Doublement des avantages fiscaux pour les entreprises mécènes

Le gouvernement a annoncé ce matin un ensemble de mesures destinées à améliorer sensiblement le traitement fiscal des dons consentis par les entreprises et les particuliers. Le mécénat, activité assez peu répandue en France, est pratiqué par quelque 2.000 entreprises et par 15% des personnes physiques, qui apportent ensemble l'équivalent de 1,26 milliards d'euros, soit 0,1% du produit intérieur brut (chiffres 2001). A titre de comparaison, il représente 212 milliards de dollars aux Etats-Unis, soit 2,1% du PIB (également en 2001).Pour les entreprises, le niveau des déductions va être sensiblement relevé. Actuellement, lorsqu'une entreprise verse un don à une fondation ou une association d'intérêt général, elle le déduit de son résultat imposable dans la limite de 0,32 % du chiffre d'affaires. Il en résulte en pratique un avantage fiscal de 33% correspondant au taux de l'impôt sur les sociétés. La réforme consiste à passer d'une déduction au niveau du résultat imposable à une réduction de 60% appliquée directement sur l'impôt. De plus, le plafond est relevé à 0,5 % du chiffre d'affaires, ce qui double l'avantage offert aux entreprises. "C'est une mesure extrêmement intéressante parce qu'il ne s'agit plus d'une déduction fiscale mais d'une véritable réduction d'impôt. Le fait de doubler l'avantage fiscal va changer la donne pour les sociétés. Les chefs d'entreprise ont toujours dit que le plafond du chiffre d'affaires de 0,325 % n'était pas suffisamment attractif et qu'ils se lançaient dans le mécénat pour leur image et leur communication, pas pour des raisons fiscales", observe Anne-Gaële Duriez, de l'Admical (Association pour le développement du mécénat commercial et industriel). Le président de l'Admical, Jacques Rigaud, s'est d'ailleurs déclaré très satisfait de la réforme annoncée par le gouvernement. L'association réclamait depuis des années une hausse des taux d'abattement fiscaux pour les entreprises.60% de déduction pour les particuliersEn ce qui concerne les particuliers, ils sont également poussés à investir dans le mécénat. Jusqu'ici, un don était déductible de l'impôt sur le revenu à hauteur de 50 % de son montant et dans la limite de 10 % du revenu imposable. Le taux de déduction sera désormais porté à 60 % et le plafond à 20 % du revenu. Au delà de cette limite, le donateur aura même la possibilité de reporter l'avantage fiscal sur cinq ans. Autre innovation: le gouvernement Raffarin veut aussi encourager les bénéficiaires de successions à utiliser une partie des biens hérités pour faire du mécénat. Les sommes héritées faisant l'objet de dons seront ainsi soustraites de l'assiette du calcul des droits de succession.Favoriser les fondations d'entreprisesLa réforme vise en outre à assouplir le mode de création et de fonctionnement des fondations d'intérêt public. Jusqu'ici, les procédures étaient lourdes et complexes: il fallait compter 18 mois en moyenne pour qu'une fondation obtienne une reconnaissance d'utilité publique. Il fallait aussi déposer un capital initial de 760.000 euros. Selon les dispositions annoncées aujourd'hui, ce délai devrait être réduit à six mois maximum, et les fonds initiaux devraient être moins importants. Les statuts types, trop rigides, seront assouplis. Enfin les fondations, qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés, verront leur abattement fiscal doubler et passer de 15.000 à 30.000 euros.Ces procédures peu séduisantes expliquent le petit nombre de fondations d'entreprises en France. Sur un millier au total (contre 3.000 au Royaume-Uni et 12.000 aux Etats-Unis), 65 ont été mises sur pied par des entreprises. A cela s'ajoute une soixantaine d'organisations sous l'égide de la Fondation de France. Enfin les fondations reconnues d'intérêt public, troisième catégorie, sont au nombre de quatre. Quant aux avantages fiscaux, la France est en retard sur d'autres pays européens tels la Belgique - réduction d'impôt de 5 % - et surtout l'Espagne, où les entreprises bénéficieront bientôt d'une réduction dans la limite de 35 % de l'impôt sur les sociétés. Une aide à la culture Les réformes annoncées mardi devraient être les bienvenues au ministère de la Culture. En France, 58% du mécénat d'entreprise va à la culture, 38% à la solidarité sociale, médicale et humanitaire et 4% à l'environnement. Or, il y a quelques mois, Jean-Jacques Aillagon avait déploré ne pas avoir de budget suffisant pour aider la création contemporaine. Les frais de fonctionnement du ministère dépassent en effet son budget... "Il est évident que ces mesures d'allègement fiscal et d'incitation au mécénat sont une manière d'aider le ministère de la Culture", reconnaît Anne-Gaële Duriez. Le gouvernement précédent avait déjà fait un pas important pour inciter les entreprises à investir dans ce domaine. Depuis la loi de janvier 2002, elles peuvent en effet contribuer à l'achat de trésors nationaux en échange d'une réduction d'impôts. Soit l'entreprise achète une oeuvre pour le compte de l'Etat, et la réduction fiscale peut alors atteindre 90 % du versement, dans la limite de 50 % de l'impôt dû au fisc. Soit l'entreprise reste propriétaire de l'oeuvre - qu'elle s'engage toutefois à exposer pendant 10 ans - et elle bénéficie d'une réduction fiscale de 40 %. "Cela va attirer les entreprises vers le marché du patrimoine et permettre à l'Etat de garder des oeuvres sur le sol français. Car jusqu'ici, le ministère de la Culture était pris dans un choix cornélien : refuser qu'une oeuvre sorte du pays ou s'endetter pour la racheter", explique Anne-Gaële Duriez. C'est dans ce cadre que le ministère de la Culture a publié, le 14 novembre dernier, son premier appel au mécénat, pour l'aider à acquérir neuf toiles du peintre Jean-Baptiste Oudry, d'une valeur de 3,35 millions d'euros.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.