"La parité euro-dollar reflète les fondamentaux économiques de la zone euro" - 3

La Tribune: Le Portugal s'est soudain rendu compte que son déficit budgétaire avait en 2001 dépassé le cadre autorisé de 3 % du PIB, le nouveau gouvernement français a révisé en forte hausse ses propres prévisions pour cette année et l'Italie s'est vue refuser par Eurostat la possibilité d'utiliser une bonne part de ses opérations de titrisation pour diminuer son déficit. Les chiffres actuels des positions budgétaires des pays membres sont-ils encore dignes de confiance?Lucas Papademos : Dans l'ensemble, ces chiffres sont crédibles. Dans certains cas, la détérioration des déficits budgétaires n'était pas la conséquence de l'utilisation de données non fiables mais le résultat d'un changement abrupt dans les situations budgétaires au cours de quelques mois. Dans d'autres cas, les transactions financières du secteur public ont pu être comptabilisées avec un usage de la flexibilité permise par les pratiques comptables. Il est très utile qu'Eurostat ait établi en la matière des règles claires. Elles aideront à éviter des malentendus sur les positions budgétaires réelles des Etats membres. Le ministre italien des Finances, Giulio Tremonti, et d'autres de ses collègues ont récemment plaidé pour une "réinterprétation" du Pacte de stabilité. Les ministres des Finances sont-ils incorrigibles sur ce point?Je n'ai pas de doute sur le fait que les autorités politiques comprennent l'importance d'atteindre les objectifs à moyen terme du Pacte. Récemment, certaines politiques budgétaires ont pu être caractérisées par le souhait d'arbitrer entre les objectifs du Pacte et d'autres objectifs politiques de court-terme, liés en partie à la situation économique ou au besoin de réformes structurelles en matière budgétaire. Dans le cas de tels arbitrages, les choix faits ne doivent en tout état de cause pas mettre en péril l'arrivée aux objectifs de moyen terme du Pacte. Pas seulement car il s'agit d'un engagement qu'il faut respecter. Des politiques budgétaires saines, qui soient largement compatibles avec les objectifs du Pacte, sont nécessaires, à la fois pour soutenir une politique monétaire orientée vers la stabilité et pour atteindre une croissance économique durable.A part le Portugal, les pays sur la sellette à propos de leurs déficits sont de soi-disant "grandes économies". Les "grands" sont-ils moins vertueux que les "petits" dans la zone euro?Je ne crois que ces grandes économies se sentent moins tenues de remplir les objectifs assignés par le Pacte. Il y a d'autres raisons que je viens de mentionner. La taille d'une économie ne doit jouer aucun rôle dans le jugement porté sur ses efforts pour remplir les critères. La règle est celle d'un traitement égal pour tous. Concrètement, la BCE et la Commission européenne ne vivent-elles pas dans l'illusion que la France et l'Allemagne vont quasiment équilibrer leur budget publics dès 2004? La plupart des économistes n'y croient pas.Il n'y a pas de raison de douter de la sincérité et de la détermination de ces pays à atteindre ce à quoi ils se sont engagés. Ces engagements doivent bien sûr être effectués sur la base de prévisions réalistes de l'environnement économique. Après tout, ce sera bénéfique aussi pour leurs économies.Une croissance pour la France de 3 % et de 2,5 % pour l'Allemagne en 2003 est-elle pourtant réaliste?Ces prévisions sont en ligne avec la performance économique générale de la zone euro attendue en 2003-2004 proche de 3 %.Les taux de croissance que vous mentionnez pour la France et l'Allemagne pour 2003 se situent à l'intérieur des fourchettes de prévision disponibles.Wim Duisenberg a récemment réfuté l'idée de coordonner la politique monétaire avec celles des ministres des Finances. N'est-il pas contradictoire d'exiger régulièrement des pays-membres un certain comportement et de refuser de se coordonner avec eux?Les recommandations que nous formulons ne prennent pas la forme de suggestions particulières visant à une coordination ex-ante. Il est important de maintenir la distinction des rôles de chacun entre l'autorité monétaire et les pays membres. L'échange d'informations et la communication au sein de l'Eurogroupe nous permettent d'améliorer notre estimation des perspectives économiques et de mieux faire comprendre notre politique monétaire. A quoi attribuez vous la récente évolution de M3 ?Je crois que tant l'évolution récente que celle durant l'année 2001 de la croissance de M3 sont dues pour une très grande part à des réaménagements de portefeuille vers des placements inclus dans M3. Cela est avant tout la conséquence de l'incertitude plus aiguë observée à la fois en 2001 et plus récemment sur les marchés d'actions. Entre l'automne dernier et le printemps 2002, ces réaménagements ont cessé, contribuant, parmi d'autres facteurs, à la modération de la dynamique de la croissance de M3. Au même moment, d'autres éléments ont contribué récemment à l'accélération de M3: les bas taux d'intérêt ou, pour être plus précis, le faible coût d'opportunité de la détention de liquidités ont joué leur rôle en stimulant la demande pour l'agrégat M3 et en influençant la demande de crédit par le secteur privé. La reprise de la production qui se poursuit a aussi eu un effet d'expansion monétaire. En bref: les réaménagements de portefeuille ont constitué récemment un facteur important et dominant mais pas l'unique facteur. Nous avons remarqué qu'un volume de liquidités s'est accumulé dans l'économie, à la suite du taux élevé de croissance monétaire durant les douze derniers mois. Cette accumulation de liquidités doit être soigneusement surveillée car elle pourrait susciter des risques pour la stabilité des prix, plus particulièrement à long-terme. Il faut garder en tête que l'objectif principal de la politique monétaire de la zone euro est d'assurer la stabilité des prix à moyen et long terme. Les facteurs monétaires peuvent avoir une influence sur l'évolution du niveau des prix à moyen terme.L'évolution de M3 a-t-elle donc maintenant une signification plus importante à vos yeux qu'il y a quelques mois?Ces derniers mois, de la fin 2001 au début de cette année, la modération graduelle de la croissance de M3 a constitué une évolution dans le bon sens, signalant que les risques monétaires pesant sur la stabilité des prix reculaient progressivement. L'accélération actuelle, bien qu'elle soit en premier lieu une conséquence des réarrangements de portefeuille, nécessite d'être suivie de près car la croissance de M3 est restée à un niveau sensiblement supérieur à la valeur de référence (cette valeur de référence correspondant à un niveau cohérent avec la stabilité des prix) depuis un certain temps. Lorsque de tels écarts persistent, ils peuvent signaler des risques croissants, vers le haut, pour la stabilité des prix au moment où le rythme de la reprise économique s'accélère.Les banquiers centraux paraissent bien souvent comme uniformes et interchangeables, ayant toujours le même discours. Croyez-vous que la personnalité soit importante dans votre fonction?Nous partageons bien sûr des objectifs communs qui ont du coup des implications sur notre comportement et nos prises de décision. Cela peut expliquer l'existence d'une culture commune. Mais chacun est différent et la personnalité joue un rôle, cette diversité est même utile jusqu'à un certain degré. Par exemple, la personnalité peut influencer la manière d'aborder des questions et de communiquer sur ces questions. En outre, je vous rassure: nous ne portons pas les mêmes cravates...Lire ci-contre les propos de Lucas Papademos sur:- 1er volet: la conjoncture économique et boursière- 2ème volet: l'euro et les missions de la BCE
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