"Les entreprises doivent apprendre à numériser certains pans de leurs activités"

Latribune.fr - Les nouvelles technologies semblent subir une certaine remise en cause: le commerce électronique ne connaît pas le succès attendu, l'impact à l'intérieur des groupes ne semble pas flagrant. Pensez-vous toujours que toutes les entreprises soient concernées par ces technologies?Adrian Slywotzky - Absolument. Mais l'intégration des nouvelles technologies dans les entreprises ne signifie pas forcément pour elles faire preuve d'innovation. A mon avis, les nouvelles technologies doivent accompagner les entreprises dans trois champs de réflexion. Déjà, c'est un outil formidable pour mieux connaître et comprendre ses clients. De plus, quel que soit leur domaine d'activité, cela leur permet de gagner en productivité et en efficacité. Il faut absolument qu'elles apprennent à "digitaliser" certains pans de leurs activités. Je pense notamment à des départements comme la finance ou la formation avec l'e-learning, où l'on peut réaliser de formidables économies. L'important n'est pas de se précipiter "on-line" mais d'entamer une réflexion profonde pour hiérarchiser les fonctions stratégiques et les autres, puis étudier comment ces technologies peuvent aider à générer de la profitabilité.Oracle par exemple a ainsi augmenté sa marge opérationnelle de 15 points, passant de 16% en 1998 à plus de 30% en 2000 alors que Cisco tourne aux alentours des 10%. Pourtant Oracle n'a pas du tout innové mais tout simplement annulé les temps morts et les processus déficients. Par exemple, ses clients peuvent compulser le catalogue en ligne, tester les produits, les commander. Ce qui demandait auparavant des semaines de négociations !Que pensez-vous justement des mauvaises performances du commerce électronique ? Elles étaient parfaitement prévisibles. Les entreprises n'ont pensé qu'à la prise de parts de marché en oubliant les profits. Résultat, aujourd'hui seuls AOL, Yahoo et Ebay sont bénéficiaires. En ce qui concerne le B2C, je dirais que les entreprises ont complètement occulté trois choses: un modèle économique fondé sur le profit, le client en face d'elle et la valeur ajoutée qu'elles pouvaient lui apporter. On ne peut tout vendre sur Internet, le client paye la valeur ajoutée et surtout pas un produit qu'il peut se procurer n'importe où ailleurs que sur le réseau. Donc les faillites ne sont pas terminées. Même chose pour le B2B, les faillites sont proches. Il ne suffit pas de créer une plate-forme d'échange, encore faut-il savoir y apporter de la valeur. Ce n'est pas parce que les market places enregistreront des volumes échangés importants qu'elles gagneront forcément de l'argent.On parle souvent du retard européen en matière d'Internet. Est-il trop tard pour que les entreprises européennes s'y mettent, alors même que le ralentissement économique américain peut faire douter du bien fondé d'une telle démarche? Contrairement à l'idée reçue et surtout à l'effet de loupe, je dirai que les entreprises européennes ne sont pas du tout en retard par rapport aux Etats-Unis où très peu d'entreprises s'y sont mises. Même choses en Europe. D'ici huit ans toutes seront "digitales", c'est-à-dire qu'elles auront entièrement intégré les technologies dans leur processus, en fonction de leur domaine d'activité.En ce qui concerne le ralentissement de la croissance américaine, d'abord il est logique dans la mesure où c'est le premier en neuf ans. Par ailleurs, dans les nouvelles technologies, ces trois dernières années ont été l'occasion d'un formidable gaspillage de temps et humain. On a vu des cadres supérieurs sur-qualifiés et sur-diplômés travailler 90 heures par semaine, pour finalement pas grand chose, dans des structures dépourvues de stratégie et de management, se focalisant sur la course à l'introduction en Bourse. Même si quelques heureux élus sont devenus riches, le reste des forces vives n'a-t-il pas perdu un temps précieux?
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