La BCE surprend en baissant ses taux

Par latribune.fr  |   |  716  mots
"La baisse des taux est un ajustement en réponse à la baisse des pressions inflationnistes. L'inflation sera certainement sous les 2% d'ici deux ans au maximum": c'est par ces mots que Wim Duisenberg a expliqué la décision prise par le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne de baisser les taux directeurs de la zone euro de 25 points de base. Le taux minimal du principal taux directeur de la BCE, appliqué aux opérations principales de refinancement, revient à 4,50%, le taux de la facilité de prêt marginal à 5,50% et celui de la facilité de dépôt à 3,50%. Selon le président de la Banque centrale européenne, la réduction de l'inflation dépend "de la modération des salaires". Or cette modération semble "maintenue malgré le choc pétrolier", argumente Wim Duisenberg. Et d'ajouter que l'autre pilier sur lequel la BCE se base pour prendre ses décisions de politique monétaire, autrement dit la croissance de la masse monétaire M3, est certainement sous 4,5%, c'est à dire inférieur à la valeur de référence fixée par la BCE. La dernière publication concernant cet agrégat monétaire faisait état d'une croissance de 5% en mars sur un an. Or, explique Wim Dusienberg, des distorsions, liées à l'inclusion injustifiée de titres de créances négociables à court terme détenus par les non-résidents de la zone euro, ont contribué à gonfler artificiellement M3. En conséquence, la croissance de cet agrégat est corrigée à 4,4% en mars. Il n'en demeure pas moins que cette décision tranche avec les récentes déclarations de différents membres de la Banque centrale européenne évoquant la persistance de risques inflationnistes dans la zone euro. De plus, les dernières indications sur l'évolution des prix n'étaient guère encourageantes puisqu'en mars la hausse des prix s'est maintenue à 2,6% sur un an dans l'Europe des douze. La BCE avait elle-même entretenue les spéculations sur un statu quo monétaire en déclarant que son objectif - une inflation à 2% maximum - ne sera pas atteint en 2001, pour la deuxième année consécutive. La surprise a donc été totale. D'ailleurs, 47 des 50 économistes interrogés par Reuters la semaine dernières tablaient sur un nouveau statu quo monétaire. La Banque centrale européenne aurait-elle donc fait sienne la devise d'Alan Greenspan, le président de la Fed: "si vous avez compris ce que je viens de dire, c'est sûrement que je me suis mal exprimé"? Après ce changement de cap, la majorité des économistes se félicitent de cette décision qu'ils appelaient de leurs voeux afin de redonner du tonus à une économie européenne touchée par le ralentissement américain. Néanmoins, les explications de Wim Duisenberg présentant les distorsions sur M3 comme l'un des facteurs ayant présidé à la décision ne semblent pas convaincre tout le monde. Antoine Brunet, chef stratégiste de HSBC CCF, estime que "la seule explication possible à cette baisse que personne n'attendait, c'est qu'ils avaient sous-estimé l'ampleur du ralentissement allemand".Cette décision a profité brièvement à l'euro. La monnaie européenne est repassée au-dessus de la barre de 0,89 dollar avant de se replier très nettement. A 15 h 45, un euro valait 0,8806, touchant un plus de trois semaines. Selon les analystes, les opérateurs n'ont guère apprécié l'effet de surprise. Pour Hans Redeker, de BNP Paribas cité par Reuters, "le marché n'aime pas ce genre de surprise, d'autant qu'il y a quelques jours encore, les responsables européens laissaient entendre que les taux resteraient inchangés. Si l'euro baisse, c'est uniquement de leur faute". Selon Kamal Sharma, analyste à la Commerzbank, cette annonce a "déclenché sur le marché les mêmes réactions que celles qui ont suivi la baisse surprise des taux par la Réserve fédérale américaine (Fed) le 18 avril et relancé la "théorie du complot". Les investisseurs se demandent "qu'est-ce que la BCE sait que nous ne savons pas?", conclut-il. Juste avant la BCE, la Banque d'Angleterre (BoE) avait également réduit ses taux d'intérêt d'un quart de point. Pour la BoE, il s'agit du troisième assouplissement monétaire en trois mois (voir article ci-contre).latribune.f