"La parité euro-dollar reflète les fondamentaux économiques de la zone euro" - 2

La Tribune: L'euro a atteint la parité face au dollar lundi 15 juillet dernier. Est-ce un motif de satisfaction pour la BCE?Lucas Papademos : Le renforcement de l'euro est un développement bienvenu. Le taux de change actuel de parité face au dollar reflète mieux les fondamentaux économiques de la zone euro.Pensez-vous que les banques centrales devraient intervenir dans le cas d'une forte accélération de la dépréciation du dollar?Par principe, je ne ferai pas de commentaires sur ces questions d'interventions.Cette chute du dollar retarde-t-elle votre volonté d'augmenter les taux d'intérêt?Il est exact que l'appréciation de l'euro contribue à une atténuation des pressions inflationnistes, surtout à moyen terme. Le taux de change est un facteur influençant l'évolution des prix à moyen terme et nos décisions de politique monétaire. C'est un facteur déterminant mais ce n'est qu'un facteur. Notre analyse repose sur un vaste ensemble d'indicateurs, comme vous le savez. D'autres éléments tels que la croissance de la masse monétaire et l'évolution des salaires envoient des signaux plus mitigés sur l'évolution future de l'inflation. Le moment précis des ajustements futurs des taux d'intérêt dépendra du jugement qu'aura la BCE de l'impact probable de tous les facteurs déterminant l'évolution future de l'inflation à moyen terme.Vous connaissez fort bien les missions de la Fed américaine, pour y avoir travaillé. Une évolution du mandat de la BCE vers une plus grande importance similaire donnée à des objectifs de croissance et d'emploi est-elle envisageable?Il n'y a aucune nécessité de changer le mandat du Système Européen de Banques Centrales.Certains pourraient pourtant tirer argument de l'efficacité du mandat de la Fed au vu du faible chômage américain...D'abord, nous croyons qu'en assurant la stabilité des prix à moyen terme, la BCE et l'Eurosystème soutiennent indirectement mais de façon décisive une croissance économique durable. Cela est attesté non seulement en théorie mais aussi en pratique dans de nombreux pays sur de longues durées. La performance impressionnante de l'économie américaine en termes de production et d'emplois ces dernières années ne peut pas être seulement attribuée à l'influence de la politique monétaire de la Fed. Cela est avant tout la conséquence de la capacité de l'économie américaine à augmenter sa productivité et à créer des emplois grâce au fonctionnement plus efficient de son marché du travail. L'expérience américaine montre qu'on ne peut atteindre des objectifs de croissance plus rapide à long terme et de chômage plus bas qu'en utilisant des politiques autres que la politique monétaire. Dans le cas de l'Europe, via la mise en oeuvre de réformes structurelles qui peuvent améliorer le fonctionnement des marchés du travail et conduire à une productivité dans la zone euro plus importante. Ces dernières années, dans quelques pays de la zone euro, une évolution encourageante sur ce front de la productivité a eu lieu et il est important que cela se répande à tous les pays ayant adopté l'euro. Enfin, le mandat de la Fed est le reflet de l'époque à laquelle il a été formalisé, c'est-à-dire immédiatement après la grande crise de 1929. Et dans les faits, la Fed insiste beaucoup pour garantir une faible inflation et pour maintenir une croissance économique durable; le mot durable fait ici référence au besoin d'assurer la stabilité des prix pour atteindre une croissance régulière de long-terme.Avec l'introduction des billets et pièces de l'euro, la BCE ne doit-elle pas modifier sa politique de communication pour s'adresser plus largement à l'opinion publique de la zone euro? La circulation des billets et pièces rend l'euro plus visible et tangible et aide à présenter de façon plus concrète la politique monétaire de la zone et les décisions qui y sont liées. Fondamentalement, l'importance de la communication n'a pas changé: il s'agit d'expliquer aux marchés financiers et au public au sens large les faits qui conditionnent les décisions de politique monétaire et les raisons de procéder à des changements de celle-ci. La BCE le fait déjà. Je remarque d'ailleurs qu'il y a une bien meilleure compréhension des objectifs, de la stratégie et des décisions de politique monétaire de la BCE. C'est somme toute naturel: la BCE étant une jeune institution, avec le temps il est dans l'ordre des choses que nos décisions soient mieux comprises si nous faisons notre travail correctement. Lors de votre audition au Parlement européen, vous avez évoqué la possibilité de publier de façon anonyme les votes du Conseil des gouverneurs. Allez-vous y procéder ?Ce que j'ai dit est plus complexe. Bien sûr une telle publication pourrait apporter plus d'informations aux marchés et en principe personne ne peut y être opposé. Mais cela ne veut pas dire qu'il soit souhaitable de le faire maintenant: le marché pouvant apposer des noms sur cet "anonymat", au bout du compte ces votes pourraient ne plus être vraiment anonymes... Il y a une différence entre ce qui est bon en théorie et réalisable immédiatement dans la pratique.Il n'y aura donc pas de publication de ces protocoles?Il est essentiel, notamment pour la simple efficacité de la politique monétaire, d'apporter au public et aux marchés beaucoup d'informations expliquant et justifiant ces décisions de politique monétaire. C'est un gage important de transparence et de responsabilité de la BCE. La publication de minutes des réunions est un des moyens pour y parvenir. Mais il y en a d'autres: des communiqués de presse à des publications en passant par des interviews à la presse peuvent fournir cette transparence. Dans le contexte de l'Eurosystème la publication détaillée des discussions pourrait ne pas servir à atteindre les objectifs recherchés. Cela pourrait notamment conduire à une interprétation inappropriée des décisions prises, si cette interprétation était fondée sur des critères d'appartenance nationale. Nous donnons déjà un résumé des délibérations du Conseil des gouverneurs par l'intermédiaire de la déclaration introductive que le Président de la BCE adresse à la presse une fois par mois.Pour adopter l'euro, le Royaume-Uni pourrait poser comme condition de justement publier les minutes des réunions, comme l'a fait jusqu'ici la Banque d'Angleterre...Je ne crois pas que la publication des minutes des réunions soit un élément central qui pourrait influencer soit la décision de rejoindre ou non la zone euro, soit les négociations d'adoption de l'euro par le Royaume-Uni.Lire ci-contre les propos de Lucas Papademos sur:- 1er volet: la conjoncture économique et boursière- 3ème volet: le Pacte de stabilité et M3
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