Cible émouvante

Ils ont bon dos, nos banquiers. Les quelques ratés de l'euro ? C'est de leur faute. Peu importe si la Banque de France n'a pas produit à temps - ce qu'elle dément - les pièces et les billets nécessaires, si les commerçants ont notoirement sous-estimé leurs besoins en euros, notamment pour réalimenter leurs fonds de caisses, ou si les particuliers ont eu des réactions surprenantes, comme de changer seulement cinquante francs par cinquante francs, de retirer des euros au distributeur... avant de venir au guichet quelques minutes plus tard les remettre sur leur compte.Si les banquiers ont fauté, c'est en ne prévoyant pas ces comportements irrationnels ni la ruée dans leurs agences, en n'y différenciant pas le traitement des particuliers et des commerçants ou encore en refusant de servir des non clients même pour de petites opérations de change comme ils s'y étaient pourtant initialement engagés.Péché véniel mais pas mortel. Justifiait-il les attaques du gouvernement alors même qu'on demandait aux banquiers d'effectuer une mission somme toute d'intérêt général, et ce gratuitement sans que les pouvoirs publics, contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres pays, ne leur ait accordé la moindre indemnisation? Service commercial, objectera-t-on. Oui, s'il est destiné aux clients, mais pas s'il est ouvert à tout vent, notamment à des personnes peu susceptibles d'ouvrir un jour un compte chez eux.On peut certes considérer que le métier bancaire s'apparente à une activité de service public. Dans ce cas, renationalisons les banques, à tout le moins, réencadrons le crédit. Mais ce n'est guère le sens de l'histoire, a fortiori au lendemain du passage à l'euro.Mais nos banquiers sont décidément incorrigibles. Ils auraient pu attendre que le gouvernement réalise que ses critiques, certes populaires à quelques mois des élections - le banquier a toujours mauvaise presse dans l'Hexagone - avaient été un tantinet exagérées compte tenu des efforts déployés dans les banques - tout comme à La Poste ou chez les commerçants. Ce qui a fini par arriver, Laurent Fabius ayant hier remercié notamment les banquiers pour leur rôle lors du passage à l'euro.Mais entre temps, les banquiers ont commencé à sortir du bois, estimant que le passage à la monnaie unique allait devoir aussi se traduire pour le client français par le paiement tôt ou tard des chèques et des opérations par cartes, comme chez ses voisins. Erreur funeste, là encore à quelques mois des élections. Car le sujet de la tarification bancaire reste brûlant dans l'Hexagone. Et les banquiers se sont fait aussitôt renvoyer dans leurs buts par les pouvoirs publics. Ils avaient été critiqués, en partie injustement, mais ils ont aussitôt donné à leurs détracteurs les verges pour se faire battre.
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