Le retour raté de Michael Milken

Pourtant, tout laissait à penser que la Maison-Blanche accepterait de passer l'éponge sur le passé de l'ex-trader en obligations à hauts risques de chez Drexel Burnham Lambert. Après avoir passé 22 mois en prison, payé 200 millions de dollars d'amende et juré qu'il ne remettrait plus les pieds sur les marchés à la suite du plus gros délit d'initiés qu'ait jamais connu Wall Street, Michael Milken croyait lui-même avoir payé sa dette à la société. Cela d'autant plus que ses dernières années avaient pris des allures d'expiation exemplaire : à la suite d'une rémission-miracle d'un cancer de la prostate diagnostiqué durant ses années de détention, il est devenu un sorte de gourou écouté de la diététique, prêche un mode de vie plutôt spartiate et, âgé de 54 ans, a basculé dans la philanthropie. C'est donc confiants que, en octobre dernier, ses avocats font un demande de grâce en bonne et due forme auprès du département américain de la Justice - un rituel qui se produit à chaque changement de président. Et tout semble marcher sur des roulettes puisque, à la fin du mois de décembre, Bill Clinton laisse entendre que Michael Milken a de bonnes chances de retrouver droit de cité à travers une allusion transparente : "Si durant les années qui viennent de s'écouler, note le président, certains citoyens se sont bien conduits et qu'il y a de bonne raisons de penser qu'ils continueront de le faire à l'avenir, alors il faut leur donner une chance."Hélas pour lui, tout le monde à Wall Street ne l'entend pas de cette oreille. Pour commencer, la Securities and Exchange Commission (SEC) aurait envoyé une lettre bien sentie à la Maison-Blanche où Milken est accusé d'avoir illégalement servi de conseiller dans plusieurs grosses transactions - notamment l'achat de CNN par Time Warner. Parallèlement, d'influentes personnalités comme Robert Rubin, l'ex-secrétaire du Trésor recasé à Citigroup, ou Roger Altman, le président d'Evercore Partners, sont ouvertement hostiles à son retour. "A cela s'ajoute la rancune des anciens de compagnies qui ont été plumées par Milken du temps où il était chez Drexel", confie un "partisan" de Milken. Ils ont tout fait pour ne pas le laisser revenir." Même parmi les conseillers du président, dont John Podesta, la bataille fait rage, cela d'autant que d'importants donateurs comme Ron Burkle, un milliardaire californien, insistent pour que Milken soit gracié. Parallèlement, la presse consacre des colonnes entières à son possible pardon et le feuilleton se joue à découvert. Dans l'entourage de Clinton, on révèle que les échanges téléphoniques entre Wall Street et la Maison-Blanche se multiplient et que les menaces commencent à pleuvoir : la grâce de Milken fera peur aux investisseurs et les marchés, déjà mal en point, n'ont pas besoin de cela.Cet argument-massue a-t-il suffi à faire trébucher Milken? En tout cas, alors que Bill Clinton s'apprête à passer la main à George W. Bush, ses avocats découvrent en janvier dernier que son nom ne figure pas sur la liste des 140 graciés. "Tout ce qu'on m'a dit, c'est que beaucoup de gens étaient contre", explique aujourd'hui Richard Sandler, un des avocats de Michael Milken. C'est bien sûr une immense déception." La pilule est d'autant plus dure à avaler que figurent parmi les "graciés" Marc Rich, un milliardaire aujourd'hui réfugié en Suisse et accusé de fraude fiscale par le Trésor Américain à qui il doit des millions de dollars. Cette grâce coûte cher aux anciens de l'administration Clinton qui ont dû s'expliquer devant le Congrès sur les raisons de ce choix. Un de leurs arguments : le "cas" Milken a provoqué un débat si passionné à la Maison-Blanche qu'ils en ont fini par négliger celui de Marc Rich...
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