Deux cultures de gouvernement d'entreprise

" Il s'agit d'une mise sous tutelle et sans doute d'une première ", expliquait hier un proche de Vivendi Universal. L'instauration d'une structure de bonne gouvernance, au sein du conseil d'administration de Vivendi Universal pour encadrer Jean-Marie Messier, dans le pilotage du groupe n'est certes pas coutumière dans le monde des entreprises, en France comme aux Etats-Unis. L'initiative des 14 administrateurs indépendants de VU résulte aussi d'un compromis entre deux cultures du gouvernement d'entreprise, véhiculées par 5 représentants américains et 7 français. Aux Etats-Unis, plusieurs modèles d'organisation du pouvoir dans l'entreprise coexistent. Le CEO (chief executive officer) cumule souvent la conduite de la stratégie et la gestion. Mais cette dernière tâche peut aussi être confiée à un chief operating officer (COO).Sur des sièges éjectables. Depuis quelques mois outre-Atlantique, les CEO sont sur des sièges éjectables, un certain nombre d'entre eux ayant été remerciés sans ménagement par leur conseil d'administration. Il n'était pas question de suivre cette voie, pour le patron de VU, pas plus qu'il n'était possible, comme cela se fait parfois aux Etats-Unis, de le flanquer d'un COO, bien que certains membres du conseil y aient sérieusement songé.Côté français, où les grandes entreprises sont régies par des patrons de droit divin et où les conseils d'administration sont pour une large part dominés par l'establishment du monde des affaires, il n'était pas envisageable d'utiliser la manière forte. Mais il ne l'était pas non plus de baisser les bras, car depuis quelques années, le gouvernement d'entreprise et la responsabilité des administrateurs qu'il suppose fait son chemin. Quelques grandes entreprises ont même fait le choix de modifier leurs statuts en remplaçant le traditionnel PDG par un système à conseil de surveillance et directoire.Pour VU, il a donc fallu trouver une issue susceptible de satisfaire les clans français et américains. D'où l'émergence du conseil sur le gouvernement d'entreprise, présidé par Marc Viénot, ancien président de la Société Générale, président du comité des comptes de VU, et coprésidé par Edgar Bronfman Jr, l'un des trois membres de la famille qui détient plus de 5 % du groupe. Complétée par deux administrateurs français et américain, la recherche de l'équilibre des forces au sein du conseil d'administration est manifeste. Reste à savoir si le compromis pourra fonctionner et, notamment, quelles seront les véritables attributions de la nouvelle structure de gouvernement d'entreprise qui pour l'heure sont fort vagues.Déplacement de pouvoir ? Le Conseil sur le gouvernement d'entreprise est désormais sur les rails. Mais il est trop tôt pour en mesurer la finalité. Se limitera-t-il à une initiative sans grand lendemain, prise à la hâte pour calmer le jeu ? Ou au contraire, ce conseil d'un genre nouveau illustre-t-il un déplacement du pouvoir des mains de Jean-Marie Messier entre celles des administrateurs soucieux de remettre de l'ordre dans la maison ? Si ce dernier scénario l'emporte, les débats sur les décisions à prendre risquent d'être animés si les membres du conseil d'administration s'opposent sur la stratégie à suivre.Enfin, si la structure de bonne gouvernance joue pleinement son rôle, quel sera le sort de Jean-Marie Messier ? Soit il sort " mûri " d'une période de purgatoire, soit il accepte d'être relégué au second plan. A moins tout simplement que ses jours à la tête de Vivendi ne soient comptés.Dominique Mariette
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