Maurice Tchénio : « 2001, ‘annus horribilis’ du capital investissement »

latribune.fr.- Quel jugement portez-vous sur l'année 2001 pour l'industrie du capital investissement ?Maurice Tchénio.- On peut la qualifier d'« annus horribilis », pour paraphraser la reine d'Angleterre. Tous les ingrédients ont été réunis. D'abord, une baisse considérable des valorisations, un tarissement complet des introductions en Bourse et une chute globale de 50% du marché des fusions-acquisitions. Les possibilités de sortie pour les investisseurs se sont donc restreintes de façon considérable. Si bien que nous avons été confrontés à deux options vis à vis des sociétés que nous avions en portefeuille : soit les refinancer, avec une chute assurée du retour sur investissement ; soit ne pas les refinancer, en perdant la mise initiale...A cela s'est ajouté l'effondrement de certains secteurs, dont les chiffres d'affaires ont été divisés par deux, trois ou parfois dix. Cela s'est produit pour des start-up dans l'univers des télécoms, dans certains domaines du software, etc.. Par exemple, les grands groupes ont arrêté leurs investissements dans les places de marché et, plus généralement, dans tout ce qui concerne la communication basée sur Internet. Les petites sociétés produisant des logiciels dans ces domaines ont donc vu leur marché disparaître.De façon plus générale, enfin, nous avons souffert du ralentissement économique, qui a entraîné des baisses des carnets de commande même pour les secteurs traditionnels.Quels effets cette crise va-t-elle avoir sur le secteur du capital investissement ?Première conséquence : historiquement, les fonds de « private equity » n'avaient jamais perdu d'argent. Mais sur la période 1999-2000, pour la première fois, certains fonds n'ont pas restitué la totalité de leur capital à leurs investisseurs.Deuxième conséquence : si l'on prend l'ensemble des fonds créés ces deux dernières années, ils ne seront probablement que faiblement rentables. Dans dix ans, avec le recul, on verra que globalement, ils auront une rentabilité à un chiffre seulement.Troisième conséquence : certains acteurs qui sont entrés dans le métier ces dernières années ne survivront pas. Tout cela va finalement renforcer la concentration de notre industrie.Comment se présente l'année 2002 ?Nous allons vivre une année de transition, marquant un retour progressif à la normale. Le premier élément, c'est que le ralentissement des montants investis, déjà observé l'année dernière, va s'accentuer. Mais on va assister à une « réouverture » des Bourses. Et les exercices 2003 et 2004 seront vraisemblablement de très bons crus pour les fonds investis ces années-là, puisqu'ils profiteront de la chute des valorisations.Quelles tendances discernez-vous pour les start-up high-tech cette année ?La première chose à noter, c'est que le secteur qui a le mieux résisté l'année dernière est celui des biotechnologies. Pour cette année, dans l'univers informatique au sens large, il y a bien sûr des tendances lourdes : tout ce qui concerne la sécurité des systèmes, les produits améliorant la productivité, la tendance au développement des opérations de front-office, comme la gestion de la relation client, par opposition aux opérations de back-office qui ont assuré le gros de la croissance de l'informatique pendant des années.En revanche, on ne voit pas émerger de concept vedette comme, ces dernières années, le B2C ou le B2B. Ce n'est pas plus mal : il ne faut pas investir dans des modes, mais plutôt sur des projets et des équipes !Avez-vous constaté des divergences notables d'évolution entre les nombreux pays où Apax est actif ?La principale différence tient au calendrier. Le pays qui a le plus souffert, c'est bien entendu les Etats-Unis, où la situation est vraiment terrible. C'est le premier pays à souffrir, mais ce sera aussi le premier à rebondir, comme toujours. Le redémarrage du marché va intervenir au deuxième semestre 2002 aux Etats-Unis, j'en suis convaincu. La Grande-Bretagne viendra ensuite, puis l'Europe continentale.Propos recueillis par Patrick de Jacquelot
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.