Lula a passé avec succès son tout premier examen de président du Brésil. La victoire, avec plus de 61% des voix, du candidat du Parti des travailleurs, n'a provoqué aucun mouvement de panique sur les marchés financiers : la Bourse de São Paulo a même ouvert en hausse de 0,17%, à 10.032 points, tandis que le real s'incrivait en légère baisse à 3,745 pour un dollar, après deux séances de hausse jeudi et vendredi. L'évolution de l'indice boursier Bovespa et celle de la monnaie nationale étaient sans aucun doute les deux réactions les plus attendues après l'accession au pouvoir du premier président de gauche de la démocratie brésilienne. Leur quasi-stabilité est sans doute à mettre au compte du ton volontairement rassurant des premières déclarations du président élu et de ses proches. Peu de temps après la déclaration de son adversaire Jose Serra lui concédant la victoire, Lula, ancien ouvrier métallurgiste de 57 ans, ex-syndicaliste venu à la politique par l'opposition à la dictature militaire, avait notamment réitéré sa promesse de "respecter les engagements internationaux" du Brésil et de maintenir la politique anti-inflationniste. "Nous tiendrons les promesses que nous avons signées dans un document écrit en juin", a-t-il assuré dans une interview à la chaîne de télévision Globo News, en référence à une lettre dans laquelle il s'engageait à respecter les engagements du pays, notamment sur le paiement de sa dette extérieure. Mais Lula a également souligné que "les marchés doivent savoir que les Brésiliens ont besoin de manger trois fois par jour". Le pays compte 54 millions de pauvres, soit près d'un tiers de la population.Son plus proche conseiller économique, Guido Mantega, a pour sa part affirmé que la nouvelle équipe ne demanderait pas de moratoire sur la dette, ni la restructuration de celle-ci. "La dette interne brésilienne est payée en réals et non en dolllars. 97% de la dette argentine, par exemple, est payable en dollars. Nous, nous avons besoin de réals", a-t-il déclaré aux journalistes. "Le Trésor dispose de 90 milliards de réals (24 milliards de dollars environ) en caisse pour payer la dette interne. En plus, la Banque Centrale est en train de lancer des enchères à long terme qui sont achetées par le marché".Washington sereinPreuve de la préoccupation des milieux économiques : sans attendre les résultats définitifs de l'élection, la Fédération brésilienne de banques, la Febraban, s'est déclarée "prête à collaborer" avec le nouveau chef de l'Etat tout en lui rappelant que "les engagements de combat contre l'inflation, de respect des institutions internationales et des contrats, affirmés et réaffirmés durant la campagne électorale, devront être respectés". Côté américain, l'équipe Bush s'efforce en revanche d'afficher sa sérénité. En visite en Caroline du Sud, le secrétaire au Trésor Paul O'Neill a exprimé sa satisfaction de voir l'incertitude levée sur l'avenir politique du Brésil. "Pour ce que je connais de Lula, je pense que tout se passera bien", a-t-il résumé, souhaitant que le nouveau gouvernement de Brasilia poursuive sur la voie économique suivie par l'administration sortante. L'équipe transitoire de Lula, dont la composition pourrait être annoncée dès demain et qui sera chargée de préparer la prise de pouvoir du 1er janvier, devra pourtant affronter un paysage économique en dégradation rapide : depuis le début de l'année, le real a perdu 40% de sa valeur, tandis que la croissance, qui ralentit, ne devrait pas dépasser 1,5% cette année. La dette publique représente actuellement 60% du PIB brésilien, et la marge de manoeuvre de la nouvelle équipe dirigeante est étroite si elle entend respecter l'engagement fait au FMI de dégager un excédent primaire de 3,8%.La joie qui a poussé des dizaines de milliers de Brésiliens dans les rues des grandes villes cette nuit pour fêter la victoire de Lula risque donc d'être de courte durée, et les problèmes structurels de la onzième économie du monde pourraient bien reprendre le dessus avant même que le nouveau président prenne ses fonctions.

latribune.fr

20 Oct 2008, 4:02

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