ces derniers ont continué à consommer (achats de voitures, d'appartements ou de maisons notamment). Mais la tendance pourrait s'inverser brutalement sous les effets conjugués de leur perception du marché de l'emploi et de la baisse de leurs revenus liés aux chutes des marchés boursiers. Les dernières statistiques montrent une dégradation progressive du marché de l'emploi et "de plus", fait remarquer Valérie Plagnol, "les coûts salariaux augmentent". Aujourd'hui, le département américain du Travail a indiqué que les coûts salariaux aux Etats-Unis ont augmenté de 1,1% au premier trimestre 2001 par rapport au trimestre précédent. Il s'agit de la plus forte hausse depuis les trois premiers mois l'an dernier. Sur un an, l'indice des coûts salariaux a augmenté de 4,1%. "Cette situation pèse sur la profitabilité des entreprises et nourrit à terme les inquiétudes sur l'emploi", ajoute la chef stratégiste du CIC. Autant d'éléments qui font que Jean-Paul Betbèze écarte le scénario d'une reprise forte aux Etats-Unis, l'économiste du Crédit Lyonnais privilégiant "un schéma en U". Cette analyse est d'ailleurs conforme aux prévisions du FMI. Le Fonds monétaire international table sur une croissance américaine de 1,5% en 2001, après 5% l'an dernier. Pour assurer le rebond de cette économie qu'il juge anémiée, le FMI préconise de nouvelles baisses des taux. La Réserve fédérale (Fed) a déjà réduit à quatre reprises cette année le loyer de l'argent aux Etats-Unis. Selon Valérie Plagnol, "la Fed dispose encore de marges de manoeuvre, et pourrait encore procéder à une ou deux baisses de taux". Ces perspectives moroses ne font cependant pas l'unanimité. Marc Touati, dans la lettre des études économiques de Natexis Banques Populaires, estime que non seulement les Etats-Unis éviteront l'écueil de la récession mais pronostique que "l'essentiel du ralentissement américain est désormais derrière nous". Dans ce contexte, il prévoit pour 2001 une croissance américaine de 2,5%.
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