Qui en veut à votre épargne ?

Du néerlandais ING, via ING Direct, à la nouvelle banque toute en ligne ZeBank, de l'italien Bipop-Carire à l'allemand Deutsche Bank, la surenchère va bon train pour proposer de rémunérer les comptes d'épargne de leurs clients, à 5 %, 5,30 %, 5,50 % et même 6 %. Même la grande distribution s'y est essayée, avec Carrefour qui vous "paie l'argent des courses", en clair qui rémunère l'épargne placée sur son compte Pass destinée à financer les achats dans ses magasins. Un circuit fermé en somme, censé profiter à la firme comme à ses clients.On le voit, d'un produit à l'autre, l'offre est légèrement différente. Parfois vrai livret d'épargne, mais aussi compte pour les excédents de trésorerie adossé à un fonds commun de placement, alors que d'autres ne sont valables qu'au-delà d'un certain montant de trésorerie placé. Il faut donc y regarder de près.Mais le plus surprenant, en apparence, c'est que les banquiers traditionnels tardent à réagir. Rares sont ceux qui ont pour l'heure riposté. On citera comme contre-exemple le Crédit Mutuel Nord. Mais ni la Société Générale, ni BNP Paribas (sauf via sa filiale de courtage Cortal) ni le Crédit Agricole par exemple n'ont lancé à leur tour d'offre d'épargne rémunérée.Est-ce parce que toutes ces grandes banques traditionnelles savent que de toute façon, la fin du "ni-ni" est proche et qu'elles devront rapidement proposer à leurs clients de rémunérer leurs dépôts à vue pour leur faire avaler l'éventuelle pilule du paiement des chèques ? Sauf qu'ailleurs en Europe où les comptes sont déjà rémunérés, ils ne le sont qu'à 0,5 % au maximum. A 5 %, comme le dit un expert, "les banques françaises seront toutes en faillite".Non, la vraie raison qui fait qu'elles ne répliquent pas pour l'heure, c'est que, de l'avis d'un des plus grands banquiers de la place, ces offres concurrentes n'interviennent que sur un produit, l'épargne liquide, sur lequel les banques ne gagnent pas d'argent. Tant que leurs clients restent chez elles pour toutes leurs autres opérations (emprunts, crédit consommation, gestion de fortune...), elles ne s'inquiètent pas. Pour gagner de l'argent avec un client bancaire, il faut pouvoir lui vendre plusieurs produits. C'est ce qu'on appelle le "cross selling". Ainsi, le produit peut être amorti sur un plus grand nombre de clients et la clientèle parallèlement mieux fidélisée. On considère qu'il faut, en gros, avoir vendu trois produits par client pour commencer à gagner de l'argent dans la banque pour les particuliers. D'où les difficultés et les pertes récurrentes du pionnier européen de la banque en ligne, le britannique Egg, filiale du grand assureur-vie Prudential, qui ne parviendrait à vendre que 1,3 produit par client en moyenne.Le danger pour les banques classiques viendra le jour où leurs concurrents, qui multiplient aujourd'hui les offres d'épargne rémunérée, commenceront également à leur proposer et à leur placer d'autres produits financiers. Mais là encore, les banquiers classiques se disent prêts à réagir : "si la menace se précise, nous pourrons la devancer en rémunérant nous aussi, au moins de façon promotionnelle, tout ou partie de l'épargne liquide de nos clients. Compte tenu de nos positions de force, c'est nous qui sommes à même de gagner une guerre des prix ", assène un éminent financier.En Grande-Bretagne, c'est exactement ce qui s'est passé. Les grandes banques ont fini par étouffer les offres concurrentes d'épargne rémunérée en affichant des prix plus attractifs sur une durée suffisamment longue pour fragiliser leurs rivaux. Mais gare aux dégâts. En Espagne, la guerre des super-comptes rémunérés a failli coûter la vie à de grandes banques du pays. Cela a certes permis aux plus solides de racheter les plus faibles et de créer ainsi deux géants, le BSCH, Banco Santander Central Hispano, et le BBVA, Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, à même de tirer leur épingle du jeu dans les grandes manoeuvres de la finance européenne. Mais ceci est une autre histoire.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.