La gauche et les syndicats appellent à faire barrage à l'extrême-droite

Le choc des élections présidentielles secoue non seulement le monde politique hexagonal, mais toute l'Europe. Les résultats définitifs transmis par le ministère de l'Intérieur confirment les premières estimations d'hier soir. Jacques Chirac arrive en tête avec 19,88% des suffrages, devant Jean-Marie Le Pen (16,86% des suffrages) et Lionel Jospin (16,18% des suffrages). Faire barrage. Face à la présence de l'extrême-droite au second tour, les ténors de la gauche parlementaire multiplient les appels au "front républicain". Après Dominique Strauss-Kahn, Jean-Luc Mélenchon et Martine Aubry, François Hollande a ainsi demandé, au nom du PS, "à faire barrage à l'extrême-droite" le 5 mai. "Nous savons que Jacques Chirac est notre adversaire politique mais nous savons aussi que Jean-Marie Le Pen est un danger pour la république", a précisé le premier secrétaire du PS. Un peu plus tôt dans la journée, le PCF avait appelé, par la voix de sa secrétaire nationale Marie-George Buffet, à "utiliser le bulletin de vote Jacques Chirac pour faire en sorte que le candidat Le Pen soit le plus bas possible". Noël Mamère, le candidat des Verts, a lui aussi appelé ses électeurs à se tourner vers Jacques Chirac. Les trois principales composantes de la majorité plurielle se sont donc cet après-midi reportées vers le Président de la République.Outre les partis politiques, les syndicats ont également demandé à leurs adhérents de se tourner vers Jacques Chirac. La CGT demande de "mettre tout en oeuvre pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen". La centrale considère que la présence d'un candidat de l'extrême droite au second tour est une situation "lourde de menaces pour le monde du travail en matière de droits, de libertés, de progrès social, de démocratie". La CFDT, elle, demande à ses adhérents de se "rendre massivement aux urnes pour voter Jacques Chirac". Se considérant "en état de choc", la confédération considère que la situation est "menaçante pour la démocratie". Les deux centrales appellent à une grande manifestation unitaire le 1er mai. La CFTC étudie la possibilité de se joindre à cette manifestation, mais appelle dans l'immédiat à voter Jacques Chirac "pour soutenir la démocratie". En revanche, la CFE-CGCet FO ont décidé de ne pas donner de consignes de vote pour le second tour. Marc Blondel a néanmoins "déclaré solennellement qu'il est vital de combattre les idées racistes, xénophobes, antisémites et poujadistes et de défendre les libertés démocratiques". Ces deux syndicats refusent de politiser le 1er mai et de se joindre à une manifestation unitaire.Une nouvelle cohabitation ? A gauche, on essaie déjà de créer les conditions d'un rebond électoral aux législatives des 9 et 16 juin prochains. François Hollande a annoncé qu'il mènerait le PS lors de la campagne. Parallèlement, les ténors du PS ont appelé à la mobilisation et au rassemblement. Martine Aubry a ainsi invité les forces de gauche à l'union. Un appel entendu par le parti radical de gauche qui a demandé l'établissement de "candidatures uniques" au 1er tour des législatives. Noël Mamère a demandé une "réunion multilatérale de toutes les forces de gauche" dans la perspective de l'élection de juin.A droite, le scénario d'une victoire de la gauche aux législatives est pris très au sérieux. Jean-Pierre Raffarin (DL) a demandé l'établissement de candidatures uniques de la droite aux législatives. Selon lui, les "réformes ne pourront être possibles que s'il n'y a pas de cohabitation". François Fillon s'est également élevé contre cette possibilité. Un tel scénario serait, selon lui, "fatal à nos institutions". Il a cependant rappelé que "l'urgence est le deuxième tour de la présidentielle". "Il faut faire en sorte que le Front national et Jean-Marie Le Pen aient le score le plus bas possible" le 5 mai, a-t-il précisé, avant de rappeler que "c'est Jacques Chirac qui a combattu Jean-Marie Le Pen toute sa vie avec la plus grande détermination". Choc européen. En Europe, les réactions sont à la mesure du