Ministre de « W », un métier qui coûte cher

La transparence financière ayant ses limites à Washington, le gouvernement publie la liste des entreprises dans lesquelles les ministres et autres responsables du gouvernement détiennent des actions, mais recourt à de larges fourchettes pour valoriser leurs portefeuilles. On sait ainsi que le secrétaire d'Etat Colin Powell avait en début d'année entre 18 et 65 millions de dollars investis dans des titres tels que Cisco, EMC ou Oracle (ce qui n'est pas mal, pour un militaire de carrière à la retraite). Le ministre de la Défense Donald H. Rumsfeld « pèse » de 50 à 210 millions de dollars, le ministre du commerce Don Evans détient de 5 à 25 millions de dollars de titres du groupe Tom Brown, dont il était le P-DG. Ancien patron du numéro un mondial de l'aluminium Alcoa, le secrétaire au Trésor Paul O'Neill y a conservé une participation d'une centaine de millions de dollars.Pas de chance : la loi américaine fait obligation aux membres du gouvernement de céder sous 90 jours les actions de toutes les sociétés susceptibles de susciter un conflit d'intérêt avec leur statut de serviteur de l'Etat. Et c'est évidemment le pire moment imaginable pour vendre des actions sur les marchés new-yorkais.Paul O'Neill a d'abord assuré qu'il se tiendrait à l'écart de toute décision qui pourrait affecter Alcoa. Mais il n'a pas tardé à capituler devant l'absurdité de tels propos dans la bouche d'un ministre de l'Economie (comment la moindre décision en matière de politique fiscale ou de change pourrait-elle ne pas affecter l'un des plus grands groupes industriels des Etats-Unis ?). Il va donc liquider ses titres et ses stock-options. Mais il a de la chance, beaucoup de chance : « valeur refuge », Alcoa est l'une des actions qui a le mieux résisté à la tempête.Colin Powell ne peut pas en dire autant. Depuis le 20 janvier, date de l'arrivée de George W. Bush à la Maison Blanche, EMC et Oracle ont perdu à peu près la moitié de leurs valeurs et Cisco s'est effondré de 65%.Donald Rumsfeld, qui a collectionné les placements complexes et illiquides, paie une fortune son arrivée au Pentagone : son conseiller financier assure que la liquidation de l'essentiel de son portefeuille entraînera, outre des pénalités considérables, des frais de comptables et d'avocats supérieurs... à son salaire annuel de ministre de 161.200 dollars.Et que dire des malheurs du directeur du budget Mitchell Daniels ? Ancien vice-président du groupe pharmaceutique Eli Lilly, il vient de se débarrasser de sa participation pour 38 millions de dollars - 12 millions de moins que sa valorisation... le jour de l'élection.Faut-il pleurer pour les millionnaires de l'administration Bush, qui n'ont pas pu attendre des jours meilleurs pour voir leurs portefeuilles se rétablir ? « Pardonnez-moi si je ne sors pas mon mouchoir, » répondait récemment le directeur du Center for Public Integrity au New York Times. Mais à ce prix-là, personne ne peut douter que le service public est aussi un douloureux sacrifice.Thierry Arnaud, à New-York
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