L'investissement faiblit, l'emploi résiste

Par latribune.fr  |   |  706  mots
A quand une reprise forte de l'investissement en France ? Cette question qui taraude économistes et responsables politiques a reçu une réponse partielle ce matin. Selon l'enquête réalisée par l'Insee sur la situation de l'investisssement dans l'industrie concurrentielle (hors BTP, distribution d'eau et d'énergie), il apparaît que les chefs d'entreprises ont très nettement revu à la baisse leurs prévisions d'investissement pour 2002. Alors qu'en avril ils tablaient encore sur un repli limité de 2% par rapport à 2001, ils estiment désormais que le recul sera de 7%, ce qui conforte le scénario d'un ralentisssement de la croissance pour cette fin d'année.Pour ce qui est de 2003, les patrons interrogés s'attendent à une progression de 4% pour l'ensemble de l'industrie et de seulement 2% dans l'industrie manufacturière (hors énergie et agroalimentaire). Cette amélioration résulterait notamment d'une reprise des investissements dans le secteur des biens intermédiaires. Ce serait d'ailleurs une correction logique, dans la mesure où l'investissement devrait avoir particulièrement souffert cette année dans ce segment, avec une baisse prévue de 13%. Toutefois, souligne l'Insee, les industriels ne prévoient pas que cette reprise des investissements intervienne dès le premier semestre 2003. Autrement dit, dans le contexte actuel, ils demeurent prudents, restant très réservés quant à leur appréciation du niveau de la demande. Outre la conjoncture, la situation financière des entreprises, et notamment leur endettement, devrait également brider la volonté d'investir des industriels. Ceux qui néanmoins voudraient passer à l'acte devraient être soutenus par le faible niveau des taux d'intérêt. Ils consacreraient alors majoritairement leurs efforts d'investissement au renouvellement ou à la modernisation des équipements existants. Ce tableau montre bien que, pour l'instant, les industriels vont garder le pied sur le frein en matière d'investissement, poursuivant en cela une tendance amorcée depuis plusieurs mois. A l'heure actuelle, les entreprises sont plutôt enclines à réduire leur production, comme en témoigne la chute sous son niveau de longue période du taux d'utilisation des capacités productives. Les données sur la production industrielle publiées ce matin par l'Insee vont également dans ce sens. Contrairement aux attentes des plus optimistes, le mois de septembre n'a pas été celui du redémarrage. Le timide rebond du mois d'août (lire ci-contre) est resté sans lendemain, la courbe retrouvant sa tendance baissière. En septembre, la production industrielle a en effet reculé de 0,3%, portant à 1,7% la baisse sur un an. Quant à la production manufacturière (hors énergie et agroalimentaire), elle affiche une baisse de 0,2% par rapport à août et de 2% sur un an. Si les biens de consommation affichent une hausse de 1,1%, effet "rentrée scolaire" oblige (le secteur de l'imprimerie-édition progresse de 1,5%), plusieurs secteurs marquent le pas : c'est notamment le cas de l'industrie automobile, avec une baisse de 1,1%, du textile avec un plongeon de 6,7%, ou encore du papier-carton (-1,1%). Malgré ce contexte difficile, l'emploi salarié (hors agriculture, administration, éducation santé et action sociale) fait encore preuve de résistance. Au troisième trimestre, il a progressé de 0,2%, soit une évolution annuelle de 0,6%. Ce sont les secteurs de la construction et des services qui permettent cette performance avec des hausses respectives sur un an de 1% et 1,6%. Pour Marc Touati, économiste de Natexis Banques Populaires, ces chiffres permettent de comprendre "pourquoi le chômage ne s'envole pas dans l'Hexagone, malgré la sinistrose industrielle". En effet, souligne t-il, "depuis le deuxième trimestre 2001, l'industrie manufacturière a ainsi détruit 111.000 emplois nets, tandis que les services en ont créés 272.000". Mais pour Laure Maillard, économiste chez CDC-Ixis, la hausse de l'emploi au troisième trimestre conjuguée à une faible croissance "laisse supposer que la productivité des entreprises reste faible, ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour leurs profits". Afin de restaurer à la fois leur situation financière et leur rentabilité, les sociétés devraient selon elle procéder à des ajustements, notamment sur l'emploi. En attendant la vérification de cette hypothèse, ces données permettent également de mieux comprendre la bonne tenue de la consommation des ménages. Mais elles sont en elles-même porteuses d'inquiétudes: que les services s'effondrent et c'est l'ensemble de la croissance hexagonale qui sera en danger.