La BCE s'inquiète pour la croissance

La BCE serait-elle, contrainte et forcée, sur le point d'entamer un demi-tour spectaculaire dans sa stratégie ? L'institution monétaire européenne répétait en effet depuis des mois son inquiétude par rapport au niveau des prix dans la zone euro. A chaque conférence de presse, Wim Duisenberg ne cessait de mettre en garde les marchés : les tensions sur les prix sont fortes et la BCE ne tardera pas à remonter ses taux. Seulement, la reprise vigoureuse que l'on attendait encore au début du printemps s'est depuis fortement émoussée. Depuis la crise des marchés financiers et le ralentissement économique américain du mois dernier, le doute pèse sur la poursuite même de la croissance. Parallèlement, l'inflation a commencé à s'assagir dans la zone euro. Pour juillet, elle a été estimée à 1,9% en rythme annuel. De fait, la BCE a donc progressivement abandonné l'idée d'un relèvement des taux dès la rentrée, un scénario qui avait été évoqué avant l'été par de nombreux économistes. La dernière analyse trimestrielle de la BCE est venue confirmer aujourd'hui que son premier souci était bien devenu la croissance.Certes, L'institution de Wim Duisenberg est encore inquiète de la progression de M3 au premier semestre, mais la réduction du rythme de croissance de la masse monétaire en juin tend à réduire cette inquiétude. En fait, la BCE convient que "les risques pesant sur la stabilité des prix sont désormais plus équilibrés". Une phrase qui dénote en réalité un véritable changement de perspective. D'autant que la banque centrale semble se soucier de plus en plus de l'état de la croissance. Si elle conserve son scénario global d'une accélération au second semestre, elle note que "l'incertitude concernant la vigueur de la reprise économique est élevée". Cette incertitude se traduit évidemment dans les prévisions de croissance relevée par la BCE pour la zone euro. Les économistes interrogés par la banque ne prévoient plus qu'une progression de 1,2% du PIB de la zone euro en 2002 contre 1,4% voici trois mois. L'accélération ne sera donc réellement palpable qu'au cours du premier trimestre 2003 où la croissance européenne pourrait atteindre 2,4% en rythme annuel.Un peu plus tard dans la journée, cette vision a été confirmée par la Commission européenne qui, si elle a maintenu ses prévisions de croissance dans la zone euro au deuxième trimestre (de 0,3% à 0,6%), a revu à la baisse ses prévisions pour le troisième trimestre. La hausse trimestrielle du PIB ne serait plus que de 0,6% à 0,9% contre une fourchette de 0,7% à 1% précédemment. Selon la Commission, les secteurs de la vente de détail et de la construction, "demeurent faibles".En fait, le vraie clé de la croissance européenne se situe évidemment en Allemagne. Actuellement, le pays reste dans une situation de stagnation économique, et les signes de reprise sont fragiles. Ainsi, le chiffre de la production industrielle de juin publié ce matin est plus fort qu'attendu par les économistes : +1,7% contre +1,5% pour le consensus. Mais cette hausse de juin efface à peine le recul du mois de mai (-1,6%) et le fort recul des commandes à l'industrie annoncé hier laisse peu de doute sur le caractère passager de cette reprise qui, d'ailleurs, ne permet pas à la production industrielle allemande de progresser au deuxième trimestre (-0,5%). La reprise est donc encore loin d'être une réalité en Allemagne.Surtout, l'Allemagne dépend encore trop, pour sa croissance économique, de ses exportations. Le ralentissement américain risque donc d'amener un coup de froid à la fin de l'été de l'autre côté du Rhin. Un ralentissement qui pourrait, par ricochet, se transmettre au reste de la zone euro. C'est ce scénario que craint le plus la BCE. Alors que l'on évoque de plus en plus une baisse des taux de la Fed le mois prochain, la BCE devrait elle maintenir encore pendant quelques mois son taux directeur à 3,25%, son niveau depuis novembre dernier. Il est vrai qu'une baisse des taux pourrait, selon certains économistes, avoir un effet contre-productif, d'autant que le niveau actuel des taux est déjà très bas.
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