Marc Touati (Natexis) : "Si la BCE ne bouge pas, ce sera une catastrophe pour l'euro"

latribune.fr - Pourquoi estimez-vous nécessaire que la BCE baisse ses taux d'intérêt dès aujourd'hui?Marc Touati - Sans refaire l'histoire, il faut rappeler que l'on a créé l'Union européenne notamment pour réduire les écarts de croissance entre les différents pays. Or on s'aperçoit que ces dernières années, ces écarts ne cessent de se creuser, en particulier entre la France et l'Allemagne, les deux premières économies de la zone euro. La Banque centrale européenne doit tenir compte de cette situation, faute de quoi elle fera prendre un risque important à l'économie de la zone euro. En ouvrant le robinet monétaire, la BCE permettra de créer une nouvelle dynamique économique là où on observe les fléchissements les plus nets, comme en Allemagne ou en Italie. Ailleurs, comme en France ou en Espagne, cela permettra de prolonger le mouvement. Parmi les personnalités hostiles à une baisse des taux figure Ernst Welteke, le président de la Bundesbank et membre de la BCE. Selon lui, la croissance n'est pas la priorité de la BCE, au contraire de l'inflation. Qu'en pensez-vous ?C'est vrai que l'inflation est le principal objectif de la BCE. Mais aujourd'hui, on se rend compte que l'inflation interne, provoquée par la demande, est contrôlée. L'exemple français est à cet égard parlant. Les principales tensions inflationnistes viennent de l'extérieur. Soit directement en raison de la hausse des prix pétroliers et des produits alimentaires, soit indirectement par une inflation importée générée par un euro faible. Or si les investisseurs vendent de l'euro, c'est parce qu'ils sanctionnent la stratégie trop orthodoxe de la BCE qui ne s'intéresse pas assez à la croissance. Si la BCE ne baisse pas ses taux aujourd'hui, ce sera la catastrophe pour l'euro. On assistera à de fortes ventes et la Banque centrale européenne sera perdante sur les deux tableaux, inflation et croissance.Pourquoi les positions auraient-elles changé depuis le 29 mars dernier, date de la dernière réunion de la BCE, les Allemands notamment jugeant que leur économie et en particulier leurs échanges extérieurs ont tout à gagner à un euro faible ?La position allemande est une erreur. L'euro faible n'a pas généré le surcroît de croissance attendu. Les ménages allemands et les entreprises sont habitués historiquement à une monnaie forte. Dès que ce n'est plus le cas, la confiance recule, déteignant sur la consommation et les Allemands vont investir hors de leur pays, notamment aux Etats-Unis. Quels seront les effets d'une détente monétaire ?Tout d'abord, un geste de politique monétaire a besoin de trois à six mois pour se faire sentir sur l'activité. Il est donc presque trop tard pour 2001. A court terme, le premier effet devrait être psychologique, notamment sur l'euro et sur les marchés actions. Une baisse des taux sera interprétée comme un soutien à la croissance européenne par les investisseurs. Dans un deuxième temps, cette détente monétaire produira un avantage économique notamment sur le crédit à la consommation et donc sur la demande intérieure. Enfin, les flux financiers (de portefeuille et investissements directs) seront de nouveau attirés vers une zone euro dont la croissance sera stable et supérieure à celle des Etats-Unis. Mais attention, la BCE doit agir avec prudence et ne baisser aujourd'hui ses taux que de 25 points de base. Au delà, ce pourrait être compris commme un signe de panique. Pour ma part, je pronostique que les taux seront ramenés à 4,25% et le plus tôt sera le mieux.propos recueillis par Anne Eveno
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