Inquiétudes autour de la reprise par Lagardère des éditions de Vivendi

L'affaire n'est pas encore officiellement bouclée, mais elle suscite déjà de vives inquiétudes: en annonçant l'ouverture de négociations avec Lagardère pour lui céder les activités européennes et latino-américaines de Vivendi Universal Publishing (VUP), sur la base d'une valeur d'entreprise de 1,25 milliard d'euros, le groupe Vivendi relance le débat sur la concentration des activités d'édition et de distribution du livre en France.L'opération débouchera en effet sur l'apport à Lagardère et à sa filiale Hachette des activités de littérature générale, de référence et d'éducation de VUP, soit notamment Larousse, Le Robert, Bordas, Nathan, Plon-Perrin ou encore Robert Laffont et Les Presses de la Renaissance. De façon significative, il est d'ailleurs prévu une étape intermédiaire: les activités concernées seront d'abord reprises par Natexis Banques Populaires, qui les cédera à Lagardère "dès l'obtention de l'accord des autorités de la concurrence".Recours à BruxellesCes dernières vont en effet devoir se prononcer sur un rapprochement qui donnera au groupe Hachette une position largement prépondérante dans l'édition française. Selon Antoine Gallimard, opposant de la première heure à la candidature de Lagardère, le nouvel ensemble représentera 80% des parts de marché du livre scolaire, plus de 50% de celui du poche (avec, dans ce secteur même, plus des deux tiers de la science-fiction, du policier, du parascolaire) et plus de 70% de la distribution de l'offre éditoriale globale. Du coup, Antoine Gallimard a affirmé aujourd'hui que cette opération va susciter "un effet de souffle" sur le marché de l'édition française. La considérant "particulièrement préoccupante pour l'avenir", l'éditeur entend donc "réagir". "Nous irons avec certains indépendants à Bruxelles pour porter ce dossier. Nous devons voir aussi comment s'unir entre indépendants", a-t-il lancé. Le PDG du Seuil, Claude Cherki, a pour sa part comparé la nouvelle entité à un "méga-monstre" et veut, lui aussi, "agir auprès des autorités de la concurrence à Paris comme à Bruxelles".Pour tenter de désamorcer cette fronde, Jean-Luc et Arnaud Lagardère, qui ont affirmé ces dernières semaines être prêts à revendre certains éléments de VUP là où la concentration serait excessive, se sont engagés, dans un communiqué, à "préserver et développer le patrimoine culturel français", et cela "sur le long terme". Les responsables du groupe Lagardère promettent donc de "favoriser la création sous toutes ses formes, respecter l'indépendance de ceux qui - grands, moyens, petits éditeurs, diffuseurs et libraires - contribuent par leur pluralité et leurs différences à la richesse de notre culture nationale". Leur projet a en tout cas immédiatement reçu le soutien du gouvernement. Le ministre de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon, a affirmé qu'il "se réjouit qu'une solution française et industrielle se soit ainsi imposée". Et le ministre déclare "faire confiance au groupe Lagardère pour assurer la pérennité et le développement des maisons achetées". Houghton-Mifflin à vendreSi le sort de l'édition européenne semble scellé, reste à VU sa branche américaine, Houghton-Mifflin. Le groupe explique qu'il "envisage de relancer prochainement le processus de cession afin de l'ouvrir à un nombre plus important d'acquéreurs potentiels, sauf si une proposition substantiellement améliorée lui était apportée d'ici le vendredi 25 octobre inclus".C'est faute d'offres financières suffisantes pour l'ensemble de la branche édition que Jean-René Fourtou, le PDG de VU, a semble-t-il décider de scinder VUP, contrairement à son projet initial. Alors qu'il espérait retirer trois milliards d'euros de cette cession, les offres déposées séparément par PAI et Lagardère associé au fonds américain Ripplewood auraient finalement été nettement inférieures à ce chiffre. Paribas Affaires Industrielles (PAI), qui était associé aux fonds d'investissement Apax Partners France, Thomas H. Lee et Blackstone, a offert autour de 800 millions d'euros pour les seules activités européennes de Vivendi Universal Publishing, soit nettement moins que Lagardère. En ce qui concerne Eurazeo, une source proche de ce candidat, contactée par l'AFP, a affirmé que l'offre du holding français se limitait en fait aux seules activités américaines. "Eurazeo est donc toujours candidat pour le rachat de Houghton Mifflin", précise ce même contact.Racheté l'an dernier pour 2,2 milliards de dollars (reprise de dettes comprise), l'éditeur américain serait aujourd'hui évalué autour de 1,7 milliard. Ajoutée aux 1,25 milliard d'euros de la vente de VUP Europe à Lagardère, cette somme porterait à 2,95 milliards le prix de l'ensemble de la branche. Des inconnues demeurent sur le dossier CegetelSi la scission de VUP en préalable à la vente laisse à Jean-René Fourtou un espoir de retirer peu ou prou de cette vente les capitaux qu'il en attendait, elle va sans doute retarder et compliquer la prise de décision sur le dossier Cegetel : Vivendi a jusqu'au 10 novembre pour exercer éventuellement son droit de préemption sur les parts de SBC et BT dans sa filiale de télécommunications. Mais l'exercice de ce droit suppose que le groupe dispose d'environ 4 milliards d'euros, ce qui est très loin d'être le cas aujourd'hui. S'il ne veut pas être contraint d'accepter l'offre de 6,8 milliards d'euros de Vodafone pour ses 44%, VU devra donc rapidement trouver un acheteur pour Houghton-Mifflin. Ainsi que les fonds qui lui manquent pour faire à BT, à SBC ou aux deux réunis une offre acceptable pour leurs parts de Cegetel. Les inconnues restent donc nombreuses, et alimentent les rumeurs : parallèlement aux informations sur VUP, Vivendi a démenti mercredi matin l'existence d'un projet d'émission d'obligations échangeables en actions Vivendi Environnement pour financer une éventuelle préemption des titres Cegetel faisant l'objet de l'offre de Vodafone.En Bourse, l'action Vivendi Universal perd 9,93%, à 12,07 euros, en clôture. Le titre avait déjà cédé 10,7% au cours des trois dernières séances. Lagardère, de son côté, gagne 6,85% à 42,90 euros.
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