Jacques Chirac se déclare candidat à la présidentielle

"Oui, je suis candidat. J'ai voulu le dire au milieu des Français, avec vous. Je participerai donc au grand débat qui s'est déjà engagé et dont je souhaite qu'il soit digne et serein": c'est avec ces quelques mots que Jacques Chirac a annoncé sa candidature officielle à la présidence de la République, mettant ainsi un terme à un long faux suspense. Le chef de l'Etat répondait à "une question directe et franche" que venait de lui poser la maire RPR d'Avignon Marie-Josée Roig. Avant cette annonce, qui était souhaitée par un nombre croissant de ses supporters parmi lesquels Nicolas Sarkozy et Philippe Séguin, le chef de l'Etat avait planté des banderilles afin de se démarquer des autres postulants, "probables" ou déclarés à la magistrature suprême. Plaçant sa candidature sous le signe du dynamisme, de la restauration de l'Etat et de la sécurité, et du "respect de l'autre" (voir les extraits de sa déclaration ci-contre), Jacques Chirac a estimé "qu'on a un peu le sentiment que la France tourne au ralenti, et prend du retard par rapport à nos principaux partenaires en Europe et dans le monde, et surtout que semble s'installer (...) dans les esprits un certain désordre, et cela c'est grave. Aujourd'hui, il faut s'efforcer de mieux écouter, de mieux comprendre, de respecter davantage les Français. Pour cela, il me semble qu'il y a un préalable, un préalable fondamental, qui est de restaurer l'autorité de l'Etat qui a tendance à se dégrader, de renforcer ou de rétablir la sécurité, notamment la sécurité des personnes et des biens (...) car là où il y a peur, il n'y a plus de sérénité". Avant d'annoncer officiellement sa candidature, Jacques Chirac qui participait à Avignon à une réunion de travail consacrée à l'initiative locale et la création d'entreprise, pas encore en campagne s'était pourtant déjà livré à à un tir de barrage en règle contre le gouvernement, dénonçant notamment son attitude face au ralentissement de la croissance. Il stigmatisait particulièrement l'"attentisme" de l'équipe en place. Le président de la République déclarait ne pas vouloir se résoudre à cette attitude qui consisterait "à attendre, immobile, que la croissance américaine vienne redonner du souffle aux initiatives européennes ou françaises. Je crois que nous devons aussi trouver en nous-mêmes les moyens de renforcer notre croissance et nos emplois". Le chef de l'Etat jetait ainsi une pierre dans le jardin du gouvernement quelques jours après la nette révision en baisse de la prévision de croissance française pour 2002. Selon la dernière estimation de ministère de l'Economie et des Finances, le produit intérieur brut ne devrait progresser que de 1,5% cette année, au lieu des 2,5% initialement espérés par le gouvernement lors de l'élaboration du budget. Autre cheval de bataille enfourché par le chef de l'Etat, la question des retraites. Se disant "inquiet" de l'avenir du système français, Jacques Chirac a implicitement critiqué le gouvernement de Lionel Jospin pour n'avoir pas pris les mesures nécessaires afin "que dans l'avenir ces retraites soient garanties". Dans le programme électoral baptisé "Libre choix" du RPR, parti dont Jacques Chirac est le candidat naturel pour l'élection présidentielle, il est inscrit que la question de la réforme des retraites sera "menée par négociation entre les partenaires sociaux, dans un cadre défini par l'Etat. Elle reposerait sur un système à trois étages : retraites de base et retraites complémentaires assurées par la répartition et création d'un troisième niveau facultatif, bâti sur la capitalisation et encouragé par des incitations fiscales. Le système de retraites par annuités serait remplacé par un système par points". Ce dossier épineux, dont la réforme a effectivement été renvoyée à de nombreuses reprises par les gouvernements successifs, fait aussi l'objet de promesses électorales au sein du parti socialiste. Le projet élaboré par Martine Aubry, dont devrait s'inspirer le candidat "probable et disponible" Lionel Jospin, estime que la réforme devra être engagée "dès le début de la législature". Tout en affirmant "son choix irrévocable" en faveur du système par répartition, le PS suggère des pistes : permettre à ceux qui ont commencé à travailler jeune, ou qui ont exercé des métiers pénibles, de partir plus tôt à la retraite ; "donner la possibilité aux Français de choisir leur âge de départ à la retraite selon des modalités plus souples"; accorder une pension plus élevée à ceux qui décident de travailler plus longtemps ; faire en sorte "qu'il n'y ait pas de distorsion forte entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public".Poursuivant son offensive, Jacques Chirac a également "taclé" le gouvernement sur sa politique pour l'emploi, indiquant qu'il avait toujours pensé "que la croissance économique et les créations d'emplois ne se décrétaient pas, notamment à Paris, et qu'il fallait faire confiance aux Français, confiance au terrain pour trouver des solutions, qu'il s'agisse de l'insertion, de la formation, de l'emploi et surtout des créations d'entreprises". Critique implicite des 35 heures, dont le ministre de l'Emploi n'a de cesse de souligner les bienfaits, cette attaque intervient alors que le chômage progresse à nouveau en France. Mais avec ces propos, Jacques Chirac vient aussi marcher sur les plates-bandes d'Alain Madelin, chantre de la création d'entreprises. Le président de Démocratie libérale (DL) ne prévoit de dévoiler son programme économique que le 6 mars prochain mais déjà il a affiché son credo en la matière: baisser les impôts et "libérer le travail". Au menu notamment, un vaste plan pour la création d'entreprise. Alain Madelin préconise un ensemble de mesures pour créer deux millions de nouvelles entreprises dans les cinq prochaines années. Or c'est bien dans le fonds de commerce de ce rival de droite que va puiser le chef de l'Etat quand il juge qu' "il est plus nécessaire que jamais de favoriser l'esprit d'entreprise, la liberté d'entreprise, qui sont des moteurs essentiels à la fois de la confiance et de la croissance". A l'inverse, Jacques Chirac dénonce la culture d'assistanat dont souffre selon lui la France. Pour le président de la République, il faut "privilégier le travail sur l'assistance". S'il reconnaît que "l'assistance est une nécessité impérieuse pour éviter la dérive sociale", Jacques Chirac estime que "souvent, il n'y a pas suffisamment de différence, en termes de revenus ou de risques, entre être assisté, bénéficier de la législation sociale, et travailler", a-t-il ajouté en précisant qu'il ne fallait pas pour autant "diminuer la protection sociale". De quoi rappeler le thème de campagne de Jacques Chirac en 1995 sur la "fracture sociale".latribune.f
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