La prison, destination ultime de la haute technologie

En mars prochain doit s'ouvrir la plus grande prison américaine destinée au recyclage de déchets électroniques : celle d'Atwater, dans le centre de la Californie, à quelques heures à peine de la Silicon Valley. Quelque 350 détenus y seront employés pour tester les PC, terminaux et divers périphériques qui ont été mis au rancard par les entreprises ou les administrations américaines. Ceux qui apparaîtront utilisables seront remis en état pour être revendus ou donnés. Les autres seront envoyés à la casse après récupération de matériaux comme le cuivre, le plastique et le verre. La prison d'Atwater n'est pas la première du genre. Depuis 1996, d'autres établissements pénitenciers de Floride, du New Jersey, de l'Ohio et du Texas font déjà un travail similaire. Mais avec ses 8.000 m2 pour la production et le stockage et la possibilité de "traiter" 5.000 tubes cathodiques par jour, Atwater est jusqu'à présent la plus grande de toutes.Enjeu : faire face aux déchets électroniques qui, aux Etats-Unis comme dans les autres pays industrialisés, ne cessent d'augmenter. Selon la National Safety Council - un organisme qui s'occupe de la protection de la santé et de l'environnement - 20 millions de PC devenus obsolètes doivent être détruits chaque année. Or ils contiennent du plomb, du mercure, du plastique et, improprement stockés, peuvent se révéler dangereux.Contrairement aux pays d'Europe ou au Japon, le gouvernement fédéral américain n'a jamais pris de vraies mesures pour faire face au problème. "Pour le gouvernement, le problème des déchets électroniques n'est pas une priorité, observe Scott Cassel, un expert du secteur de l'université du Massachusetts. Or l'évolution rapide de la technologie crée de plus en plus de produits obsolètes. Et même si les constructeurs ont mis en place des programmes-pilotes destinés à résoudre le problème, ces efforts restent relativement timides." Un vide juridique (et social) qui a attiré l'attention de l'Unicor, le nom de guerre de la Federal Prison Industries qui, au sein du Département de la Justice, est chargé des opérations de recyclage. Son directeur, Larry Novicky, jubile. "Nous avons incontestablement une niche privilégiée dans ce secteur, explique-t-il. Les ordinateurs hors d'usage s'entassent et je dispose d'une main d'oeuvre à bon marché. Nous avons bien sûr des concurrents mais ma structure de coûts est complètement différente de celle du secteur privé. Alors nous sommes très compétitifs."Reste que cet enthousiasme n'est pas partagé par tous. D'abord, le pénitencier d'Atwater va devoir se soumettre aux régulations de la Californie qui sont autrement plus sévères que celles du Texas ou de l'Ohio et interdisent l'abandon de terminaux à tube cathodique dans les décharges. "Nous espérons qu'ils feront face à leurs obligations, s'inquiète-t-on dans les couloirs de l'Integrated Waste Management Board, qui en Californie s'occupe des questions de gestion des déchets. Ce que nous redoutons particulièrement, c'est que ces appareils obsolètes ne contaminent les cours d'eaux." Et surtout, les associations "vertes" commencent à monter au créneau, inquiètes notamment de la sécurité des détenus, exposés à des matières toxiques. "Atwater est le dernier exemple de leur exploitation" objecte Ted Smith, le responsable de la Silicon Valley Toxics Coalition (SVTC). C'est une façon d'utiliser une main d'oeuvre sous- payée et de lui faire encourir des risques." Ces critiques laissent de glace Larry Novicky : "Les détenus aiment être productifs et travailler dans l'électronique est pour eux séduisant. C'est du high-tech et c'est autre chose que de se trouver devant une machine à coudre ou fabriquer des boîtes en carton!"
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