Le marché salue le plan Breton pour France Télécom

Plus gros volume et plus forte hausse du CAC 40 avec une hausse de 16,52% à 18,90 euros, France Télécom a tenu la vedette durant toute la séance de jeudi à la Bourse de Paris après l'exposé par son nouveau PDG, Thierry Breton, des grandes lignes de son plan stratégique. Et l'action a entraîné dans son sillage celles de ses filiales cotées : Orange a gagné 1,39% à 7,29 euros, Wanadoo 2,64% à 4,67 euros et Equant 2,75% à 5,60 euros, faisant donc mieux que résister à la forte baisse du marché parisien après la plongée dans le rouge de Wall Street.La hausse a été confortée par la confirmation par Standard & Poor's et Fitch des notes de crédit du groupe. Fitch a agréablement supris les marchés en relevant la perspective du groupe de "stable" à "positive". De son côté, S&P maintient le BBB- accordé à la dette à long terme et le A-3 de la dette à court terme, avec une perpective stable, et juge que le plan améliorera à terme la notation de France Télécom. Parallèlement, les analystes de Merrill Lynch ont relevé de "neutre" à "acheter" leur recommandation sur le titre, avec un objectif de cours de 21 euros.Même si les grandes lignes du plan Breton, baptisé "Ambition FT 2005" avaient déjà été divulguées par la presse et abondamment commentées, le marché semble apprécier la tonalité du discours du successeur de Michel Bon, marqué simultanément par un calendrier clair pour le désendettement du groupe, un projet d'amélioration de la rentabilité opérationnelle et une volonté évidente de reprise en main du management (lire encadré ci-dessous). Autant d'éléments qui facilitent la "digestion" des 17 à 19 milliards d'euros de pertes nettes désormais prévus pour cette annéeComme attendu, la priorité des priorités du groupe est au renforcement de la structure financière. Mais Thierry Breton n'avait guère le choix : avec 72 milliards d'euros de dettes au 30 juin selon le bilan établi par sa nouvelle direction, France Télécom serait, sans le soutien de l'Etat actionnaire, en situation de faillite virtuelle. La présentation des comptes au 30 juin dernier aux normes américaines fait en effet ressortir des fonds propres négatifs de 24 milliards d'euros !Le plan "15+15+15" élaboré par Thierry Breton - en collaboration étroite avec Bercy - prévoit donc 15 milliards d'euros de disponibilités consacrées à la réduction de la dette dégagées par l'amélioration de la performance opérationnelle, 15 milliards d'allongement des échéances de la dette et surtout - point le plus délicat - 15 milliards d'euros de renforcement des fonds propres. Vers la privatisation L'Etat, actionnaire à 54,5%, sera logiquement le principal contributeur à cette dernière étape, avec un apport de neuf milliards d'euros, réalisé par le biais d'une avance d'actionnaire d'une durée de dix-huit mois, "pour donner à France Télécom la possibilité de lancer une opération de marché au moment le plus opportun". Un retard qui est néanmoins facteur de risque aux yeux de certains analystes : "France Télécom sera prisonnier des marchés", explique l'un d'eux à Reuters, l'incertitude sur le calendrier et les conditions de l'augmentation de capital pouvant peser sur le cours, éventuellement jusqu'à l'échéance de cette avance, mi-2004. C'est la Caisse des dépôts et consignations qui avancera donc les neuf milliards nécessaires dans un premier temps, mais le collectif budgétaire actuellement en préparation incluera un "amendement France Télécom" portant sur une ligne de trésorerie d'environ 10 milliards, a expliqué ce matin le député UMP Philippe Auberger à l'issue de l'audition de Thierry Breton par la commission des finances de l'Assemblée nationale.Pour Francis Mer, interrogé ce matin sur France 2, cet apport d'argent frais constitue un "investissement" pour le contribuable. Le ministre de l'Economie et des Finances confirme par ailleurs que le plan Breton pourrait amener l'Etat à abandonner la majorité au capital de France Télécom : "si à l'occasion de son plan, France Télécom démontre à son principal actionnaire, l'Etat, qu'elle a intérêt à ce que l'Etat, non pas vende ces actions, mais se retrouve dans une situation où ses actions ne représentent plus la