Conflit d'autorités

A ma droite, le régulateur des télécommunications - l'ART ; à ma gauche, celui de l'audiovisuel - le CSA. La transposition en droit français des directives européennes sur les télécommunications doit clarifier leur rôle avant l'été 2003. Ce qui ne se fait pas sans mal, au vu des avis assez contradictoires qu'ils ont récemment transmis au gouvernement avant le débat parlementaire. Premier à dégainer, le président de l'ART a fait connaître dès l'été dans La Tribune son approche de la régulation d'un secteur marqué par la convergence des différents moyens de diffusion (lire La Tribune du 9 juillet 2002). Clé de voûte de sa réflexion : il faut aboutir à une séparation stricte entre les diffuseurs d'une part et les fournisseurs de contenus de l'autre, quel que soit le moyen utilisé (audiovisuel, Internet, téléphonie). Ainsi, les premiers relèveraient-ils de la compétence de l'ART, les seconds de celle du CSA. Corollaire de cette vision, l'ART veut harmoniser les modalités d'attribution de toutes les fréquences de diffusion hertzienne sous sa responsabilité. Ce qui revient notamment à réclamer aux chaînes de télévision et aux stations de radio qu'elles payent désormais pour l'utilisation de leurs fréquences comme les opérateurs de téléphonie mobile. Difficile de heurter davantage le CSA et son président Dominique Baudis. Certes, vouloir le cantonner au seul contrôle des contenus est d'abord perçu par le régulateur de l'audiovisuel comme une volonté de restreindre ses compétences. Mais surtout, les sages du CSA déplorent que l'ART ait une approche trop "techno". Il est vrai que les réseaux de diffusion convergent de fait depuis qu'ils sont presque tous devenus numériques. Les téléphones pourront bientôt supporter des images animées et il est déjà possible d'écouter la radio ou de regarder des films et la télévision sur Internet. Mais la structuration économique du secteur de la télévision n'a pas abouti à une séparation entre diffuseurs et éditeurs de contenus, comme l'imagine l'ART. Et puis, preuve supplémentaire selon le CSA de la justesse de son analyse, les télécoms et l'audiovisuel, en France au moins, ne partagent pas vraiment la même philosophie en matière de droits et devoirs. Les fréquences hertziennes sont bien des ressources rares, mais en échange de la gratuité pour les radios et les télévisions, celles-ci sont tenues à de lourdes contraintes en matière de financement de la production audiovisuelle qui s'ajoutent à des obligations de couverture du territoire. "Rien de cette importance, hormis les obligations de couverture, n'est imposé aux opérateurs de téléphonie", affirmait cette semaine Francis Beck, membre du CSA. Sur la défensive, le CSA se prévaut ainsi d'une approche moins "libérale" que l'ART. Elle peut conduire à s'interroger sur l'usage que fait l'Etat des redevances des opérateurs de téléphonie. Et notamment à se demander s'il n'y a pas là une piste pour réformer le financement du service universel. Ce service public "light" - la garantie d'un accès "à un coût abordable" aux services de base de téléphonie - est contesté par la presque totalité des opérateurs privés qui, depuis plusieurs mois, font la grève du paiement. Pourquoi ne pas harmoniser la gratuité des fréquences en échange de contraintes de financement de missions d'intérêt général ?
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