L'Europe inquiète sur les engagements budgétaires de la France

La volonté du nouveau gouvernement français, exprimée par le président de la République lors de la campagne électorale, de repousser l'échéance de la date du retour à l'équilibre du budget de 2004 à 2007 fait des remous tant en France qu'à l'étranger.Hier, Laurent Fabius, l'ancien ministre socialiste de l'Economie et des Finances, avait rappelé le gouvernement à ses "engagements européens sur les déficits". Mardi matin, c'est le Medef qui a souhaité, par la voix de son vice-président Denis Kessler, que l'on "converge vers l'équilibre des finances publiques en 2004". Le Premier ministre est donc loin d'obtenir un soutien sur ce sujet. Durant la campagne, le candidat Chirac avait proposé de financer des réductions d'un tiers en cinq ans de l'impôt sur le revenu par un report de l'objectif de l'équilibre budgétaire à 2007.Ce projet fait également réagir les dirigeants européens. L'objectif d'un retour à l'équilibre en 2004 a été approuvé lors du sommet de Barcelone par tous les participants, y compris par Jacques Chirac. Le ministre allemand des Finances Hans Eichel a donc indiqué mardi après-midi qu'il "ne comprendrait pas que la France ne respecte pas ses engagements budgétaires". Il est vrai que le déficit public outre-Rhin est plus important que celui de la France, mais la république fédérale conserve son objectif européen. Autre critique, celle du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Dans une interview au Financial Times, il a affirmé qu'il "n'est pas crédible de décider en mars que la date butoir est 2004 (pour l'équilibre budgétaire) et de revenir sur cette décision deux ou trois mois plus tard". Dans ce cas, "nous donnerions au monde extérieur l'impression que nos décisions ne sont plus des décisions", a mis en garde le dirigeant du Grand-Duché. Pour finir, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pedro Solbes, a réaffirmé que le respect des engagements budgétaires "est d'une extrême importance pour étayer la crédibilité du pacte de stabilité".La crainte des dirigeants européens est, au-delà du problème de la crédibilité, de voir la BCE réagir vivement à une décision française de laisser courir son déficit budgétaire par une hausse des taux qui menacerait la faible croissance de la zone euro. Lors de son dernier point presse, Wim Duisenberg avait rappelé les pays à la nécessité de maîtriser leurs déficits publics. Le président de la banque nationale de Belgique, Guy Quaden, l'a rappelé mardi après-midi. "Si les règles du pacte de stabilité n'étaient pas respectées, ce serait une mauvaise chose pour la crédibilité économique européenne et aussi probablement pour les perspectives d'inflation à moyen et long terme", s'est-il inquiété. Dans la mesure où la zone euro connaît actuellement une inflation déjà supérieure aux 2% annuels autorisés par le traité de Maastricht, cela signifie que la BCE n'hésiterait pas, en cas de déficit prolongé de la France, à relever ses taux de façon importante. Le nouveau gouvernement semble pris dans un piège délicat. D'une part, il doit rapidement donner aux Français un calendrier des baisses d'impôts annoncées ainsi que leur mode de financement, afin d'apporter un projet crédible lors des élections législatives des 9 et 16 juin prochains. Mais d'autre part, il devra ménager ses partenaires de la zone euro et les institutions européennes qui, manifestement, ne sont pas prêtes à accepter que la France revienne sur ses engagements.
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