majorité du capital, alors, à ce moment, l'Etat sera prêt intellectuellement et ensuite opérationnellement à accompagner" l'opérateur, a expliqué le ministre. En bon français, l'augmentation de capital devrait donc diluer la part de l'Etat actionnaire sous les 50%.Orange ralentit ses investissementsLe plan d'amélioration opérationnelle, affublé du sigle "TOP", prévoit quant à lui de dégager plus de 15 milliards d'euros de cash-flows libres sur la période 2003-2005. Soit 20 à 25% de ce total l'an prochain, 35 à 40% en 2004 et 40% en 2005. Pour ce faire, FT prévoit d'"optimiser" ses investissements (pour générer 40 à 45% des économies), de réduire ses coûts (35 à 40% du total) et de réduire ses besoins en fonds de roulement. Toutes les divisions opérationnelles et fonctionnelles seront bien entendu mises à contribution. Mais Orange sera en première ligne, avec pour mission de réaliser 35 à 45% du total des économies prévues. La filiale mobile investira donc l'an prochain 3 milliards d'euros de moins que prévu et va retarder le lancement de ses projets UMTS hors de Grande-Bretagne, les gelant même purement et simplement en Suède. La société a cependant démenti, dans l'après-midi, l'information donnée quelques heures plus tôt par son directeur général adjoint Graham Howe selon laquelle elle prévoit de supprimer 2.000 emplois dans le monde : elle se contentera donc des 800 suppressions déjà réalisées. Pour l'ensemble du groupe, les investissements seront contenus entre 7,5 et 8 milliards d'euros cette année et diminueront de 10% l'an prochain. Thierry Breton et sa nouvelle équipe ne prévoient en revanche pour l'instant aucune cession d'importance, insistant au contraire sur leur volonté de "préserver l'intégrité du groupe" et de s'appuyer sur ses "marques fortes" : France Télécom, Orange, Wanadoo et Equant. Mais ils n'excluent rien en expliquant que les "actifs en position stratégique et financière faible, ou ceux pour lesquels un contrôle majoritaire est impossible auront vocation à être cédés". Dans l'immédiat, le groupe prévoit toujours de céder rapidement ses participations minoritaires dans Noos ("avant la fin de l'année"), Casema et Eutelsat. Egalement au programme, la sortie du capital de l'opérateur italien Wind. Sur le plan de l'emploi, le nouveau PDG reste flou, sans doute volontairement, expliquant simplement que les programmes déjà en place visant à réduire les effectifs de 20.000 personnes sur trois ans seront complétés par une mission "mobilité" créée par l'Etat en "complément" de ces programmes. Dans l'immédiat, le groupe gèle ses recrutements jusqu'en juin prochain. Les syndicats ont donc toutes les raisons de rester préoccupés, avant leur rencontre, ce vendredi, avec la direction des ressources humaines du groupe. la CFE-CGC demande dans un communiqué "des engagements clairs sur le sort des personnels, les mesures de mobilité, l'avenir professionnel et le maintien des compétences". Le groupe employait, au 31 octobre, 120.700 salariés, dont 103.000 ont un statut de fonctionnaires.Valse de dirigeants. Pour mener à bien les changements décidés pour France Télécom, Thierry Breton s'entoure d'un nouvel Etat-major, un comité exécutif, dont l'homme fort sera Franck Dangeard. Déjà aux côtés de Thierry Breton quand ce dernier présidait Thomson Multimédia, Franck Dangeard sera chargé de piloter "Ambition FT 2005". Certains barons de France Télécom font les frais de cette nouvelle organisation. C'est notamment le cas de Jean-Louis Vinciguerra, le directeur financier de Michel Bon, qui n'apparaît plus dans l'organigramme de l'entreprise. Symbole des désastres passés, il est remplacé par Michel Combes. Une autre figure de France Télécom disparaît à la faveur de ce renouvellement de direction : Nicolas Dufourcq, le PDG de Wanadoo, démissionne. Il sera remplacé à compter du 15 janvier prochain par Olivier Sichel, actuellement patron de Wanadoo E-Merchant (filiale de commerce électronique de Wanadoo regroupant Alapage et Marcopoly). Autre départ annoncé, celui de Jean-François Pontal : le directeur général d'Orange partira à la retraite au printemps prochain. Son successeur sera connu début 2003.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.