La France menacée d'avertissement par Bruxelles sur son déficit

Même si leur rythme de progression s'est ralenti, les dépenses de l'Etat ont continué à déraper en août. Sur les huit premiers mois de l'année, elles se sont montées à 180,13 milliards d'euros, en hausse de 3,4% sur un an. De leur côté, les recettes nettes du budget général se sont élevées à 148,45 milliards d'euros, en baisse de 1,6% sur un an. En conséquence, le déficit budgétaire s'est creusé : 47,78 milliards d'euros contre 37,88 milliards d'euros fin août 2001. Cette aggravation du déficit augure mal de l'avenir. Il paraît difficile que le gouvernement reste dans les clous qu'il s'est fixés, à savoir un déficit budgétaire de 44,6 milliards d'euros à la fin de l'année. Ce sera d'autant plus compliqué que, dans les mois à venir, les recettes devraient diminuer encore sous le coup des baisses d'impôts accordées par le gouvernement.Ces chiffres ne vont donc pas réconcilier la France avec les autres pays de la zone euro. Paris est apparu très isolé la nuit dernière à Luxembourg lors de la réunion de l'Eurogroupe. Les ministres des Finances de la zone euro s'étaient retrouvés pour faire le point sur une situation économique marquée par un net ralentissement, et sur les répercussions de celle-ci sur les engagements de retour à une position budgétaire équilibrée ou excédentaire. Tous les pays, y compris la France, sont tombés d'accord pour demander aux pays en déséquilibre budgétaire de réduire leur déficit structurel (hors conjoncture) de façon continue, d'au moins 0,5% du PIB par an. Mais Paris n'a pas voulu s'engager dans cette voie dès l'année prochaine. La France, assumant son image de "mouton noir" européen des déficits, a fait savoir que pour 2003, son budget prévoyait une réduction du déficit structurel de 0,3%. Cet effort limité est assez peu apprécié de la Commission européenne. Pedro Solbes estime ainsi que "l'effort budgétaire 2003 est insuffisant, tant en termes nominaux qu'en termes structurels". Le commissaire européen aux Affaires économiques a indiqué que Bruxelles considérait par ailleurs "qu'il y a une profonde différence entre les chiffres de l'exercice en cours et ce qui était prévu dans le programme de stabilité français" adopté l'an dernier. "Nous considérons dès lors que la France se rapproche du seuil limite de déficit public de 3%" du PIB, a conclu Pedro Solbes. Ces remarques placent la France dans une situation délicate. Elle pourrait bien se trouver sous les feux des projecteurs début novembre. C'est en effet à cette date là que Bruxelles décidera s'il est nécessaire de lancer un avertissement précoce pour déficit excessif à l'encontre d'un Etat membre.Lors de la présentation de son projet de budget, le gouvernement français a indiqué qu'il tablait pour l'an prochain sur un déficit public de 2,6% du PIB, identique à celui espéré en 2002. Avec un tel niveau de déséquilibre budgétaire, l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2006 ne paraît pas tenable pour la France et semble même repoussé de fait à l'horizon 2007/2008. Préconisé par la Commission européenne, ce report à 2006 de l'équilibre des finances publiques - au lieu de 2004 - n'a d'ailleurs pas fait l'objet d'un accord entre les membres de l'Eurogroupe. L'Espagne, comme de nombreux "petits pays" de la zone euro, s'est fermement opposée à cette initiative, jugeant que ce serait accorder une prime aux pays les moins vertueux, à savoir l'Allemagne, la France, l'Italie et le Portugal. Pour l'instant donc, l'objectif d'un retour à une situation budgétaire proche de l'équilibre en 2004 demeure "la base juridique", reprise dans les grandes orientations de politique économique arrêtées au printemps dernier, a rappelé Nikos Christodoulakis, président de l'Eurogroupe.Malgré son cavalier seul, la France refuse les accusations selon lesquelles elle met à bas le Pacte de stabilité. "On ne fait rien péter du tout", s'est ainsi justifié le ministre français de l'Economie. Francis Mer a expliqué son refus de s'engager dès 2003 "parce que nous avons décidé qu'il y avait d'autres priorités en France, par exemple celle qui consistait à augmenter les dépenses militaires". "D'autres pays n'ont pas pris ce même type de décision mais nous sommes encore dans une Europe où la politique budgétaire et la politique tout court d'un Etat restent sous son contrôle".En tout état de cause, la position française ne devrait pas satisfaire la Banque centrale européenne (BCE). Son président Wim Duisenberg a rappelé ce matin qu'il était "crucial" que les pays en déséquilibre budgétaire "réduisent leur déficit chaque année". Par ailleurs, le refus français, comme la situation budgétaire allemande, ne sont pas de nature à inciter la BCE à assouplir sa politique monétaire. Wim Duisenberg juge que les taux actuels sont appropriés. De surcroît, les gardiens de l'euro sont réticents à l'idée de donner un coup de pouce à des gouvernements qui, de leur côté, ne paraissent pas disposés à mener les efforts nécessaires d'assainissement de leurs finances.
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