Warren Buffett, l'anti-conformiste de la finance américaine

Mon premier est l'archétype de la multinationale américaine, forte de 113 milliards de dollars de capitalisation boursière, propriétaire de l'une des marques les plus célèbres de la planète. Mon second est une organisation non gouvernementale née en décembre 1998 pour lutter contre une mondialisation guidée par les seules lois du marché. Il était a priori peu probable que Coca-Cola et Attac puissent faire cause commune sur quoi que ce soit. Depuis la fin de la semaine dernière, c'est fait.Il a fallu, il est vrai, une petite révolution pour en arriver là. Coca-Cola a tout simplement annoncé vendredi dernier son intention de ne plus publier de prévision de résultats annuels ou trimestriels, rompant ainsi avec une des traditions les mieux installées à Wall Street. Mais c'est aussi l'une des principales causes de la volatilité du cours des actions. Un cours dont les PDG des grandes entreprises américaines commencent sérieusement à se lasser de faire le critère principal de leur réussite au jour le jour.Douglas Daft, le PDG de Coca-Cola, a justifié sa décision en ces termes : " Nous pensons qu'établir des prévisions à court terme empêche de se concentrer sur ce qui importe davantage, comme les initiatives stratégiques d'une entreprise pour développer ses activités et être couronnée de succès sur le long terme. " Eurêka, s'est aussitôt exclamé le président d'Attac : " Tout ce qui contribue à réduire le court-termisme des investisseurs est bon, car le rythme d'une entreprise est un rythme long. "Pour réconcilier deux points de vue que tout paraît opposer, il fallait quelqu'un d'exceptionnel. Le qualificatif sied sans aucun doute à Warren Buffett, président de Berkshire Hathaway, deuxième plus importante fortune au monde derrière Bill Gates, investisseur à l'instinct légendaire, obsédé de la création de valeur, pingre devant l'éternel - lorsqu'il fut finalement trop connu pour voyager sur des lignes aériennes commerciales, il se décida à acheter un jet privé mais baptisa aussitôt ce coupable excès "L'Indéfendable".Gillette a cessé dès le début de 2001 de donner des prévisions de résultat. Le Washington Post, coté en Bourse, s'en est abstenu depuis plus d'une décennie. Tout comme Coca-Cola, ces deux entreprises comptent Warren Buffett parmi leurs actionnaires de référence et cette similitude ne doit rien au hasard.Après avoir raté le virage de l'Internet - il s'en est excusé auprès de ses actionnaires sans rien changer à une philosophie consistant à n'investir que dans des entreprises qu'il comprend -, le "Sage d'Omaha" est redevenu plus influent et respecté que jamais. Il a plaidé avec succès pour le traitement des stock options comme une charge comptable. Il a introduit, en force si nécessaire, davantage de démocratie dans les conseils d'administration. Il s'efforce maintenant de convaincre les grandes entreprises américaines de l'intérêt de donner du temps au temps.La réaction globalement hostile de Wall Street à cette proposition ne l'étonnera pas. Et les encouragements d'Attac ne seront pas pour lui déplaire.
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