Cauchemar budgétaire

On demanda un jour à Harold MacMillan, Premier ministre britannique de 1957 à 1963, ce dont il avait le plus peur. Sa réponse demeure l'une des plus célèbres répliques de la vie politique du Royaume-Uni : " Events, dear boy, events. "Gouverner serait en effet incontestablement un art beaucoup plus aisé s'il était possible de le mettre à l'abri d'événements qui semblent manifester un entêtement stupéfiant à faire dérailler les calculs des plus brillants politiques.Dans le cas du gouvernement Raffarin, point d'évenement traumatisant - jusqu'à présent au moins, souhaitons que cela dure. Plutôt une série de petites complications qui s'ajoutent les unes aux autres, et ne cessent de lui rendre la tâche plus ardue.Le budget en est, au fond, la démonstration chiffrée. Le Premier ministre et son équipe se pensaient capables de contenir le déficit. C'était sans compter sur la déprime montante des entreprises - qui n'investissent plus, n'embauchent plus, travaillent dans de nombreux cas à de possibles plans sociaux. Les consommateurs parviennent encore à tenir l'économie à bout de bras. Mais d'une part, cela pourrait ne pas durer. Et d'autre part, cela n'empêche pas les recettes fiscales d'accuser le coup. On attendait moins de 45 milliards d'euros de déficit public cette année: on parle désormais - à voix basse, pour l'instant - de 47 milliards.On attend donc avec intérêt de voir si le gouvernement est prêt à tailler durement dans les dépenses, et, si oui, dans lequelles, pour tenir son objectif d'un déficit public au sens de Maastricht à 2,6% du PIB. Il est probable qu'il laissera ce pourcentage dériver un peu, jusqu'à frôler la limite des 3% autorisée par les traités européens.Politiquement compréhensible, ce choix ne serait pas forcément dépourvu de sens économique, puisqu'il reviendrait à soutenir une économie qui en a bien besoin. A condition que les dépenses soient soigneusement ciblées. A condition aussi que les événements tant redoutés par MacMillan ne viennent pas perturber un calcul privé de toute marge de manoeuvre. La difficile équation de Jean-Pierre Raffarin pourrait bien alors tourner au cauchemar budgétaire.
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