Riz, éthique et génétique

La firme est-elle en droit de breveter les gènes du riz au motif de son seul intérêt commercial ? Ou bien s'agit-il d'une appropriation abusive de la principale ressource alimentaire des pays pauvres ? Vendredi prochain dans la revue Science, sera publiée la carte génétique de la céréale la plus consommée dans le monde en voie de développement : le riz. Un événement majeur pour les scientifiques, les agronomes, les responsables politiques... Et les industriels. Car le décryptage de la séquence ADN de oryza sativa (souche japonica) et les conditions dans lesquelles cette information sera rendue publique sont lourds de conséquences pour ces communautés. A l'instar du génome humain, le long et laborieux travail de déchiffrage du génome du riz a mobilisé plusieurs équipes, tant publiques que privées. Dans la première catégorie, l'International Rice Genome Sequencing program, financé notamment par le Japon. Dans la seconde, le groupe américain Monsanto et le suisse Syngenta, né de la fusion de Novartis et d'Astra Zeneca. C'est cette dernière firme qui a réalisé le plus rapidement l'essentiel du travail : 99% de la carte génétique de la plante viennent d'être dressés par ses soins. Il s'agit là d'une base de travail qui permettra aux scientifiques de retrouver dans la séquence globale les gènes du riz (il y en a 50.000) et leurs fonctions. A partir de là seulement, on pourra optimiser le rendement des cultures et éventuellement créer des variétés trans-géniques résistantes à certains insectes, à certaines maladies, voire capables de pousser dans des climats peu favorables. Autre grand intérêt de ce travail : le génome du riz est considéré comme un modèle qui va permettre d'en savoir plus sur les autres céréales, et notamment le maïs qui fait l'objet des plus grands échanges commerciaux.On comprend dès lors la préoccupation de Syngenta qui attend un retour sur investissement de sa recherche. Ce qui veut dire : breveter tout ce qui est possible du génome du riz. Par exemple, certains de ses "traits", qui permettent de développer une technologie agrochimique à partir d'une fonction reconnue d'un gène. Ce qui veut dire, par conséquent : ne pas dévoiler la totalité de l'information génétique sur le riz, contrairement aux usages en vigueur dans la communauté scientifique. Syngenta a voulu, à cet égard, ménager la chèvre et le chou : elle permettra aux chercheurs du public et des pays en voie de développement de consulter les données brutes mais se réservera le droit de licence et brevets conduisant à l'amélioration de la variété. En a-t-elle le droit moral ? Les avis sont partagés. Dans une lettre adressée à Science, 20 généticiens de renom estiment que le génome du riz est une information si fondamentale pour son exploitation agricole qu'il ne devrait pas être la propriété d'une seule entreprise commerciale, d'autant que cette céréale est la providence des pays pauvres. D'autres vont plus loin, et craignent de voir, dans le futur, les agriculteurs du Tiers-Monde à la merci des groupes agrochimiques occidentaux. A qui appartient le patrimoine génétique ? Le débat n'a pas fini d'être posé, pour le riz, et pour l'homme.Retrouvez l'actualité technologique tous les mercredis dans "La Tribune de l'Innovation", édition papier.
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