tremblement de terre politique. La presse européenne fait part de son inquiétude et de son rejet. "Le vote de la nostalgie, de la haine et de la peur", titre ainsi le journal espagnol El Pais. La Repubblica parle d'un "coup de tonnerre qui frappe l'Europe". Pour le journal romain, le continent "regarde désormais, abasourdi et perplexe la France". La Repubblica analyse cette défaite en considérant que la gauche "a trahi Jospin" et s'est "auto-effondrée" et que "le pays ne comprend plus le langage de la classe politique". "Maudit dimanche", conclut Bernardo Valli, l'éditorialiste du quotidien de gauche. Le journal autrichien Der Standard, proche des socialistes, s'inquiète d'ailleurs de la vague populiste en Europe dont est victime l'Autriche et s'effraie qu'en "Europe, le populisme de droite prend de plus en plus de pouvoir". La presse danoise se veut rassurante. Pour le journal de gauche Politiken, ce "scrutin-choc ne représente ni la France ni l'avenir de la France". La presse européenne plus marquée à droite tente d'expliquer le séisme politique français. El Mundo, en Espagne, critique la France, un pays "vieilli et immobiliste". "L'insistance maladive sur l'exception culturelle et le blocage de la libéralisation du marché de l'énergie en Europe démontrent ce qu'est la France", conclut le quotidien libéral. Du côté du journal turinois La Stampa, propriété de la famille Agnelli, la défaite de Lionel Jospin s'explique par "toutes les erreurs de la gauche" et en particulier par les fautes de la campagne "désastreuse et incertaine" des socialistes. Hors de l'Union européenne, la Pologne, candidate à l'adhésion, s'inquiète des résultats français. Le quotidien Gazeta Wybrocza parle d'une "catastrophe". "Le succès de l'extrême-droite dans l'un des piliers de l'Union européenne fera changer la scène politique de notre continent", s'inquiète son éditorialiste.Réactions. Du côté des responsables politiques étrangers, on se fait plus discret. Mis à part le soutien à Jean-Marie Le Pen affiché par l'ultranationaliste russe Vladimir Jirinovski, le ministre libéral belge des Affaires étrangères s'est contenté de saluer la victoire probable de Jacques Chirac. En Allemagne, le ministre des Affaires étrangères, le vert Joschka Fischer, a estimé que cette élection "prêtait beaucoup à réflexion", mais il considère qu'il faut désormais attendre le second tour pour "tirer des conséquences " de la situation. Le président du parlement européen, le libéral Pat Cox parle, lui, d'implications "pour toute la classe politique européenne". Enfin, le premier ministre suédois Göran Person a déclaré attendre les élections législatives pour juger de "l'évolution politique de la France". Enfin, Tony Blair, le Premier ministre britannique a assuré "faire confiance au peuple français pour rejeter toute forme d'extrémisme".Critiques américaines. Aux Etats-Unis, la presse souligne avant tout la défaite subie par la gauche. Pour le Wall Street Journal, ce premier tour marque ainsi tout simplement "la fin de la gauche européenne". Le quotidien des affaires juge que les résultats "ne signifient pas que les Français se sont soudainement convertis aux idées xénophobes et anti-immigrés de M. Le Pen. Ils en ont assez du déclin continuel vécu sous des gouvernements emmenés par une troupe de socialistes, de communistes et de Verts". "M. Jospin a tenté de faire l'impossible en gouvernant en socialiste orthodoxe sans effrayer la classe moyenne", poursuit le quotidien. "En fait, il a été abandonné par les électeurs de gauche qui ne lui faisaient plus confiance pour mener une véritable politique de gauche préservant le secteur public, des impôts élevés et des syndicats choyés".De son côté, le New York Times souligne que la défaite de Lionel Jospin "reflète aussi le fait que les règles de marchés de l'Union européenne empêchent les partis de gauche européens de plaire à leurs bases traditionnelles". Le quotidien évoque ainsi le "désenchantement" des électeurs à l'encontre de "ce qui était perçu comme une politique libérale".
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