Altavista sur les traces de Google

Son nom résonne encore dans les têtes des internautes de la première heure, mais n'a pas grande signification pour les novices du Net. Et pour cause. Après avoir été le moteur de recherche le plus puissant et le plus utilisé de la Toile, entre 1996 et 1998, Altavista, qui a évolué vers une formule de portail généraliste, s'est finalement laissé dépasser par des Yahoo! et autres Lycos. Nostalgique des années de gloires passées, Altavista n'a pourtant pas jeté l'éponge. Pour ce dernier défi, la star déchue d'Internet ne fait pas dans la dentelle. Dans un ultime virage stratégique qui le ramène à ses origines, Altavista ambitionne de concurrencer Google, le moteur dont des millions d'internautes chantent les louanges à l'unisson. "Je pense qu'il y a la place pour au moins un véritable challenger sur le marché", assure Karl Grégory, directeur marketing international d'Altavista.Nouvelle version et nouveau modèle - Altavista, toujours la propriété du fonds de capital risque CMGI, a sorti mardi aux Etats-Unis et en Europe (en simultané en France, en Grande Bretagne, en Italie, et en Allemagne) une nouvelle version de ses sites, volontairement concentrée sur son outil de recherche. Bannis les outils superflus, la page d'accueil est réduite au minimum, mettant en avant la boîte de recherche. Les bannières de publicité ont été supprimées de la page d'accueil, ainsi que les "pop up" et les "pop under", ces messages qui apparaissent dans des fenêtres séparées. Place en revanche à la publicité ultra ciblée. Comme sur Google, Altavista commercialise désormais des mots clefs à ses annonceurs, qui apparaîtront sous forme de bannières publicitaires dans les pages de résultats de recherche les plus pertinentes. Une offre de liens sponsorisés est également disponible. Contrairement à Google, Altavista n'a pas développé cet outil en interne, mais s'est allié au Français Espotting. Dernière source de revenus: l'e-commerce, via des partenariats avec des sites de commerce électronique, comme Kelkoo. Côté distribution, Altavista compte vendre sa technologie à des sites portails. Si aucun partenaire n'a encore été signé, la société vise "les plus grands acteurs du secteur", explique Karl Gregory. Un véritable défi pour ce nouvel entrant alors que Google fournit déjà sa technologie à "AOL, Yahoo!, AT&T, Lycos Canada et Virgilio en Italie", selon son patron français Franck Poisson. Rappelons qu'Altavista avait par le passé perdu son contrat avec Yahoo!, au profit d'Inktomi, puis de Google. Enfin, Altavista commercialisera sa solution aux entreprises, un marché peu exploité jusque là par la société mais déjà occupé par Google, avec "Cisco, Procter & Gamble et Boeing", énumère Franck Poisson.Discrétion - Point commun entre les deux sociétés: la discrétion sur les chiffres. "Aucune de ces différentes sources de revenus ne dépasse 40% du chiffres d'affaires global", se contente d'indiquer Stéphanie Himoff, la directrice générale France d'Altavista. Un seul objectif: la rentabilité d'ici six mois. De son côté, Google réalise la moitié de son chiffre d'affaires grâce à la publicité, l'autre moitié étant issue de la vente de licences. Huit mois de développement ont été nécessaires à la conception d'un outil qu'Altavista a désiré "au moins aussi puissant que Google", vante Stéphanie Himoff. Silence radio bien entendu sur les sommes dépensées. Mais le nouveau moteur, qui repose à l'instar de Google sur l'analyse des liens, indexe 1,2 des 5 milliards de pages Web (contre 2,4 pour Google). L'ensemble de l'index d'Altavista est renouvelé dans une période allant de 45 à 60 jours tandis que les sites d'informations sont mis à jour toutes les 15 minutes par le moteur. Grand écart - Altavista, ange déchu du Web, renaîtra-t-il de ses cendres ? L'écart avec Google est grand. Le leader du marché, outre ses partenariats avec AOL et Yahoo!, comptait en septembre 55,4 millions de visiteurs uniques, selon Nielsen Net Ratings, contre "33 millions d'utilisateurs pour Altavista", affirme Stéphanie Himoff. En France, Altavista revendique 1,4 million d'utilisateurs, contre 4,1 millions pour Google et 7,6 pour Wanadoo.Pour reconquérir sa place, Altavista mise d'abord sur un nom, que les internautes confirmés n'ont pas oublié. Une partie de la campagne de communication en ligne et hors ligne vise les surfeurs qui ont de 3 à 5 ans d'Internet derrière eux. Surtout, Altavista parie sur la nature volage des internautes, prêts à changer de moteur de recherche pour un outil plus pertinent. "Notre message publicitaire s'articule sur l'efficacité de l'outil", précise Karl Gregory. C'est comme ça qu'Altavista avait connu un démarrage fulgurant fin 1995. Et le même bouche à oreilles a propulsé Google au premier plan cinq ans plus tard... Grandeur et décadence d'un grand nom d'InternetComme d'autres grands noms d'Internet, la naissance d'Altavista est le fruit du hasard. En mars 1995, deux chercheurs de la société informatique Digital Equipment, qui passaient leur temps à surfer sur le Web, se mettent à écrire un programme de recherche sur le Net pour leur propres besoins. Mis en accès public le 15 décembre sans aucun lancement, le moteur, baptisé Altavista, dépasse en quelques mois Yahoo!, Lycos et Excite. Devant ce succès inespéré, Digital, en pleines difficultés financières, décide de l'introduire en Bourse pour lever 50 millions de dollars. Et ce un an après l'IPO en fanfare de Netscape. En 1997, le projet est annulé et l'année suivante, Digital est avalé par son rival, Compaq. Ce dernier, qui a décidé de compenser la baisse des prix de l'informatique par le Web, veut transformer Altavista en véritable portail d'entrée sur le Web, grâce à une multitude de services. En janvier 1999, la firme informatique, pressée de trouver du cash, veut à son tour mettre Altavista sur le marché. Entre temps, le portail a pris du retard au profit de concurrents, comme Yahoo! ou MSN. Quelques mois plus tard, changement de cap pour Compaq, qui cède Altavista au fonds de capital risque américain CMGI, dans une opération le valorisant 2,7 milliards de dollars. A l'apogée de la bulle Internet, CMGI annonce fin décembre un troisième projet d'introduction en Bourse - lui aussi avorté - pour Altavista afin de lever 300 millions de dollars. Côté stratégie, débutent deux années d'errance. Altavista s'internationalise en grande pompe, se lance dans l'accès Internet gratuit, multiplie les partenariats, fait du Wap, du minitel, produit du contenu. Peu à peu, les revenus publicitaires se réduisent comme peau de chagrin et les pertes se creusent. Deux plans sociaux plus tard, le PDG, Rod Schrock, est mis dehors. James Barnett prend les commandes d'Altavista en septembre 2001. C'est lui qui décide de revenir au métier d'origine du site. Entre temps, il met un terme aux autres activités et s'efface des médias.
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