"Ce n'est pas le moment de remettre en cause la retraite à 60 ans"

La Tribune - A une semaine du 1er tour des élections présidentielles, quel regard portez-vous sur la campagne électorale ?Marc Blondel - Je souhaite, tout d'abord, rappeler que FO laisse ses militants libres de leurs choix. Ceci étant précisé, cette campagne a, pour moi, quelque chose de surréaliste. Les candidats, qui ont les yeux rivés sur les sondages, en oublient de faire un programme. Par exemple, ils prétendent lutter contre l'insécurité, mais refusent de s'attaquer à ses causes, c'est à dire le chômage chronique avec lequel notre société vit depuis 1975. Or, aucun candidat ne présente l'objectif d'un retour au plein-emploi. Au contraire, nous devrions nous contenter de 6 à 7% de chômage, ce qui représente tout de même 1 à 1,5 million de personnes !La deuxième réflexion, c'est que les gens sentent qu'une partie des décisions du gouvernement français n'est plus de son ressort, mais de celui de l'Europe. D'où les risques d'abstention massive. L'exemple de Barcelone est éloquent. Malgré leurs déclarations de campagne, les deux principaux candidats ont accepté d'allonger de cinq ans la durée du travail avant 2010. Si c'est l'Europe qui décide, à quoi bon voter ? Enfin, je remarque que les candidats n'abordent pas les vrais problèmes de l'économie française. Aujourd'hui, par exemple, le pays perd ses petites et moyennes industries, généralement rurales, qui se délocalisent au Maghreb ou dans les pays de l'Est. De même, dans le domaine de la santé et de l'assurance maladie, qui est à mon sens, le dossier le plus brûlant de l'après-élections, on ne voit aucune proposition. Moi, je demande la création d'un ministère de la Santé publique suffisamment doté pour permettre d'impulser une politique globale et, par exemple, l'éradication des maladies modernes comme le SIDA.Sur le sujet des retraites, vous avez interpellé Lionel Jospin et Jacques Chirac sur leur volonté de maintenir la retraite à 60 ans à taux plein. Avez-vous eu une réponse ?Pas encore à ce jour. J'attends des réponses écrites que je pourrai rendre publiques pour que les militants de FO puissent en tirer les conséquences pour faire leur choix. Pourquoi vous focaliser sur la retraite à 60 ans ?Avec 2,5 millions de chômeurs et 4 millions de personnes à la recherche d'un emploi fixe en France, il ne faut pas remettre en cause la retraite à 60 ans. Si l'on ramène l'âge de la retraite à 63,5 ans, comme le prévoit l'accord de Barcelone, on bloque des postes qui ne seront pas libérés pour les demandeurs d'emploi actuels. Je ne suis pas dupe cependant. Je suis conscient que l'âge de la retraite ne pourra pas rester éternellement à 60 ans, mais aujourd'hui, ce n'est pas le moment. Lionel Jospin a proposé le départ à la retraite des personnes ayant 40 annuités de cotisations. Qu'en pensez-vous ?Il existait un dispositif, l'Arpe, qui permettait les départs volontaires des personnes disposant de 40 années de cotisations avant 60 ans et qui avaient commencé à travailler jeunes. Ces personnes touchaient chaque mois le même montant que si elles étaient parties à 60 ans. Or, avec la complicité de Lionel Jospin, l'Arpe a été détruite. Nous avions déjà dégagé 282.000 emplois à durée indéterminée. C'est autant que le nombre d'emplois prétendument créés par les 35 heures.Considérez-vous que les propositions des candidats sur le dialogue social vont dans le bon sens ?Pour paraphraser de Gaulle, je dirais qu'il ne suffit pas de dire "dialogue social" en sautillant sur sa chaise comme un cabri. Pour dialoguer, il faut être deux. Or, depuis cinq ans, les seules négociations que nous avons pu avoir avec le patronat portaient sur ce qu'il fallait traiter parce que l'on arrivait à l'échéance des conventions. J'ai écrit au patronat à plusieurs reprises au cours des cinq dernières années pour lui proposer des négociations sur des sujets comme la sécurité des sites sensibles ou la formation professionnelle, notamment informatique. Je n'ai jamais eu de réponse. Dans l'immédiat, nous avons demandé la reconduction de l'AGFF (Association pour la gestion du fonds de financement), ce qui est indispensable pour le maintien de la retraite à 60 ans.La négociation est la seule arme d'un syndicat. Or, les patrons ne veulent pas en entendre parler pour le moment. Lorsque M. Seillière prétend être favorable à la refondation sociale, il ment. La preuve en est qu'il s'est déclaré récemment favorable à des négociations dans les entreprises, ce qui signifierait la fin des négociations par branches et interprofessionnelles.Considérez-vous, comme Bernard Thibault, que la question de la représentativité des syndicats doit être posée ?Une organisation syndicale contracte en lieu et place. C'est la base de la démocratie par délégation. Si l'accord signé ne plaît pas, le syndicat perd son crédit. Je refuse l'idée que l'organisation syndicale devienne une machine électorale. Car alors, il suffira de faire de l'obstruction dans les négociations pour les besoins de la campagne et pour gagner des voix. En fait, remettre en cause la représentativité des syndicats, c'est donner des armes à ceux qui sont contre le contrat. Bernard Thibaud, par ses déclarations, fait des concessions aux membres de la CGT qui pensent encore que tout doit être régi par la loi. Tous les jours, des personnes sont licenciées parce qu'elles sont syndicalistes. Ces propos s'apparentent, pour moi, à du masochisme. J'ajoute qu'aucun parti politique ne peut aujourd'hui revendiquer, par le nombre de ses adhérents, la représentativité de la plus petite organisation syndicale. Quelle est votre position face à l'idée d'assouplir les 35 heures ?D'abord, je précise que je revendique la paternité des 35 heures. J'avais proposé à Jean Gandois des négociations par branches sur ce thème dès février 1995. Il les a refusées. S'il les avait acceptées, le processus aurait été progressif et adaptable et on aurait évité une loi Aubry qui a voulu tout gérer en deux ans et demi. Le résultat, c'est qu'aujourd'hui, il n'y a plus de respiration. Aujourd'hui, nous voulons que tout le monde passe le plus vite possible aux 35 heures. Pour les employés des PME, il faut accepter de la souplesse pour éviter de mettre les entreprises en difficulté dans leur production industrielle. Je tiens à dire, cependant, qu'il sera impossible de revenir sur le principe des 35 heures. Que la droite ne se fasse pas d'illusions là-dessus, il n'y aura aucune renégociation. Je crois que, sur ce type de sujet, les salariés seront capables de se mobiliser, même en période de vacances. Et la riposte sera à la hauteur de l'attaque.Propos recueillis par Romaric God
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